J'entretiens un rapport très complexe avec l'univers musical de Fuzati, pendant longtemps j'ai adhéré aux idées que véhiculaient sa musique sans strictement aucun recul, notamment avec l'album "La Fin de l'Espèce" . Puis j'ai adopté une posture très critique vis à vis de sa musique que je considérais comme celle "d'un ado qui n'a pas fini sa crise existentielle".
Pourtant, récemment j'y suis revenu. Et en fait, ces deux postures antinomiques m'ont fait comprendre qu'en réalité je n'avais strictement rien compris à son univers. Il m'était difficile pour moi d'écouter Grand Siècle à l'époque où je l'ai découvert. Je considérais la majorité des paroles de cet album comme "stupides" car je considérais que Fuzati s'enfermait totalement dans sa réflexion misanthrope et s'essentialisait en temps quel tel. Ma première erreur a été de confondre l'artiste qu'il est, et l'homme qu'il est. Aujourd'hui encore, je considère la frontière entre l'artiste et l'homme qu'il constitue comme ténue. Mais le fait d'entretenir ce flou est probablement voulu.
Dans le sens où il pose la question "quelle différence y a-t-il entre un acteur et un être humain ?" Je n'ai pas de réponse définitive à vous donner. Lui aussi probablement. Et c'est là une face de la thématique développée dans cet album. Dans cet album, il dépeint un être détestable et méprisable, qui hait les autres, mais que se hait surtout lui-même ayant renoncé à tout espoir et qui cherche à s'isoler du monde des hommes. Tout est vain car la mort est toujours là au bout. Une vision très noire de l'humanité en somme.
Le problème étant qu'en pensant de la sorte, il nous fait clairement comprendre que nous sommes des hypocrites en puissance car nous sommes incapables de comprendre la souffrance extrême de l'autre. Et il y a moyen de retourner l'accusation de s'enfermer dans sa pensée et donc qu'on soit accusé d’égoïsme. Peut-on faire le bien au sein d'une communauté en y excluant des hommes que l'on considère comme méprisables et porteur de négativité tels des germes pathologiques ? C'est un véritable jeu de dupes. Cet album a donc été très difficile à appréhender étant donné que je passais sa musique au prisme de mes propres idées, c'était une écoute musicale autocentrée en quelque sorte dans le sens où je cherchais essentiellement dans son univers musical de la beauté et de l'esthétisme dans la désolation.
Premier contact "A la fois old-school et moderne comme un texto de ta grand-mère". On va dire que j'avais du mal à considérer ça comme une grande envolée lyrique à l'époque. Pourtant le propos est beaucoup plus fin que l'on peut le penser. Et "l'envolée lyrique" je l'ai eu plus tard dans cette musique. On va dire que "Sinok" la piste qui ouvre l'album m'a réellement donné envie d'y revenir. Pas plus tard qu'aujourd'hui. Je l'ai donc réécouté et je considère ce projet comme un peu expérimental dans le sens où il cherche réellement à jouer avec nos nerfs en nous posant la question suivante "Est-ce vous qui êtes idiots ou est-ce moi qui ne comprends plus rien à la vie ? "
Cette à travers cette tension , entre haine de soi et de l'autre, que Fuzati tente de construire son album avec fêlures qui sont présentes tout au long de l'album. Difficile d'avoir dans ce cas un avis tranché. Ma note n'est absolument pas représentative de ce que je pense de l'album en tant que démarche artistique que je trouve vraiment respectable. Néanmoins, j'ai beau penser comprendre sa démarche, j'éprouve quelques difficultés à "faire corps" avec tout le propos développé tout au long de l'album. Non pas que je le considère comme "dérangeant" mais c'est le côté "dialogue stérile avec soi-même" qui m'embête un peu.
Mais là encore, il est probable que je n'ai encore rien compris à son univers.