II
7.8
II

Album de Bersarin Quartett (2012)

Ne vous fiez pas au nom : Bersarin Quartett est en réalité l’œuvre d’un seul homme. A son sujet, très peu d’informations circulent sur les sphères pourtant renseignées de la musique électronique. Il y a deux ans, Thomas Bücker sortait un premier album éponyme magnifique, récompensé d’innombrables louanges d’une presse dithyrambique. Bersarin Quartett (2010) soulignait une maîtrise rare dans l’art de la musique électronique orchestrale et intimiste. Son successeur, paru le 20 avril 2012, sobrement intitulé II, poursuit cette direction si bien ardente qu’abyssale au détour de treize compositions dotées d’une incroyable aura de sérénité.

Le plus complet des dictionnaires des synonymes ne contiendrait probablement pas d’expression assez forte pour souligner l’état dans lequel se trouve l’esprit de l’auditeur à l’écoute de cette œuvre, aussitôt chef-d’œuvre. Cet album fait partie de ces peintures auditives qu’il est bon de contempler allongé, les sens reposés, la vaticination éveillée. On se met à rêver d’un futur utopique, où une nature ensoleillée prendrait pouvoir sur la maltraitance humaine, où joies et peines se réuniraient autour d’un faisceau luminescent d’implosion cathartique, où les chimères d’un monde idéal pourraient déambuler à leur gré entre les contraintes liberticides du réalisme…

L’art dépeint par Bersarin Quartett dépasse de loin l’entendement des œuvres électroniques habituelles, elle explose ses codes d’une magnificence à la fois subtile, directe, délicate. Le mot peut paraître usité pour tout et rien, mais il convient ici parfaitement : cet album est beau. Beau de par son aspect lumineux, de par sa singularité fictionnelle, de par les émotions vives et sincères qu’il dégage, ce II est l’œuvre d’un philanthrope aguerri. Thomas Bücker est une de ces personnes à si bien comprendre l’âme humaine qu’elle se permet de jouer avec celle des autres au travers de son art. Encore plus que musical, le talent du garçon est humain. Pour toucher l’âme d’autrui à ce point, il faut être un monstre de sensibilité.

Sans trop s’avancer, la qualité universelle de l’album devrait se révéler immédiatement à l’oreille de n’importe quel auditeur, quelque soit son habituel horizon musical. Casque sur les oreilles, chaîne hi-fi au volume maximum, faites écouter un chef d’œuvre tel que « Im Lichte des Anderen » (ou « Keine Angst », ou « Zum Greifen nah », ou…) à votre mère, à votre père, à vos grands-parents, à votre patron, à vos amis, à votre femme, votre mari, à vos enfants, que sais-je encore, à votre chien. Ils seront tous pris d’une incroyable émotion. Pourtant, l’analyse approfondie des influences de l’album laisse entrevoir que ces dernières n’appelaient aucunement à un tel œcuménisme : aux confins du post-rock, de l’IDM, de la musique orchestrale, de la Berlin School et de l’ambient, tous les ingrédients de ce II ne semblaient pas viser la beauté universelle. Et pourtant, foi de Doc, qui que vous soyez, cher lecteur, cher lectrice, vous serez profondément touché, voire bouleversé, par au moins cinq de ces odes à l’âme. Encore faut-il que vous daignez suivre ce conseil. Non, oubliez. Il ne s’agit pas d’un conseil. C'est un ordre. Ecoutez Bersarin Quartett.
BenoitBayl
9
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le 9 déc. 2013

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Benoit Baylé

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