Ah ce cher Révérend Manson !
Que n'a-t-on pas dit à son sujet ? Il faut dire qu'il a peuplé l'imaginaire de qui a vécu les années 90-2000 au rythme de MTV2 et de RockSound. Aujourd'hui, on constate assez facilement que si la flamme brille encore, elle a largement perdu de son intensité. Le bon vieux Marilyn ne fait plus peur à grand monde et quelque part peut-être que c'est ce qui permettra de se focaliser sur son vrai métier plutôt que sur le décorum, à savoir la musique.
The Pale Emperor a été un succès critique bienvenu dans une deuxième partie de carrière que l'on va situer à peu près à la fin de Golden Age of Grotesque ce qui nous fait à peu près 15 ans ! Ma datation est peut-être arbitraire mais c'est là que je situe le moment où notre cher antichrist américain a commencé à ne plus vraiment être passionnant. 15 ans sur 24 si on commence à compter à Portrait of an American Family, c'est rude non comme constat mathématique ? Et c'est d'autant plus rude si je vous avoue que moi même j'avais été réellement passionné par le monsieur. J'ai été particulièrement sensible à sa fameuse trilogie dont vous entendrez parler partout avec des trémolos dans la voix, Antichrist Superstar, Mechanical Animals, Holy Wood, ces titres résonnent en de nombreux fans comme une sainte trinité. Oui, mais les gars, c'était il y a 17 ans Holy Wood ! On avait Georges Bush Jr. à la tête des Etats Unis et rien ne pouvait arriver de pire.
Donc, il s'est écoulé depuis 4 albums et 1 best of depuis cette ère bénie, il va peut-être falloir s'y faire et passer un peu à autre chose si l'on ne veut pas avoir l'air de sinistres nostalgiques.


Donc, nous sommes en 2017 et Marilyn Manson a des sourcils.
Ce point important posé attaquons-nous sereinement à Heaven Upside Down.
Commençons par l'objet même qui propose un joli petit livret au papier très fin façon missel où les paroles sont agrémentées de sympathiques gravures. On y découvre que Tyler Bates et Twiggy Ramirez ont rempilé, anciennes nouvelles âmes damnées du vilain. On lit aussi que l'album est dédié à la mémoire de son père, décédé en juillet dernier.


Tout commence avec Revelation #12 et c'est là que ma mâchoire s'est crispée. Oh ce n'est pas spécialement mauvais, mais on va le voir par la suite, c'est atrocement générique, comme si le morceau était issu d'un générateur de chansons de Marilyn Manson. Slogans répétés ad nauseam pour faire latin, rythmique lourde, grosses guitares et beaucoup de "oh ah oh ah", chose qui va d'ailleurs peupler une bonne partie de l'album. Tattooed in Reverse bien que plus teinté d'electro (dubstep même non ? hein ?) emprunte la même voie. Hormis les jolis petits passages bluesy façon Four Rusted Horses, entre deux solos de perçeuse, on est en terre familière, hélas. Pour le coup, ne sachant pas du tout à quoi m'attendre à l'écoute de l'album, je dois dire que ça m'a pour le moins refroidi quant à la suite.
Le single WE KNOW WHERE YOU FUCKING LIVE est déjà là et si le clip est rigolo (des bonnes soeurs dominatrices avec des automatiques) le morceau pourrait tout aussi bien sortir de n'importe quel album du Révérend depuis Golden Age. Ca fonctionne vite fait, et le thème des armes à feu largement développé sur tout l'album y trouve son expression la plus évidente. Le deuxième single, au jeu de mots un peu nul, Say 10 avec des morceaux d'anti Trump et de Johnny Depp dedans arrive et on est presque sauvés. Comment ça ? Vous verrez. Pour le moment, on a encore le droit aux slogans répétés mille fois, aux jeux de mots et à mon avis c'est largement le morceau le plus pénible de l'album. Il y a du bon cependant, les claviers fantomatiques par exemple, mais ce refrain de l'enfer ! C'est vraiment difficile à avaler, Marilyn Manson n'est pas l'artiste le plus subtil qui soit, mais tout de même, "Say 10"? Vraiment ? Et "Cocaine and Abel" ? Bon. Je me calme, car comme je vous l'ai dit, on est presque sauvés.
Pourquoi ?
Car ensuite c'est l'heure de Kill4Me. Pourtant avec un titre pareil c'était pas gagné. Ou alors c'est un hommage à Prince et son I Would Die 4 U, possible. Pour le coup, adios la rébellion post adolescente, nous avons ici ce que Marilyn Manson aura fait de plus pop, (la preuve, je peux la passer au boulot sans risque) et ça fonctionne ! Synthés, refrain accrocheur, rythmique dansante, tout est là. Finalement, la provocation la plus réussie du Révérend c'est quand il se pare de tout ce qu'il n'est pas censé être, Mechanical Machin ça vous rappelle quelque chose ? A ce moment de l'écoute, j'ai enfin dressé l'oreille (façon de parler, avec un casque c'est compliqué) et j'ai fini pas me dire, "attends mon Révérend (là c'est moi, pas lui hein, je sais c'est confus) laisse voir si le Révérend (là c'est lui) n'aurait pas encore d'autres surprises à te faire."
Spoiler alert ! Il y en avait d'autres.
Saturnalia avec sa longue intro se déroule peu à peu sur presque 8 minutes pas du tout pénibles. Un petit exploit. Encore une fois, pas de vrais éclats de violence, mais plutôt une ambiance sinistre qui se déploie habilement avec des paroles plutôt bien tournées "I don't want to be another bullet hole in the exit sign of your road". Alors, oui, je jette le pavé dans les pieds dans la mare du plat, c'est pas mal repompé sur Bela Lugosis's Dead on croit même à une reprise surtout si on a été exposé récemment à la merveilleuse version de Dead Cross et Mr Patton. Néanmoins, on sait que Marilyn Manson a une culture musicale sûre et si on prend ça pour un hommage, avec cette photo en noir et blanc en couverture, on se dit que le Révérend adopte enfin l'étiquette gothique qu'on lui a souvent attribuée à tort. Chouette. Je ne sais pas si je suis le seul à trouver que c'est une bonne nouvelle, mais le spectre de Bauhaus, de Christian Death, Killing Joke et tous les copains en noir n'est pas loin.
Ragaillardi, j'abordai alors Je$u$ Chri$i$ sans même sourciller face à ce titre un peu naïf. Petite douche froide. On retrouve les stigmates des premiers morceaux de l'album, des "han han han han han" à la place des "oh ah oh ah" et des jeux de mots encore à base de coke (Snow White powder). On dirait du Lady Gaga en colère, ce qui en soit ne serait pas un mal si l'inspiration suivait (peut-être parlerai-je de Lady Gaga un jour).
Heureusement, ce n'est pas très long, et quand Blood Honey débute on frémit. Que-quoi ? De la grosse guitare mid-tempo, du synthé volontairement dissonant, de la mélancolie et de la sensibilité exagérément dévoilée, de la...douceur ? Mais bon sang j'ai déjà entendu ça quelque part et j'aimais bien. Alors, oui, la nostalgie on a dit que c'était mal, mais moi j'ai pensé tout de suite à Mechanical Animals avec une larmichette de plaisir. On n'est pas loin non plus d'un certain Paradise Lost non plus, et cette filiation qui finit par s'exprimer me ravit toujours autant sans que je ne puisse l'expliquer.
A partir de là, il ne reste que deux morceaux. C'est bref. L'apocalyptique (au sens super propre) Heaven Upside Down ouvre cette conclusion, et joie ! C'est une bonne chanson ! Oui, une chanson. Alors on a du "oh oh oh" avec cette fois des choeurs féminins, et ça aussi étrangement pour moi c'est une bonne nouvelle. On reste dans le pan gothico-romantique avec un gros nappage de rock'n'roll pour un pré-générique de fin plutôt classe. On pensera, en essayant de refouler sa nostalgie qui remonte à la surface comme une bulle, à Long Hard Road Out Of Hell.
Et puis il y a Threats of Romance, bluesy comme pouvaient l'être les meilleurs moments de l'album précédent, voici une belle conclusion, au feeling presque positif avec son renfort de choeurs. On termine heureusement sur tout ce qui fait le meilleur de cet album bancal.


Il va falloir conclure, ça a été long pour un album de 10 morceaux.
Heaven Upside Down est pour moi une moitié de super album. Plombé par des morceaux convenus, présumés rentre-dedans mais terriblement génériques, il finit en seconde partie de parcours par livrer de réelles pépites gothiques où Manson assume son héritage et fait mouche à chaque fois. Si à mon sens The Pale Emperor manquait de relief, ici le gouffre entre le pire et le meilleur de l'artiste est on ne peut plus marqué. Quand j'entends ce que notre bon Révérend est capable de pondre lorsqu'il se fait apaisé et réfléchi, je ne peux que rager d'autant plus quand il joue la carte de la provoc éculée. A près de 50 ans, si ce cher Manson nous avouait en avoir marre d'être tout le temps en colère, reconnaissait que les jeux de mots c'est marrant mais que ça ne fait pas de la poésie, abandonnait son personnage pour renouer avec le petit Brian Warner, et s'il nous offrait un album à la hauteur de la meilleure moitié de celui-ci, je balancerai sans honte un halleluia de plaisir.

I-Reverend
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le 9 nov. 2017

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