Les meilleurs films de 2004 selon Marius Jouanny

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Le cinéma de Wes Anderson est aussi atypique qu'irrésistiblement attachant. "La Vie Aquatique" ne déroge pas à la règle, Bill Murray y est brillant et hilarant. Quelques moments de purs bravoures, portés par une bande-originale superbe, le film s'offre notamment un personnage secondaire véritablement marquant interprété par Willem Dafoe.

Avec peut-être quelques rares longueurs, il distille les thèmes habituels de Wes Anderson : les histoires de familles, les amours compliqués et tumultueux, et une recherche de soi pour son personnage principal, qui souvent dépassé par les événements, sans rester passif... Quelques passages en tout cas inoubliables, comme la découverte du grand requin zébré. Un excellent Wes Anderson.

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Voilà encore un film purement sensoriel dont je ne pourrais pas dire grand-chose de pertinent. Je suis insurgé qu'il soit autant méconnu et sous-estimé, bien que je comprenne pourquoi, tant le pacte avec le spectateur sort des sentiers battus, tant aussi bien du rythme du film que de l'ambiguïté des personnages. Mais cette radicalité fait que, lorsqu'on y plonge à corps perdu, on en sort pas indemne.

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Kore-eda s'intéresse avec un regard d'une grande simplicité, tendre et surtout attentif aux moindres détails à un fait marginal, celui d'enfants abandonnés par leur mère, devant se débrouiller tout seuls dans un appartement de Tokyo. Il déploie alors une mécanique narrative où les gestes, les éléments du décors, les dialogues sont peuplés d'imaginaire et de signification sur la souffrance mais aussi les moments de joie que vivent ces quatre enfants. Le symbolisme par les objets est souvent efficace, puis il devient terriblement émouvant dans la dernière partie du film, qui radicalise l'aspect dramatique tout en gardant la même délicatesse. On comprend alors qu'il s'agit là d'un travail de mémoire et de mise en valeur de la marginalité, pour rendre inoubliable ce qui est largement et continuellement oublié par l'ensemble de la société.

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Je comprends l’engouement pour ce type de cinéma sud-coréen, et pour ce film en particulier, tellement le mélange de registre, entre légèreté burlesque et macabre grinçant, est finement mené. Tellement, aussi, Boon Joon-Ho plante sa caméra avec talent : ces nombreux plans fixes, appuyés par une musique omniprésente, une photographie remarquable qui immortalise des décors de campagne asiatique typiquement charmants… Tout nous démontre que le cinéaste a une démarche réfléchie et soigne sa forme, même si c’est parfois au détriment de quelques légères baisses de rythme. Un exercice de style nécessaire pour atteindre l’état de fascination que procure la fin du film, même si je m’attendais tout de même à l’éprouver tout au long du métrage.

Mais le plus gros reproche que je pourrais faire à « Memories of Murder » est finalement le manque de consistance de ses personnages, à savoir les enquêteurs de la fameuse série de meurtre. S’ils ne manquent pas de se distinguer, ni d’étaler leurs sentiments et de prendre l’affaire bien à cœur, la dimension légère du récit tout comme les nombreux rebondissements empiètent quelque peu sur l’affirmation de leurs individualités. Je pinaille certainement un peu, et peut-être que j’apprécierais mieux ce film après une plus grande connaissance du cinéma sud-coréen, de ses codes et ses récurrences. Reste en tout cas que l’esthétique du film impose une force tranquille peu commune, et un humour stoïque appréciable, loin, très loin des comédies policières américaines.

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L'avis général sur ce film m'est assez incompréhensible, tant j'y vois un fier représentant du cinéma de Jeunet, qui s'adresse à n'importe qui avec une sensibilité très personnelle et intimiste. Pourquoi ne rien concéder aux qualités de ce "Long dimanche de fiançailles" et pardonner les grosses errances d'écriture du récent "Au revoir là-haut" qui en est une version édulcorée à mon sens ? Certes, ce Jeunet est un peu long et moins bien rythmé que d'autres, mais en alliant un regard sans filtre sur la guerre des tranchées et un idéalisme amoureux assez similaire à celui d'Amélie Poulain, il propose un regard admirable sur un traumatisme national. Surtout, son montage si caractéristique est toujours aussi efficace, et me rappelle à quel point l'effusion d'idées drôles et réjouissantes de ce cinéaste manque au cinéma français actuel.

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Trônant en première place du classement des meilleurs films avec Tom Cruise, Collateral est semble-il très estimé par les utilisateurs Senscritique, tout comme par la presse. Même le cinéphile avisé qu'est le chroniqueur Karim Debbache lui a attribué la note de 9/10... Je veux bien croire que le rôle va comme un gant à notre cher membre de l'Eglise de Scientologie, c'est à dire un tueur à gages au regard froid et neutre, qui sais se montrer sympathique quand il le faut, même si tirer sur tout ce qui bouge lui semble plus naturel. Il est confronté à un chauffeur de taxi honnête et droit dans ses bottes bien qu'un peu coincé. Deux personnages assez creux qui n'échappent pas aux poncifs et ne marquent finalement le spectateur ni l'un ni l'autre.

La réalisation est en revanche le point fort du film. Il faut bien admettre que certaines scènes apportent leur lot de tensions, comme le climax dans les bureaux d'avocat. Les musiques renforcent d'ailleurs plutôt bien ces quelques moments de tensions réussis tout comme les moments plus posés, qui restent beaucoup trop rares pour être réellement signifiants. Et ne me dites pas que le film propose un point de vue original ou intéressant de la ville de Los Angeles, puisqu'il se contente de deux-trois vues aériennes intrigantes, point barre. Pour cela, franchement, le film "Night Call" est autrement plus réussit dans sa représentation glaçante de Los Angeles. Après, je ne cracherais pas sur la scène fugace dans un registre plus onirique avec cette apparition du loup, assez marquante, sans arriver comme un cheveu sur la soupe.

Pour le reste, des incohérences flagrantes nuisent au film : pourquoi diable ces putains de flics ne vont pas vérifier qu'il y a quelqu'un dans ce putain de taxi au lieu de rester le cul planté devant les caméras de surveillance. Et deux séquences plus tard, dans le night club, où sont passés les huit agents de la CIA pour protéger la cible à la fin de la scène ? Ça y est, je m'emporte. Le film est loin d'être mauvais mais de la part de Michael Mann qui a réalisé "Heat", c'est quand même plutôt décevant.

Edit du 11 mai : après quelques mois, il faut bien avouer que certaines images du film restent en tête, comme le départ de Tom Cruise lors du dénouement. Sans le réhabiliter, le film est pourvu d'une esthétique vraiment solide.

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"La Chute" est l'exemple-type du biopic intéressant sur bien des aspects : il immerge le spectateur dans le bunker d'Hitler, les derniers jours avant la chute complète du régime. Décrivant la déchéance physique et morale d'Hitler comme de tous ses occupants, ses ambitions sont plus documentaires, historiques que cinématographiques. Bien réalisé, bien interprété, le film veut néanmoins amener tellement de détails et de méthode dans la chronologie de son récit qu'il le dilue, au point d'avoir un motif répétitif (Hitler engueule ses officiers et donne des ordres surréalistes déconnectés de la réalités... au moins quatre fois dans le film !) et les points de ruptures dramaturgiques en perdent donc en intensité.

La mise en scène et la force empathique du film sont quant à eux presque standardisés, sans audaces : le réalisateur évoque à l'écran les souffrances du peuple allemands comme un contrechamp alors qu'il aurait été nettement plus judicieux de les suggérer par le hors-champ par exemple, en faisant de ce film un véritable huis-clos dans le bunker. Les personnages censés porter l'émotion du film (la secrétaire du Führer, un petit garçon endoctriné et enrôlé dans l'armée allemande) sont finalement assez superficiels et esquissés presque maladroitement. Au final, c'est bien cette reconstitution historique qui capte toute l'attention, ce portrait d'un régime en décadence dont la maladie originelle est bien la fascination, le dévouement malsains que la plupart des protagonistes éprouvent pour Adolf.

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Avec sa panoplie de grands acteurs et son scénario bien ficelé, "Le Maître du jeu" s'impose comme un bon thriller sur le système judiciaire, dénonçant avec cynisme la perversion d'une justice qui n'a plus rien d'impartiale. L'intrigue est certainement un peu trop complexe, et aurait gagné à avoir moins de personnages, et à aller un peu plus à l'essentiel. Qu'importe, le parti-pris du film de se placer contre le deuxième amendement américains (le port d'arme) rend la fin d'autant plus jubilatoire.