Je pense enfin avoir compris, après ce qui doit s'élever à plus d'une centaine d'écoute, ce qu'est cet album. Un sentiment très satisfaisant et d'autant plus épanouissant dans le rapport que l'on a avec l'oeuvre, ceci arrivant assez rarement de "maîtriser" un album dans son ensemble.


Siamese Dream est une fresque des années 90's, fourmillant de fantasmes de cette époque bénite musicalement et artistiquement pour certains, asthmatique pour d'autres. Résultat de choses plus ou moins abstraites en soi, la folie MTV avec un Corgan qui se grimma plus d'une fois en reporter, campagne de com', interviews ou encore clips font bonne compagnie à l'ambiance qui en découle; enfance, insouciance, air frais, couleurs chatoyantes, sucreries amenant à son rythme vers ce qu'il y'a de froid, ce qui tue ce théâtre enfantin pour y installer des notes plus froides et anxieuses : La majorité.


Le rythme de Siamese Dream est un véritable ascenseur émotionnel, Cherub Rock se découvre une arrogance enfantine, une fusée, un sentiment de toute puissance comme lorsque l'on dévale une pente à vélo qui se retrouve augmentée par la fulgurance de Quiet où Jimmy Chamberlin fait la part belle de ses plus merveilleux frisés ( DGDG en batterie ).


Today est un repos sordide dans cette première chevauchée, bien plus insouciant malgré des textes cachant un profond mal-être et une envie d'en finir avec ce monde qui tourne sans nous, pauvre Billy. Le jeu de ce morceau se veut presque automate, en tant que batteur c'est ainsi que je le perçois, c'est une boîte à musique que l'on ouvre pour Today.


Cependant, le morceau Hummer se trouve assez "mature" dans son alchimie comparé à ce que la bande nous propose jusque maintenant. Bien qu'excellent, je le trouve à part du reste de Siamese Dream.


Rocket constitue le titre le plus fusionnel avec les thématiques de Siamese Dream, le clip renforçant totalement l'ensemble, une cohérence prend. C'est un rock aux sonorités de jeu d'enfants, à chasser des fourmis, manger un gâteau d'anniversaire dans un jardin sur-vitaminé américain des 90's ou tout simplement construire une fusée qui explosera en vol au bout de 2 mètres. Une insouciance qui fait frissonner et transpire de chaque instrument à chaque partie de ce morceau ( le meilleur moment étant pour moi à 2:10 ), la voix de Corgan à vraiment cette faculté forte de dessiner l'amusement, on à le sourire aux lèvres, on veut aller vite, s'amuser, tant que l'on est enfant, ce n'est pas grave si l'on se tâche.


La cassure se fait à partir de Disarm, la prise de conscience du temps qui passe, un hymne d'une tristesse infinie qui aseptise tout à coup la palette du Siamese Dream, la vie change. Une thématique très adolescente mais qui n'a pas pour autant à rougir de cela, l'arrangement est impeccable, la voix de Corgan se veut écorchée et nous tire vers des limbes ignorées lors de l'enfance. Jimmy Chamberlin décida de n'incorporer au morceau que des timbales et cymbales tant le guitare/voix était beau, une batterie serait de trop. ( Bien que celle-ci soit présente sur quelques lives de Disarm ).


Soma. Soma. Soma. Une continuité dans la désillusion, une chute qui pourrait s'apparenter à celle d'Alice, la découverte d'un environnement sage, paisible mais imprévisible. Guitare en fil rouge tout du long, le morceau va crescendo jusqu'au baroud d'honneur, une explosion en plein visage qui d'après la légende, serait composée de 50 pistes de guitare en choeur. Jimmy ( encore lui ) reste aussi très efficace mais en retenue, il faut bombarder, faire avancer le voyage, jusqu'au repos tant mérité aux dernières secondes du morceau.


Voici enfin le tour de force de Jimmy Chamberlin, un morceau qui aura fait baver plus d'un batteur et qui est vraiment très satisfaisant à jouer. Mon avis sur ce morceau se trouve du coup assez dérouté par la batterie en tant que batteur, je n'entends qu'elle, sans pour autant occulter le reste. Ça ne s'arrête jamais, il faut prendre le train en marche et tant pis pour les retardataires. Je ne peux que vous dire d'écouter.


Mayonaise est une continuité à Disarm et Today, les gimmicks de guitare en hammer-on sont présents et constituent à mon sens, la personnification de l'enfance, insouciance etc dans le jeu de Corgan/Iha, vous aurez compris. Une tonalité mineure résonnant des émois de fin de vacances, de premier amour dis-continué, de solitude inavouable, une (pré) adolescence toute relative.


Encore un morceau que je met en relation, Spaceboy/Rocket, les termes semblent tout trouvés, c'est le penchant misérabiliste bleu nuit du morceau entendu il y'a quelques minutes. Ce cher Spaceboy après avoir été catapulté dans des dimensions stratosphériques, désire tout simplement retourner chez lui, où il était si bien. Revêtir son déguisement de spaceboy de son enfance en souhaitant éclipser ses ambitions désabusées par le temps, dans sa chambre étoilée. Maturité vers immaturité ? Assomption vers quelque chose que l'on maîtrise bien plus ?


Mais attention, Silverfuck se montre. Celui-dont-on-ne-doit-plus-prononcer-le-nom casse la baraque, cette introduction est à la fois évidente et ingénieuse, tout comme son jeu. Une bonne partie du morceau est appuyée par le duo basse/batterie qui propose une alchimie rythmique pour l'instant jamais vu dans Siamese Dream ( et encore plus rarement par la suite ). C'est fougueux, acharné, acide et imprévisible, ça sonne comme un jam qui tourne bien. Qui n'a pas été interpellé par cette cassure et ce calme plat au bout de 3 minutes qui ne s'éclipse que vers les 6:50 ? Bang bang you're dead, hole in your head.


Morceaux finaux, Sweet Sweet et Luna. Après tout, il y'a de bonnes choses dans la vie et ce dans n'importe quel stade de celle-ci, pourquoi se quitter fâchés, désarmés ou désespérés ? On sait qu'au fond de nous, cela ne va pas très bien, mais notre âme d'enfant elle, n'est jamais bien loin. Il est temps d'une berceuse finale, d'oublier ces ravins, d'expier, de s'envoler à bord d'une montgolfière vers le pays des rêves avec pour note cette dernière corde finale à Luna, l'horizon nommé Mellon Collie & the Infinite Sadness.


Cet opus suivant, proposera un voyage tout aussi onirique mais pourvu d'une dimension bien plus fantasque et fabuleuse, moins terre à terre, la berceuse et l'envol vers un monde grandiloquent. Tout s'y mêle et fait pourtant cohérence.


Siamese Dream est un album émotif, fragile, mais qui possède au fond de lui, une énergie à ne pas sous-estimer. Moins évident à appréhender émotionnellement que Mellon Collie de par sa plus courte durée (1h contre 2h); qui offre assez facilement son lot de tristesse, Siamese Dream est plus dans la retenue, dans l'étude empirique des morceaux qui donne le genre de synthèse que je me tente d'écrire actuellement. Il fût longtemps pour moi mon troisième SP préféré derrière MCIS et Adore, à présent cela a changé et je comprends pourquoi les fans hardcore le considère comme le meilleur de leur discographie, après tout on ne déroge pas à la règle, il s'agit de leur second.


C'est un exercice difficile que d'écrire sur la musique, encore plus sur un album de chevet qui vous accompagne depuis longtemps et ne risque pas de vous quitter de si tôt ( et encore encore plus lorsqu'un membre de ce groupe révolutionne votre rapport à la musique et à votre instrument, hein Jimmy ? ), je ne sais pas s'il est vraiment possible de retranscrire avec précision les émotions ressenties pour l'un de nos albums fétiches à tous, mais cela reste tout de même agréable.


Écoutez Siamese Dream tant que vous ayez un tant soi peu une âme d'enfant, avant de vous la faire violer par le quotidien désastreux de la majorité.


~Farewell & Goodnight~

Luckmuche
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le 15 oct. 2015

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