Avril 2005. Voyage de seconde à Berlin, marqué de forts bons souvenirs. Internet disponible depuis décembre dernier. Des découvertes musicales multiples par ce biais, un intérêt tout particulier au monde du metal depuis quelques années via Iron Maiden et Metallica. Intérêt renouvelé par la découverte, en février, de Nightwish. Avril 2005, mp3 en mode aléatoire, blindé de groupes inconnus. Avril 2005, « Into the Storm » déboule dans mes oreilles. Vous savez, cette impression que, même si c’est la première fois que vous entendez un titre, vous le connaissez depuis toujours. Avril 2005, ma vision de la musique ne sera plus la même. Blind Guardian l’a changé.

Après avoir mis à genoux le monde du metal en 1995 avec Imaginations From the Other Side (qui succédait déjà à l’excellent Somewhere Far Beyond) et un interlude plus « ludique » avec The Forgotten Tales, les teutons atteignent en 1998 l’apogée, arrivent encore à se surpasser. Blind Guardian au sommet de son art, avec Nightfall in Middle-Earth. Vous l’aurez compris, cet album a une place particulière dans mon cœur, n’attendez nulle objectivité de ma part (une chronique étant, par essence, subjective). Cet album est gigantesque, au point que même les réfractaires au style ne peuvent que reconnaître la maîtrise du groupe et la qualité de cet opus, tandis que les fans peuvent y voir rien moins que le Sacré Graal.

Le titre de l’album avait déjà tout pour me conquérir. La Terre du Milieu, un monde qui m’attire, l’univers complexe créé par Tolkien, qui a déjà été abordé par le groupe dans plusieurs titres antérieurs, c’est l’arrière-plan posé ici par le Gardien Aveugle. Tous les musiciens sont ici à leur meilleur niveau. La guitare, avec Andre qui nous sort des soli à chaque fois parfaits, loin des branlettes de manche et ayant un feeling, un certain génie mélodique, on peut presque les chanter, les fredonner. Marcus qui assure surtout la rythmique, avec des riffs implacables plus efficaces les uns que les autres. Le chant d’Hansi, sans aucun doute l’une des meilleures voix et parmi les plus reconnaissables du monde du metal, une maîtrise parfaite sur chaque morceau. Et que dire de Thomen, martelant ses fûts comme un arachnophobe hystérique qui y aurait trouvé une colonie de bêtes à huit pattes ? Ecoutez moi ce break sur « Curse of Fëanor », clairement une des forces du morceau (que je considère comme l’un des meilleurs de l’album). Le bassiste, en la personne d'Oliver Holzwarth, qui n’est pas officiellement membre du groupe, accompagne l’ensemble efficacement, à défaut d’être un génie de l’instrument à 4 cordes.

Nightfall in Middle-Earth possède des structures simples dans chaque titre (intro – couplet – refrain – solo – couplet – refrain, en gros, rien de révolutionnaire), mais sait aussi se révéler varié sans lasser celui qui l’écoute, révélant des richesses sans cesse renouvelées. Des hymnes bien sûr, tous des classiques du groupe, aux refrains plus fédérateurs les uns que les autres. J’ai évoqué « Into the Storm », qui ouvre l’album et plonge l’auditeur dans le déluge qui va durer plus d'une heure. Il faut aussi évoquer « Nightfall » (et son mémorable solo), « When Sorrow Sang » (et son refrain imparable) ou le sommet de l’album, pour moi le meilleur titre jamais composé par les germains, à savoir « Time Stands Still (At the Iron Hill) », avec son pont et son refrain démentiel, son solo dévastateur… Un titre parfait, s’il en est. Et bien sûr, « Mirror Mirror », qui achève en général chaque concert du groupe, mais reste un des titres que j’apprécie le moins (tout en le trouvant génial, c’est vous dire le niveau global). Mais le groupe propose aussi de nombreux titres mid-tempo pleins d’émotions, qui permettent de relâcher un peu la pression et sont tout aussi réussis. Je pense ici à « Thorn » (et son magnifique passage durant la quatrième minute, avec l'accompagnement du clavier), à « Noldor (Dead Winter Reigns) » ou encore au génial « Blood Tears ». On a même une ballade, « The Eldar », une réussite, ce qui est loin d’être toujours le cas dans ce style (même si celles de Blind Guardian sont en général assez convaincantes et ne tombent pas dans la niaiserie la plus totale).

La question des interludes… Pour y revenir, il faut rappeler le concept de l’album, qui entend retracer en 22 morceaux le Silmarillion de Tolkien, œuvre majeure de l’écrivain britannique et qui met en place le monde dans lequel se déroule le bien célèbre Seigneur des Anneaux. On en retrouve les principaux personnages (Fëanor, Morgoth, Sauron…) et les interludes permettent de compléter ce récit, d’illustrer certains passages de l’ouvrage et faisant le lien entre les différents titres. Certains parlent d’eux-mêmes, comme « The Battle of Sudden Flame » ou « Lammoth ». D’autres sont sans doute moins compréhensibles à ceux dont le monde de Tolkien est inconnu. « War of Wrath » commence l’album en présentant la fin de l'histoire, avant qu’ « Into the Storm » ne commence le récit (présentant la façon dont Morgoth a dérobé le Silmaril à Ungoliant, reine des araignées. « Captured » fait lui référence à l’emprisonnement de Medhros, tandis que « Blood Tears » lui fait raconter sa captivité puis délivrance. Bref, je ne vais pas vous réécrire le Silmarillion en faisant une analyse comparative, vous pouvez trouver des informations sur le sujet assez facilement ou même lire l’ouvrage si vous en avez le désir. Je voulais juste mettre en avant le fait que ces interludes (qu’au pire, vous pouvez passer) permettent de soutenir le concept de Nightfall in Middle-Earth tout en servant de transitions bienvenues entre les morceaux.

Objectivement, c’est sans aucun doute un des meilleurs albums que le metal ait enfanté, un album majeur des années 90. Subjectivement, tout simplement le meilleur album que je connaisse. Je continue à le trouver sans faute, à éprouver le même plaisir quand je me le repasse, sans aucune lassitude, bien au contraire. On a tous des albums qui nous ont personnellement marqué et représentent une certaine période de notre vie. Nightfall in Middle-Earth est le mien, s’il ne devait en rester qu’un, ce serait lui. Quand en plus il affiche comme ambition d’aborder un livre qui m’a lui aussi touché et dont l’auteur a symbolisé pour moi une nouvelle étape, je ne peux qu’être totalement conquis.

« The field is lost
Everything is lost… »

Quelques mots qui arrivent encore à me donner le grand frisson.
Flavinours
10
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le 10 août 2012

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Flavien M

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