Insurgentes
7.3
Insurgentes

Album de Steven Wilson (2008)

L’hyperactivité progressive est aujourd’hui incarnée par un homme : Steven Wilson, jeune/vieux bougre de 43 ans qui officie depuis plus de la moitié de sa vie dans le monde musical anglais et international avec des formations aussi diverses et variées qu’IEM ("Incredible Expanding Mindfuck"), Bass Communion, Blackfield, No-Man, et surtout Porcupine Tree. Guitariste émérite, Wilson est également le chanteur de l’arbre porc-épic, et surtout son principal compositeur. Cela fait maintenant 23 ans qu’il croise le fer avec ses comparses Gavin Harrison, Colin Edwin, Richard Barbieri, et plus récemment le guitariste/choriste de luxe John Wesley (qui officia aux cotés de Fish, le chanteur/copycat de Peter Gabriel).
Bien qu’ayant sorti quelques singles entre 2003 et 2010 sous son nom, Wilson décide de se lancer en solo pour une œuvre complète. Cependant "solo" est un bien grand mot au regard de la liste des personnes l’accompagnant : Gavin Harrison à la batterie, Vidna Obmama (Bass Communion), Theo Travis (ayant joué de la flûte et du saxophone sur le sommet Stupid Dream de Porcupine Tree). D’autres "guests" de renom font partie de cet album, Jordan Rudess et Tony Levin en premier plan, bien qu’ils n’amènent pas grand-chose à la portée quasi-surnaturelle de cet album.

Nous voilà ici entraînés dans l’enfer personnel du chanteur, au tréfonds de son âme, dans laquelle esprits et dissonances sont un ensemble unique et indissociable. Pourtant, une fois confronté à la musique, de toutes les émotions ressenties, il en est une qui prédomine. La tristesse ? La mélancolie ? La peur de la mort ? Certes. Mais ce n’est pas la seule chose : Wilson nous rend heureux, et c’est assez paradoxal étant donné le contenu lent, dépressif, froid d’Insurgentes. Ce bonheur est très clairement lié à l’impression d’une plénitude musicale, spirituelle. Plus que dans n’importe quel album de Porcupine Tree, le bougre à lunettes nous offre une vision suprême de la mort, de la vie, de la solitude… L’introductif "Harmony Korine", place directement l’auditeur où il se doit d’être : dans l’inconnu (le clip n’arrange pas les choses, avec ses hommes-troncs et autres hommes corbeaux… Vous avez dit "bizarre" ?). A l’écoute de ce premier petit chef d’œuvre, l’auditeur est en droit de se demander si la première chanson représente le sommet de l’album, et que finalement, le meilleur est derrière lui. Heureusement, la déception anticipée n’aura pas lieu. Rarement des chansons si différentes auront formé un ensemble si homogène. Ces 10 titres représentent un tout, un tout menant au rien. Par exemple "No Twillight Within The Courts Of The Sun" : une épopée (la plus longue de l’album) qui débute avec un crescendo guitaristique de 4 minutes – sûrement son soli le plus technique, mais aussi le plus habité -, se stoppant net, pour laisser place à une voix calme et lente, aux antipodes des débuts de la chanson. Et que dire de "Veneno para las Hadas" … ? Nommée ainsi d’après un film d’horreur mexicain du même nom (que Wilson eut l’occasion de voir dans son pays d’origine lors de ses différentes tournées), elle suscite chez l’auditeur une infinie tristesse provoquée par une mélancolie ambiante, volatile : un des titres les plus poussiéreux et déstabilisants du recueil. On est loin des plus pop et enjoués (terme très relatif dans ces conditions) "Only Child" et "Significant Other", qui apportent une certaine lueur d’espoir à travers des lignes de chant et une construction instrumentale ayant pu figurer dans Stupid Dream, ou même Lightbulb Sun.

Pourquoi, pourtant si sombre, mélancolique, provoque-t-il le bonheur ? Sûrement parce que Steven Wilson est un des rares musiciens actuels à se tuer à la tâche afin de nous offrir à nous, public exigeant, une musique profondément personnelle et touchante en ces jours de pénurie musicale "originale", s’entend. Cet album est donc dédié à ceux qui recherchent une expérience musicale totalement nouvelle, qui défie les lois de la musique comme très peu l’ont fait auparavant.

Synthèse entre post-rock, musique électronique, "noise", néo-classique, prog, il plaira à peu, mais saura conquérir ceux qui sauront en sortir la quintessence.
BenoitBayl
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le 3 oct. 2013

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Benoit Baylé

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GuillaumeL666
6

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