Cela fait quelques années que la discographie de My Dying Bride, groupe phare du mouvement Doom Death, ne nous a pas gratifié d'un album qui soit un véritable chez d’œuvre, le dernier en date étant bien évidemment « Songs of Darkness, Words of Light » en 2004. toutefois, deux des dernières productions du groupe, au statut particulier et pas vraiment des albums, retenaient l'attention : la fausse compilation Evinta, véritable monument de lyrisme noir et de Dark Ambient, ainsi que l'EP « The Barghest O'Whitby », qui revisitait tous les genres de Doom traversés par le groupe depuis plus de 20 ans. Ceci dit, My Dying Bride n'a a ce jour jamais sorti de mauvais album. Chaque production est une nouvelle variation talentueuse autour de l'axe musical du groupe, à savoir le chant lancinant ou rauque d'Aaron Stainthorpe et les riffs de guitare d'Andrew Craighan, les deux membres piliers du groupe. Autour de ce squelette, chaque album consiste alors à travailler subtilement un son pour créer la ligne directrice de l'album, ligne changeant à chaque fois et amenant ainsi le groupe à une perpétuelle redéfinition de son style. Redite impossible donc, et pourtant...

Et pourtant cet album, s'il circonscrit à merveille son univers sonore spécifique et sa tonalité (une sorte de mur du son grisonnant, une basse très ronde, quelques touches de claviers ou de violon et des fulgurances Death), ne semble pas apporter grand chose de neuf à l'édifice. En vérité, on croirait même qu'il s'agit là d'un album ancien qui ne sortirait qu'aujourd'hui, tant il reprend un grand nombre des éléments passés et actuels de la musique du groupe. L'ambiance évoque les deux derniers albums, le chant et le violon font songer à The Angel and the Dark River, quelques dissonances rappellent 34.788%, etc. L'album peine donc à priori à se ménager une identité, et pourtant paraît paradoxalement très cohérent. A l'inverse de bons disques qui se dispersaient un peu (les deux derniers) entre chansons à l'attrait et aux mélodies évidentes et morceaux plus ennuyeux, A Map of All Failures ne semble pas avoir de chansons aussi immédiates, mais plutôt une construction très étudiée reposant sur une alternance de mouvements lents ou plus rapides, mélancoliques ou enragés, qui s'alternent et se succèdent au sein même des morceaux ou à une plus grande échelle. C'est donc un voyage, un album à écouter d'un trait plutôt que par fragments et qui se fera, avec le temps, une place de choix dans leur discographie.

Du côté des morceaux, on trouve, il faut le dire, cinq titres vraiment réussis et trois morceaux plus mineurs. La durée moyenne, autour des huit minutes, est un signe de vitalité dans le groupe à qui la longueur réussit particulièrement. Entre autres moments dignes du plus grand intérêts, on trouve le titre d'ouverture « Kneel Till Doomsday », dont le glas est imparable en introduction et qui pose le chant clair d'Aaron, à nouveau surprenant, d'emblée. Ce morceau à tiroir est un condensé du disque puisqu'on y trouve des passages Death turbulents, des parties de guitares épiques, des riffs très lents et du violon. Autre temps fort, « Hail Odysseus », dont les riffs ravageurs sont imparables et qui a le génie de transposer son deuxième passage Death en murmures. Sidérant. Le groupe soigne ici particulièrement les deuxièmes parties de ses meilleurs morceaux, à l'image du finale de « A Tapestry Scorned » ou de celui de « Abandoned as Christ », déchirants. De même, la fin de la chanson titre opère en rupture totale avec le reste du morceau. Jouant de ses influences et de sa propre grammaire musicale, le groupe nous propose ainsi une heure durant une nouvelle variation sur des thèmes désormais connus : le solitude, la religion, l'amour perdu ou les trois à la fois. Rien de bien neuf certes mais un plaisir intact.
Krokodebil
7
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le 13 mai 2013

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