Vie, mort et résurrection d'un amour passion en douze chansons parfaites

Un disque charnière dans la vie de Serge Gainsbourg, qui après avoir touché le bonheur et la sérénité du doigt en rencontrant Jane (1968) commence dix ans plus tard à sombrer à nouveau dans la déprime, le cynisme et les excès alcooliques qui vont avec (et réciproquement).


Perçu à sa sortie en 1978 comme un excellent album de variétés, « Ex-fan des sixties » sonne, avec le recul, comme un poignant testament olographe rédigé en vue de la mort programmée d’un amour passion dont les cendres donneront naissance au Gainsbarre provocateur, auto-destructeur et souvent navrant des années 80.
Pour preuve, cet album fin, inspiré, érudit et précis sortira entre la pantalonnade « Sea Sex and Sun » (BO du film Les Bronzés) et la controversée « Marseillaise » version reggae-dub. En point de rupture, le fascinant et révélateur conte parabolique Evguenie Sokolov (publié début 1980).


Tout ce qu’il y a de meilleur en Gainsbourg figure dans ces douze titres très contrastés, qu’il fait chanter à une Jane en pleine forme, tour à tour touchante, drôle, sensuelle, naïve et délicate.


Douze chansons parfaites, sur-mesure, enregistrées à Londres avec l’incomparable son british de l’époque. Douze pièces dont une majorité fleure la nostalgie, la désillusion, la mélancolie : que sont devenues toutes tes idoles ? Disparues ou séparées…
Sur des mélodies imparables, Serge met dans la bouche de Jane, primesautière et amoureuse, des textes à double sens dont il a le secret, qui évoquent en filigrane (Nicotine, Mélodie interdite, Ex-fan des sixties, …) ou en premier plan (Dépressive, Mélo mélo, Vie mort et résurrection …) l’inexorable état déliquescent de leur couple.
Le très tendre Aquoiboniste (hommage à son ami Dutronc ?), le très littéraire et bien nommé Exercice en forme de Z (Raymond Queneau n’est pas loin), le très coquin Rocking Chair (pendant des sucettes à l’anis d’Annie ?) et le très troublant Velours des vierges (poésie imaginaire déroutante et raffinée quasi inédite chez Gainsbourg) viennent entrelarder magistralement le fil conducteur relationnel sous-jacent.


Pour bien comprendre et apprécier Gainsbourg, il faut aussi savoir aller piocher dans les nombreuses créations qu’il a offertes aux autres. Le fil de sa vie et ses états d’âme y sont parfois plus présents que dans son œuvre propre. Timide et finalement très pudique sur ses sentiments, il a souvent trouvé plus pratique de les exprimer au travers des autres… et notamment de Jane, sa principale muse à qui il offrira un nouveau chef d’œuvre, « Baby alone in Babylone » en 1983.


« Je voulais être destroy sur la chanson d'amour mais en filigrane on comprend que la petite, je l'aime… je n'ose pas le dire parce que je suis un garçon extrêmement décent. En fait je suis indécent par ma décence » (Gainsbourg, 1973)

RolandCaduf
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le 19 avr. 2021

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