Au Baccara
6.8
Au Baccara

Album de Odezenne (2018)

C'est pas la mort qui arrive, c'est l'amour

Je suce pour Odezenne. Et ce, malgré mon penchant hétérosexuel exclusif et mon hypocondrie bucco-dentaire chronique.


Jaco, Alix, Mattia, Stefano, vous avez tous mérité cette faveur buccale depuis le magistral Dolziger Str. 2 en 2015, projet court mais ô combien marquant pour mes chastes tympans. Le quatuor y faisait alors étalage de sa poésie délicieusement sombre et enivrante, au travers de rimes sensuelles délicatement déposées sur des instrumentations envoûtantes. Le tout exécuté avec une aisance à faire pâlir un albinos. 34 minutes de pur bonheur dans la langue de Molière (c’est également mon surnom dans l’intimité maritale), à écouter de toute urgence pour les oreilles non-averties.


C'est donc tout naturellement que je m'étais ré-échauffé les amygdales, me tenant prêt pour une nouvelle tournée de faveurs buccales (communément appelée bukkake) à l'occasion de la sortie de leur nouvel album Au Baccara. Mais passons outre mon excitation de prêtre sur le point d'être excommunié la veille d'une kermesse, il s'agit de ne pas céder à la fanzouzerie primaire et de vérifier en premier lieu la qualité de la marchandise. Et même s'il ne tutoie pas les sommets entrevus par son prédécesseur, les 4 bordelais nous offrent encore ici un très bon cru. Un peu juste pour un bukkake, mais le blowjob est amplement mérité. Slurp.



Une bouffée de dioxy-zen



Au Baccara s'ouvre avec les 5 morceaux que le quatuor nous avait précédemment dévoilés, qui laissaient déjà entrevoir du très bon. L’émouvante balade introductive Nucléaire, archétype de l’esthétique du groupe tant dans le texte que dans la mélodie, est suivie des planants Lost et en L, mais également des sombres et oppressants Bébé et Bonnie. Et c’est globalement cette alternance entre légèreté psychédélique et obscurité angoissante qui va servir de fil conducteur à l’album.


Au Baccara est une invitation à un trip auditif sous weed et LSD : les synthétiseurs omniprésents ont poussé les guitares et la batterie en arrière-plan, pour nous plonger dans des paysages sonores tout droit sortis de nos rêves les plus fous. Le phrasé grave et délicat des deux rappeurs nous accompagne dans cette épopée hallucinogène, flirtant parfois avec l’absurde comme sur le loufoque Pastel ou le délirant Au Baccara, mais en gardant constamment la douceur et la sensualité qui ont fait leur succès par le passé.



Les rêveries du rappeur solitaire



Et comme dans tout bon trip, si l’illusion avec le réel est savamment entretenue par les afflux successifs de dopamine, quelques éléments nous ramènent inévitablement les pieds sur Terre. Longtemps à part dans leur catégorie, on retrouve de manière plus visible l’influence des productions et flows modernes sur l’album, et notamment sur Bonnie, aux rythmiques très proches de ce qui se fait dans la trap actuelle. Non pas que cela constitue un défaut en soi, mais le groupe perd un peu de son côté marginal et OVNI du rap français, qui constituait à titre personnel une petite partie de mon capital sympathie à leur égard.


De même, après chaque trip s’opère la descente, douloureuse prise de conscience de la vanité et artificialité de notre euphorie à présent consumée. Car malheureusement, dans la chronologie de l’album, les deux derniers morceaux Jacques a dit et Tony, bien que de très bonne facture, s’apparentent un peu à des redites par rapport aux pistes précédentes. Et c’est en mon sens ce qui rend Au Baccara inférieur à son prédécesseur : Moins varié, celui-ci perd en intensité sur la fin malgré un remarquable début et milieu d’album.


Ce projet reste toutefois un très bon album, qui constitue d’une part un bon point d’entrée dans la discographie d’Odezenne pour les néophytes, mais qui saura également apporter suffisamment de nouveauté pour contenter les fans inconditionnels (dont, vous l’aurez deviné en lisant les premières phrases de cette critique, je fais partie).


Il échoue aux portes de l’excellence musicale pour un cheveu, mais qu’importe, je leur pardonne volontiers, et pars de ce pas m’échauffer à nouveau la mâchoire pour de futures fellations passionnées, cette fois-ci en live pour leur tournée 2018-2019. Re-slurp.



  • En quelques mots: Un verre de Château Latour 1983 sous weed et LSD

  • Coups de coeur: Nucléaire, Bébé, Au Baccara, BNP

  • Coups de mou: Pastel, Tony

  • Coups de pute: RAS

  • Note finale: 7+

JLTBB
8
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le 14 oct. 2018

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JLTBB

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