Très intéressant et inhabituel

Teasé depuis un petit moment par Ulver et Sunn O))), Terrestrials est un petit OVNI dans leurs discographies respectives parce qu'il est très différent de ce à quoi les deux groupes nous ont habitués jusqu'à présent. Ulver a bien changé au fil des années et même si leurs albums récents (Wars of the Roses, Messe) ne m'ont pas plus impressionnés que ça comparés à leurs albums sortis pendant l'âge d'or (Perdition City, Svidd Negger, Blood Inside et Shadows of the Sun), Ulver n'en reste pas moins un groupe qui aime l'expérimentation. Garm et Daniel O'Sullivan avaient participés au supergroupe Æthenor, composé également de Stephen O'Malley de Sunn O))), et à part leur dernier album, En Form for Blå, j'avais vraiment pas trouvé ça génial. Il s'agissait plus d'expérimentations bruitistes et de musique concrète qu'autre chose.

Sunn O))) quant à eux ont tenté pas mal de trucs différents depuis ØØ Void et avaient atteint leur apogée, si je puis dire, avec l'excellent Monoliths & Dimensions (on pourrait aussi inclure Dømkirke dans les albums de Sunn O))) qui trouent le cul et qui innovent). Monoliths & Dimensions incorporait déjà des éléments du jazz avec la piste Alice, mais Sunn O))) ont toujours gardé de côté malfaisant. Pour être honnête, j'avais un peu peur que ce Terrestrials ressemble fortement à ce que fait Æthenor.

Hé bien que nenni. Terrestrials se présente plutôt comme une espèce d'album de jazz éthéré à l'extrême avec des drones calmes et quelques cuivres pour "meubler" si je puis dire. Je ne ressens pas particulièrement d'ambience malfaisante si propre à ce que fait Sunn O))) d'habitude, globalement ici la musique conviendrait parfaitement à une ballade nocturne dans les rues d'une ville. Let There Be Light pose tout de suite l'ambience. La piste Eternal Return en particulier pourrait pratiquement figurer sur un album de Bohren & Der Club of Gore ou de The Kilimanjaro Darkjazz Ensemble et on ne verrait sûrement pas la différence (en virant peut-être les drones derrière).

La seule piste qui a des sonorités un peu plus proches du Sunn O))) classique est Western Horn, avec ses drones assez menaçants répétés tout du long et quelques sons un peu inquiétants passant furtivement de temps à autres. Vient ensuite Eternal Return qui bâtit un crescendo à base d'instruments classiques proéminents et de drones assez discrets, passage très beau et très calme avant une transition électronique très Ulverienne vers les 7 minutes, accompagnée par le chant divin de Garm, avant de retomber petit à petit jusqu'à la fin du morceau. S'il y a une piste à retenir, c'est bien celle-ci. Pas que les autres soient mauvaises, au contraire, mais celle-ci en particulier est un chef d'œuvre du genre. C'est vraiment une piste de toute beauté.

Le seul bémol de cet album, c'est sa longueur : 35 minutes c'est peu, très peu, surtout venant d'une collaboration entre deux géants de la musique expérimentale actuelle qui avait été teasée depuis au moins deux ans. Pour ordre de comparaison ; l'orgie de drones Altar, collaboration entre Boris et Sunn O))), durait 53 minutes et ce sans les pistes bonus ! J'imagine qu'il existe certainement un peu plus de matériel, mais dans l'état c'est court. Toujours est-il que malgré ce problème, Terrestrials est une excellente expérience que je recommande chaudement, même à ceux qui n'aiment pas Sunn O))) et/ou Ulver. Il vous suffit d'écouter Eternal Return puis d'écouter une des pistes du dernier EP de Sunn O))) (LA Reh 12) pour voir la différence monumentale entre les deux styles.