Le jazz porte en lui quelque chose de beau : l'universalité. Cette possibilité qu'ont tous les jazzmen de communiquer par la musique, de fusionner l'espace d'un instant pour créer une oeuvre temporaire. Rien n'est figé, les musiciens tournent au gré des différentes sessions, et tous sont capables de jouer avec n'importe qui.


De cette liberté, de ce socle commun qu'ont tous ces artistes, découle une conséquence formidable : le jazz ne se jouant pas en solo, il constitue une invitation à la réunion des talents. Un thème, une grille d'accords, suffisent à lancer le mouvement. Ces Jam Sessions (boeufs en français) s'appliquent à d'autres styles musicaux, mais aucun n'y trouve son compte comme le jazz.


Devant cette possibilité de combinaisons infinies, il est logique que les albums studios reflètent la tendance : s'il existe souvent un leader, chaque album de jazz a son propre personnel, pouvant varier entre chaque session. C'est de ce point que naît une particularité du jazz, il constitue le style musical le plus propice aux collaborations de génie.


Ici, Cannonball Adderley réunit à ses côtés Miles Davis, Sam Jones, Art Blakey, Hank Jones pour 6 titres illustrant à merveille ce concept. En jazz, on peut voir Duke Ellington jouer avec John Coltrane ou Louis Armstrong, Coltrane côtoyer Pharoah Sanders, etc... Et ce à l'infini. Chacun pouvant tour à tour s'effacer ou s'illuminer le temps d'un solo, chacun respectant la musique avant le musicien.


Le jazz s'oppose en ça aux autres styles musicaux, notamment au rock. Le rock, lui, ne repose pas sur le changement. Loin de ces capacités d'adaptation et de mutations, il s'appuie sur une bande de potes, soudés à la vie à la mort, indéboulonnables au terme d'heures de répét au fond d'un garage un peu crade alimentés par des litres de Leffe tiède. Des types qui n'existent que par et pour le groupe, l'union sacrée derrière une même musique.


Si chaque formule, intimement liée aux caractéristiques même du style musical qu'elle représente, a ses avantages et ses inconvénients, on ne peut que rester rêveur devant ces possibilités offertes par le jazz.
C'est Freddie Mercury, John Lennon et David Bowie sur la même scène.
C'est Zidane, Messi, Cruyff et Ronaldinho dans la même équipe.
C'est fromage et dessert.


Somethin' Else est un prototype de cette possibilité. En additionnant les talents, le jazz est capable de sublimation, d'envol. Intimement liée à la liberté inhérente au jazz, la collaboration permet une variété atteinte par aucun autre style.


D'autres diront qu'il lui manque peut-être l'âme qui émerge du feu sacré d'une bande de potes, la constance d'années de collaboration. Qu'importe au fond, sans doute que ces diverses considérations ne sont que des questions de goûts musicaux.
Quel que soit le style, quelle que soit la genèse de la collaboration, au final, c'est la musique qui l'emporte.


Alors s'il vous plaît les gars.
Keep on jammin'.

Black_Key
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le 5 janv. 2016

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Black_Key

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