A Northern Soul
6.5
A Northern Soul

Album de The Verve (1995)

Le chaînon manquant entre deux périodes

Le sexe, la drogue et le rock & roll. 3 adages profondément attachés au monde du rock et qu’on ne peut ignorer lorsqu’on aborde un groupe. S’il est difficile d’émettre un quelconque avis sur le premier concernant The Verve, il y aurait de quoi dire sur les deux autres !


Faire du rock psychédélique sans prendre de drogue est un non-sens. Mais en consommer peut toutefois mener au conflit et disloquer une formation. Après avoir traversé leur Tempête au Paradis, le combo de Wigan se retrouve face à une problématique de taille : si le succès critique est au rendez-vous, les ventes ne décollent pas. Malgré toutes leurs déclarations (affirmant qu’ils se sont enfermés dans un studio souterrain pour composer leur musique sans être influencés par l’extérieur), ils vont se rapprocher inconsciemment de cette britpop en vogue pour gagner le succès qu’ils méritent. Il en résulte un disque lorgnant vers une grâce mélodique qui va les faire connaitre et un son encore lourdement psychédélique, très probablement influencé par leur massive prise de drogue.


"A new decade!", hurle Richard Ashcroft pour débuter ce qui sera le pivot de leur avenir. Une phrase pleine de bon sens, car si la musique reste encore ancrée dans ce renouveau psychédélique inspiré par le shoegaze, sa voix a pris une importance accrue. Richard gueule, piaille, délivrant sa poésie sans gêne, ni retenue à la manière d’un Van Morrison (tout en ayant une voix infiniment bien plus agréable) sur des instrus informes. Plus proche du jam que de la composition pure.


Richard confirme ce qu’on pouvait entrapercevoir auparavant : il est soul. Cela explique son charisme le démarquant de la majorité des mornes shoegazers de sexe masculin et lui permettra de bien se faire voir par la presse musicale. « On Your Own » est l’éclatante preuve de son feeling maousse transformant une simple ballade en un moment absolument extraordinaire.


A Northern Soul n’est donc pas un simple album de britpop. Si les mélodies accrocheuses et immédiates sont présentes, la musique a été souvent improvisée par la bande qui se pointait régulièrement en studio pour enregistrer sans rien préparer. Quand ça fonctionne, on gagne le meilleur de ce qu’on peut attendre d’un style qu’on surnomme rock psychédélique. Nick McCabe nous éblouit encore de sa science sonore avec sa guitare extraterrestre. Le morceau titre est basé sur un unique riff répété en boucle… Un riff heavy et acide tellement jouissif qu’il pouvait se permettre de le faire durer !


Nick est l’architecte sonore des Mancuniens. L’un des guitaristes les plus sous évalués de cette époque puisqu'il est capable de bâtir des paysages sonores avec juste quelques accords au son unique. « This Is Music », en dépit de ses allures de chanson pop, est pourtant un gigantesque mur de son où sa guitare imite les cris d’une âme en peine. « Stormy Clouds » s’autorise également une échappée space rock digne de leurs débuts et l’ultime piste est justement le plus bel adieu que pouvait faire McCabe à cette période. Un instrumental de plus de 6 minutes où le guitariste dialogue presque seul, face aux étoiles dans un immense trip prouvant définitivement que The Verve n’était pas un groupe gentillet. C’était des gens faisant une musique planante et puissante avant tout.


A Northern Soul aurait pu être une exceptionnelle transition entre deux ères, il n’est finalement pas parfait. La faute à quelques morceaux d’échauffement ayant surtout le mérite de tenter autre chose. « So It Goes » possède un refrain mémorable mais ennuie à cause de son rythme mollasson. Des chansons ternes et lénifiantes comme celles-ci, il y en a malheureusement deux autres : « Drive You Home » et « No Knock on My Door ». Des compositions dépouillées (à l’exception d’un « No Knock on My Door » nous noyant dans un fracas de guitares) et uniquement portées par la voix d’Ashcroft. Elles sont le pendant négatif de ces sessions en jam. A force de jouer tout ce qui nous passe derrière la tête sans n’avoir rien prévu, on finit par rallonger ses structures en pensant tenir la 8ème merveille du monde.


Au regard de la qualité du reste du disque, cela reste un miracle qu’il n’y ait que ces 3 déchets. Le public ne suivra évidemment pas leur délire, car préférant s’intéresser à la guéguerre médiatique entre Blur et Oasis.


The Verve frôlera de près le split tant l’enregistrement fut chaotique et difficile. Leur chanteur quittera même le groupe peu avant la sortie du single « History ». Une chanson remarquable enrobée de superbes cordes.
Heureux hasard de savoir que c’est avec une autre perle de pop rock symphonique qu’ils réussiront à gagner le succès qu’ils visaient... Et cela, au-delà de leur espérance.


Chronique consultable sur Forces Parallèles.

Seijitsu
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Créée

le 23 juil. 2015

Critique lue 300 fois

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Seijitsu

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