Exit
7.3
Exit

Album de Tangerine Dream (1981)

Lorsque Joannes Schmoelling, Christopher Franke et Edgar Froese se réunissent pour l’élaboration du successeur de Tangram, ils reconsidèrent l’approche stylistique de l’œuvre de Tangerine Dream, à commencer par l’emploi et la sonorité des synthétiseurs. Les folies kraut approximatives expérimentées dix années plus tôt n’ont plus de réel impact sur l’esprit vagabond d’Edgar Froese, lequel débute une brève période de compromission que les mélomanes de bon goût regretteront immédiatement, malgré l’adulation quasi instantanée de nombreux amateurs déjà acquis à la cause. De fait, Exit est bien souvent cité comme l’une des œuvres phares parmi la centaine d’offrandes distribuées par le trio germanique depuis plus de quarante ans.

Exit représente l’entrée efficiente de l’avant-gardisme mandarinien dans les sphères synthétiques prépondérantes des années 80. Aussi l’approche du trio sur son art se développe-t-elle au profit d’un approfondissement quantitatif des sonorités façonnées par les Minimoog, Roland TR-808 et autres ARP Odyssey. Quantitatif seulement, puisqu’en réalité, si la trame sonore se voit plus multiple, plus profonde, elle approche du même fait quelques unes des plus décevantes abysses qualitatives de Tangerine Dream. Exit témoigne non seulement d’une dérive stylistique vers l’immonde nébuleuse eighties, celle des nuques longues, des Bontempi, des chemises fluorescentes, du disco, de Michael Jackson…

La compromission évoquée précédemment passe d’abord par la forme, plus accessible : six morceaux s’entremêlent, aucun ne dépasse les dix minutes. Dans le fond, Tangerine Dream quitte le progressisme électronique pour vacquer à une approche plus pop, plus mnémonique, et parallèlement moins subtile de la structure électronique. Le premier morceau, « Kiew Mission », met en scène une réprimande de la guerre froide, sous l’apparence d’un humanisme global niais et réducteur établi par les paroles d’une actrice berlinoise non-créditée par le groupe. Voici un échantillon, pour les amateurs de grandeurs parolières :

Continent
Asia
Africa
Europe
Australia
America

Earth
Past
Present
Future
World

Peace
To understand
To understand
To ask

Bien entendu, Yannick Noah lui-même n’aurait osé faire mieux, et l’accroche anti-guerre (c’est mal) s’accompagne d’un fond sonore d’une haute poésie, sorte de « We Are the World » électro-nique aux résonnances bienveillantes, de celles qui donnent envie d’égorger une colombe, lui arracher ses plumes et finir le reste au barbecue. Oui, car, en plus d’être en passe de devenir l’ennemi numéro un des amateurs d’Exit, je deviens incontrôlable lorsqu’il s’agit de révoquer toute sorte de niaiserie, l’humaniste demeurant la plus horrible et la plus tenace de toutes.

Dès « Pilots of Purple Twighlight », Tangerine Dream amorce son nouveau style avec plus de cohérence, préfigurant les futures réussites de White Eagle et Hyperborea, tout en sombrant tout de même dans quelques sonorités synthétiques de mauvais goût. Il est bon de considérer Exit tel un album de transition de moyenne facture, plus que réel chef-d’œuvre du trio berlinois. A noter tout de même la présence de « Remote Viewing », le dernier et meilleur titre du recueil, au séquençage, distillé en second plan, de très haute qualité. Dommage qu’Exit n’ait pas porté l’idée plus loin, mais peu importe : White Eagle corrige la fausse manœuvre.
BenoitBayl
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le 5 déc. 2013

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Benoit Baylé

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