Les meilleurs films de 1995 selon Alexandre G

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Grande fresque en trois tableaux retraçant l'histoire de la Yougoslavie depuis les partisans titistes de 1941 jusqu'à l'implosion de la Fédération en 1992. Les trois parties ont pour objet commun la guerre ("Guerre", "Guerre froide" et "Guerre"...) mais c'est au fond ce subtil mélange entre union et division, par la métaphore de cette famille d'amis, qui fait le propos du film: Kusturica évoque, toujours dans un ton burlesque/tragique, ces peuples amis-ennemis, unis contre les nazis et contre eux-mêmes, et impuissants face aux tragédies qu'ils commettent eux-mêmes...
La bande-son signée Bregovic fait évidemment beaucoup, mais quelle photographie, et quel jeu d'acteurs ! Et cette mise en scène inimitable, qui fait du bombardement de Belgrade de 1941 une farce, et, en miroir, le massacre de Bosniaques en 1992 une véritable tragédie grecque... Le héros (Blacky) se rend compte qu'il a fait abattre son ami de toujours et son amante, et implore la fatalité qui refuse de lui rendre son fils, dans une ronde enflammée qui m'a tiré les larmes. Peut-être pas aussi beau (et pour cause, moins mystique) que Le Temps des gitans, mais pour sûr un chef d'oeuvre.

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Evidemment, quand John McTiernan revient aux commandes, la qualité n'est plus du tout la même... Alors que le 2 semblait sombrer dans la caricature et l'amateurisme, le troisième volet propose de nouvelles choses tout en conservant ce qui rendait l'original si intéressant. Tout d'abord, un rythme d'anthologie, chose primordiale pour un film d'action : un compte à rebours qui semble ne jamais en finir, des arcs imbriqués dans d'autres, des rebondissements et toujours cette habileté à glisser des instants de détente pour laisser souffler les personnages et le spectateur... Ensuite, une direction d'acteurs époustouflante : McLane avait l'arrogance beaucoup trop facile dans le 2, alors qu'ici, il redevient ce flic lambda à qui il n'arrive que des bricoles, héros malgré lui d'une tragicomédie qui le dépasse. Et Samuel Jackson s'y greffe à merveille, formant un des binômes les plus célèbres du cinéma d'action (le rappel à 'Lethal Weapon' est assez clair). Enfin, un méchant intelligent, charismatique sous les traits de Jeremy Irons, avec un plan ficelé à la perfection et, malgré une fin moins imposante que celle du 2, un splendide antihéros.

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C'est dans un univers steampunk devenu canonique que Marc Caro et J.-P. Jeunet nous convient ici, dans un film digne héritier des productions cirquassiennes des origines du cinéma. Des acteurs à gueule, des dialogues épatants, une intrigue onirique où un vieil aristocrate désabusé tente de retrouver ses rêves (littéralement), et des ressorts scénaristiques tous plus loufoques (la puce infiltrée qui transfère du sérum qui rend fou ou violent, les réactions en chaîne permettant à One et Miette d'être sauvés, les jumelles diaboliques, etc.)... On ne s'ennuie pas dans ce film même si l'intrigue n'est pas des plus prenantes et que le personnage d'One (Ron Perlman) n'est pas aussi attachant que ce grand dadais costaud aurait pu le laisser présager.

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Une splendide ode à la vie, à sa furtivité comme aux lenteurs de ses expériences, une incarnation du Carpe Diem, mais aussi une attention particulière à cette culpabilité que l'on ressent à ne pas vouloir réduire un moment à cela, mais à vouloir le prolonger. Qui n'a pas voulu vivre cette histoire d'amour, dont on ne sait pas vraiment si elle devrait être platonique, se résumer à une belle rencontre, ou éclore en autre chose ? En quoi ? Impossible de le savoir.
Richard Linklater est un orfèvre des relations amoureuses : il les manie dans toutes leurs subtilités, sait orchestrer les petites gènes comme les grandes communions. Et ses amoureux sont superbes : Jesse (Ethan Hawke) est gauche, un peu gêné, on sent transparaître son intérêt qu'il exprime maladroitement ; Céline aussi est gauche, mais elle joue la séduction, se laisse entrevoir et parfois se referme. Pourquoi ce couple nous parle-t-il tant ? Parce qu'on l'a tous rêvé ; ce n'est pas un couple de conte de fée, une chimère qui n'a jamais existé. C'est le temps perdu qu'on souhaite tous connaître, celui qu'on a connu et qu'on souhaite revoir, ou celui qu'on connaît tous les jours.

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Grande et précise mise en scène du travail de l'historien sur la guerre d'Espagne, en même temps qu'une inspiration claire et nette de l'Hommage à la Catalogne d'Orwell. Le style documentariste de Ken Loach ne l'empêche pas de prendre un parti enjoué ici, celui des marxistes du POUM, pour notre plus grand bonheur (de gauchiste).

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Bien sûr, toutes les qualités d'un film de Scorsese : un montage au poil, une direction d'artistes sans faille, le rythme de bout en bout. Mais pour un film de casino, cela vire tout de même trop rapidement au mélodrame... L'histoire d'amour prend trop de place pour ce qui aurait pu être un film de mafieux exemplaire. On a trop en tête le Parrain pour ne pas voir que Scorsese souhaite s'en éloigner.

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'Apollo 13' n'est pas tant un plaisir coupable qu'un film caractéristique du Hollywood-dans-l'espace : cols blancs d'ingénieurs geeks froissés par la sueur et les heures sans sommeil, trompette en fond sur la totalité du film (renvoyant à la noblesse et la fierté du programme spatial américain), ralenti sur fond de roulements de tambour, femmes éplorées, tensions et petits problèmes mécaniques qui en provoquent de grands... Et bien sûr les applaudissements finaux et le chef de navigation qui verse sa petite larme. En fait, c'est le film qu'on a tous en tête quand on pense aux films dans l'espace. Mais bon, il se laisse tout à fait regarder.

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Western novateur à beaucoup d'égards, 'Dead Man' de Jarmusch évoque une errance romantique, celle d'un comptable de Cleveland qui découvre l'âpre réalité de l'Ouest le plus extrême, celui où terminent les trains : industriels implacables, chasseurs de primes, trappeurs peu accueillants, paysages hostiles... Mais cette catabase, cette descente vers les enfers, se traduit par une véritable métamorphose : celle de l'homme qui lutte pour sa survie, souvent contre son gré. Servi par une photographie impeccable et une bande-son (un peu trop présente à mon goût) signée Neil Young, ce film innove en exprimant les plus mauvais côtés d'une Amérique nécrosée, suicidaire, où l'amour cède le pas à la mort dès le début, mais où le salut peut venir de la mixité, du lien entre les peuples. Malgré une fin contemplative et tragique, c'est donc un constat pessimiste que j'y ai vu, remarquablement mis en scène quoique manquant parfois de rythme.

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Ode à la littérature de l'imaginaire, 'Jumanji' entrecroise la réalité du jeu et celle de la Nouvelle-Angleterre, entretenant (au moins un début) une double temporalité, même si l'intégralité du récit se déroule dans les années 1990. C'est assez distrayant, les effets spéciaux n'ont pas tant vieilli que ça (plutôt bons pour l'époque), et le jeu d'acteur de Robin Williams contribue de toute façon à rendre le film divertissant.

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Pas le Disney le plus abouti, mais une histoire ficelée et correcte, basée sur une idéologie fixe (une adaptation de Roméo et Juliette, l'amour impossible entre deux communautés), les musiques sont solides, le dessin est parfois hésitant mais fait le job (le Roi lion au même moment fait un peu ombrage...). Mais cela reste une réécriture très américaine de l'histoire de John Smith et Pocahontas (le premier ayant décimé la famille de la seconde).

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Comme souvent avec Mel Gibson, de très bonnes choses, et des choses vraiment insupportables...
La réalisation est contradictoire : tantôt on a droit à des scènes affreusement longues et à la réalisation hollywoodienne convenue (toute la première heure aurait pu être réduite en 20min grand maxi), dont notamment : pourquoi réduire tout ça à de vulgaires histoires d'amour ??
Cela amène aux bons côtés de cette réalisation : le rythme est souvent bon, et le film n'est pas une accumulation de batailles frontales et d'hémoglobine. La musique, un peu pesante, fait son job, même si on aurait préféré qu'elle soit mieux incrustée dans les évènements (la post production ça fait un peu lourd).

Le film est globalement laid, l'esthétique est pauvre et les décors sont vraiment minimaux. Les châteaux sont d'une tristesse... à croire que les Anglais vivaient dans des châteaux Playmobil avec une jolie tour en pierre blanche bien circulaire, et que le reste du monde n'était que bouseux.
Les points forts restent la verve et le sens du récit : même si Mel Gibson est plutôt insupportable, il campe bien ce combattant de la liberté (en en faisant des caisses). Idem pour un roi Edward Ier magnifique de sens politique (et qui rappelle Tywin Lannister).

Ce n'est donc pas un mauvais moment, mais on paresse un peu devant la majorité des choix de réalisation...

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Heat donne bien trop souvent une sensation de superficialité... Michael Mann arrive à dérouler 2h45 d'intrigue et à démesurément écrire des personnages qui, pour le coup, en deviennent illisibles. C'est simple: on a l'impression d'arriver au coeur de la suite d'un film, et donc de ne rien comprendre à qui est quoi. Tout se déroule beaucoup trop vite dans la première moitié, qui a donc tendance à faire décrocher le spectateur, et le réalisateur prend enfin son temps dans la deuxième moitié pour déployer ses talents de constructeur d'action.
En revanche, si l'interprétation est relativement bonne (De Niro confirme le fait qu'il n'est bon que dans une poignée de films : ici, il n'en fait clairement pas assez), la lumière et les décors sont déjà bien trop datés. Les plans de nuit sur Los Angeles (même sur une copie Blu-Ray !) semblent sortis d'un mauvais jeu PS1, et certains plans (vers la voiture de Neil McCauley quand il se rend à l'aéroport avec meuf random) sont simplement moches. L.A. sera bien mieux filmé dans Collatéral, qui, selon moi, est un face à face nocturne bien plus réussi (il faut dire que Tom Cruise joue un méchant ambigu bien plus fascinant que ne le sont ces deux).

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Rien de bien folichon ni d'original dans ce post-apo marin, qui revient surtout à exprimer l'étroitesse d'esprit spatiale d'une population ayant perdu ses repères. La délivrance viendra donc du fait que le monde ne se résume pas à un lac mais qu'il y a de la terre (rappel incessant à Christophe Colomb et à l'Ancien Monde qui ne se doute pas qu'un "Nouveau Monde" vit à ses côtés). C'est surtout pour la prestation de Dennis Hopper en prêtre du pétrole et de la clope, fan du capitaine de l'Exxon Valdez, qu'on regardera ce film, car Kévin Costner en fait des caisses et l'histoire prophétique y est beaucoup trop ronflante.