Beau repaire par sebze

Beau Repaire, sorti le 1 avril 2013, n’a rien d’un poisson d’avril (mise à part la pochette, style maison de retraite). Higelin revient en effet avec des compositions solides, sans leurre aucun. La production est discrète mais efficace, menée par le fidèle Dominique Mahut et une nouvelle collaboratrice, la guitariste Edith Fambuena. On retrouve également plusieurs musiciens des deux albums précédents. Ainsi, le style général des chansons reste dans une certaine continuité. Mais les claviers de Jacques Higelin reviennent au premier plan, laissant les guitares et autres cuivres s’intégrer tout en nuances. Cela permet au maestro de créer des ambiances dignes des meilleurs titres de sa carrière. Plusieurs morceaux jouent tout en douceur et volupté, comme "Rendez-vous En Gare d’Angoulême", "Pour Une Fois", "Château De Sable", "La Balade Au Bord De l’Eau", "Tu m’As Manqué" et "Duo d’Anges Heureux". Mais pour ces trois derniers, les textes se désaccordent avec la musique par des ambivalences chères à Higelin telles que la vie/la mort ou l’amour/la haine, l’ange/le démon. Toujours construites autour de claviers, "Délire d’Alarme", "Seul", "Etre Là, Etre En Vie" et "La Joie De Vivre" épousent des rythmes variés, tous très enjoués, ce qui participe à l’attrait de l’album. Mis à part "Délire d’Alarme", qui est justement un cri d’alarme, des textes gais
et radieux répondent à cet élan rythmique. Parfois même un peu trop. "Seul" et "La Joie De Vivre" semblent en effet tourner un peu à vide, sans message marquant. Pour paraphraser le poète, il n’est pas si facile d(e) (d)écrire le bonheur. Restent deux titres un peu à part, le magnifique "Hey Man" où la guitare acoustique reprend ses droits, et le loufoque "Tomorrow Morning", une sorte de remake en mode fanfare du "I Love The Queen" de 1971. Globalement, l’écriture est excellente : concise, poétique et joueuse (calembours, consonances, assonances). L’ensemble est superbement composé, avec des mélodies et des progressions musicales élaborées malgré une apparente simplicité. L’interprétation est magistrale, Higelin étant en pleine possession de ses moyens vocaux. Une très belle réussite donc, à apprécier en se laissant rêver.