Hypnotize
6.9
Hypnotize

Album de System of a Down (2005)

Where do you expect us to go when the bombs fall ?

Ceci est la 2ème partie d'une critique de Mezmerize/Hypnotize par Thomasete et Yyrkoon, cliquez ici pour lire la première partie.


Hypnotize se démarque de son jumeau par une atmosphère différente, et pour cause, il est beaucoup moins centré sur les États-Unis et s'intéresse beaucoup plus aux guerres, génocides et autres joyeusetés. Ainsi la plupart des chansons nous envoient plutôt au côté des soldats, au cœur de l'atroce, là où plus rien n'a de sens. Pour comparer l'album à Apocalypse Now, l'objectif n'est plus tellement de raconter la guerre (même si Attack est plutôt disons directe) mais de traduire la perte de sens induite par l'horreur. C'est dans cette optique qu'on peut lire les paroles des chansons telles que Dreaming, Stealing Society ou U-Fig.


Bien sûr certaines chansons apparaissent un peu décalées dans cette interprétation : Holy Mountains fait explicitement référence au génocide arménien (thème ô combien cher au groupe), Vicinity of Obscenity et She's like Heroin reviennent aux thèmes de Mezmerize et Lonely Day pourrait passer à peu près n'importe où (ce qui était sûrement le but). Soldier Side vient cependant confirmer l'ambition au moins partielle de l'album de nous situer aux côtés des soldats américains.


La musique se ressent de ce voyage dans l'horreur, livrant certains des couplets les plus violents du groupe. Musicalement cet album est sans doute un peu plus faible, la faute à des chansons trop directes et manquant de mélodies peut-être, mais l'effet désiré est obtenu, entrecoupant les déluges de violence de cessez-le-feu hébétés. Dreaming apparaît notamment avec son titre trompeur comme une chanson assez unique dans la carrière de System avec une complexité inédite dans la composition des mélodies.


Il n'est pas anodin que Soldier Side soit reprise au tout début de Mezmerize et immédiatement suivie de BYOB. Ces 2 chansons apparaissent en effet comme le liant entre les 2 albums. L'une fait la fête sans scrupules quand l'autre vous dit "Welcome to the Soldier Side".


Émerge alors un diptyque à la Jérôme Bosch liant deux grands thèmes chers à SOAD , vision hallucinée où une Amérique se noyant dans le stupre et les faux-semblants fait face à des atrocités guerrières qu'elle cautionne sans ciller.


On peut donc voir dans Mezmerize/Hypnotize un deuxième sommet dans la carrière du groupe du fait du travail accompli et de la maturité gagnée au fil des albums, mais aussi une œuvre où System of à Down apparaît déjà fragmenté, au bord de l'implosion. 10 ans après, il est toujours impossible de dire si cet opus sera le dernier où si les arméno-californiens nous gratifieront un jour d'une suite.


Ainsi, en 2007, après la fin de la tournée Mezmerize/Hypnotize (et quelque tensions internes) Serj démarrera une carrière solo avec l'album Elect The Dead. Le fait qu'il ait été limité au sein de SOAD s'y ressent fortement, il s'en donne à coeur joie et s'éloigne pas mal de ce qu'il a fait par le passé. L'album est composé, écrit et joué par Serj de A à Z, exceptées quelques lignes de batterie. Il joue ainsi de la guitare électrique, de la basse, du piano... Et fait tourner des courts métrages par différents réalisateurs pour illustrer chaque chanson en clip, qu'il diffuse ensuite librement sur youtube. On peut ainsi parler d'oeuvre totale, et Serj n'aurait sans doute pas eu un enthousiasme pareil pour ce projet sans l'épisode Mezmerize/Hypnotize.


De son coté Daron forme son propre groupe nommé Scars On Brodway avec Shavo Ovadjian (bassiste de SOAD au bouc filiforme) et des amis à lui, cependant c'est le seul à écrire et composer. Le groupe publie son seul opus à ce jour en 2008, et c'est la qu'on s'aperçoit qu'il lui manque quelque chose. Non content d'être très proche du style SOAD l'album n'est pas très inspiré, assez mal écrit, bien que ne manquant pas d'énergie. L'absence de Serj se fait vraiment ressentir, tandis que ce dernier continue de briller en solo, multipliant les projets divers (album de musique classique écolo, album de jazz, adaptation de mythe grec en comédie musicale, nombreuses conférences autour du monde).


C'est là tout le paradoxe de Daron, il est capable de pondre un album qui marquera toute une génération et ensuite un album totalement oubliable. Au fond il a besoin de Serj, les deux se cadrent mutuellement, apportant leur grosses touches personnelles à la production. Et si Mezmerize/Hypnotize était clairement le bébé de Daron, on ne peut qu'être impatient de découvrir ce que pourrait donner une composition Serj/Daron après l'épanouissement de Serj en solo. Le groupe s'étant reformé et tournant actuellement pour commémorer le triste anniversaire du génocide Arménien après un concert unique et monstrueux retraçant toute leur carrière à Erevan, on peut toujours fantasmer et se dire que ce 6ème album verra le jour bientôt.

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le 22 sept. 2015

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Nordkapp

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