The Big Short (OST)
6.3
The Big Short (OST)

Bande-originale de Nicholas Britell (2015)

La bande-originale du film The Big Short est composée par le compositeur américain Nicholas Britell qui écrit des musiques de film depuis Domino One de Nick Louvel en 2005. The Big Short est la 6e bande-originale de long-métrage cinéma composée par Nicholas Britell, juste après deux documentaires The Uncondemned (Nick Louvel, Michele Mitchell) et The Seventh Fire (Jack Riccobono), mais la quatrième pour une fiction cinéma, trois ans après Gimme the Loot (Adam Leon, 2012). Il retrouve pour l’occasion Brad Pitt, ayant opéré comme arrangeur et compositeur de musiques additionnelles sur 12 Years A Slave (Steve McQueen, 2013), dans lequel l’acteur jouait le rôle de Samuel Bass, abolitionniste canadien. C’est enfin le premier film distribué par une major pour lequel Britell compose ; jusqu’alors, il n’avait travaillait que pour des courts ou longs métrages indépendants.

La bande-originale comporte 23 titres d’une durée totale de 37 minutes et 56 secondes. La bande-originale peut être entendue chronologiquement dans le film jusqu’à la piste 19 – To Kathy’s office. Les quatre dernières pistes sont inversées : dans le film, on entend d’abord la piste 21 – I Say When We Sell, puis 20 – 15 Billion, 23 – The Big Short Piano Suite seul morceau qui s’étale sur plusieurs scènes et enfin 22 – Smell Like Sheep durant le générique de fin. Nicholas Britell ne convoque pas d’orchestre (à l’exception de 2 – Lewis Ranieri) et continue dans le sillage de ses compositions précédentes, utilisant principalement le piano, quelques percussions et des sons qu’il triture sur logiciel.

Les trois premiers morceaux de la bande-originale mettent en musique l’histoire de Wall Street sur les 40 dernières années, professé dans le film par Jared Vennett (Ryan Gosling) : d’abord, en s’ouvrant en douceur avec Boring Old Banking, introduisant le monde de la finance encore à l’état endormi au tournant des années 1970, en y donnant un aspect soporifique ; puis s’opère le réveil en fanfare avec Lewis Ranieri, véritable acte de naissance de Wall Street avec un orchestre de blues (trompette, saxophone, basse, batterie… ), évoquant l’opulence et la métamorphose des banquiers en rock star ; enfin, America’s Number One Industry passe aux textures électroniques rentrant ainsi dans le monde moderne de la finance, il instille le doute.

Du général, la B.O. passe au particulier avec les deux pistes suivantes : Glass Eye où l’on entend pour la première fois le piano, instant suspendu évoquant le drame personnel de Michael Burry (Christian Bale) qui a perdu un œil à son enfance, ce qui le handicape dans ses relations sociales ; Mouseclick Symphony Mvmt 1 vient confirmer ce traumatisme où le montage de sons de clics de souris et autres bruits informatiques (illustrant la coopération entre le compositeur et le monteur Hank Corwin), réduit l’homme à des datas, des chiffres, des tableurs, ce qui déshumanise l’analyste financier, renforcé par le son en arrière-plan de quelque chose qui se fissure. Restricting Withdrawals reprendra plus tard cette idée en enfermant le personnage dans une bulle sonore, alors qu’il reçoit quantité d’attaques par mail.

Nicholas Brittell formera un autre diptyque pour le personnage de Marc Baum (Steve Carrell) : I Love My Job évoque ce dont Baum refuse de parler (le suicide de son frère également trader), révélant une profonde tristesse passée sous silence et dont le titre tiré d’une réplique est évidemment ironique ; I Offered Him Money est à l’inverse un chant funèbre à l’orgue alors que Baum accepte enfin de parler de ce traumatisme à sa femme. A noter que ce dernier morceau colle à la peau de son personnage puisqu’il revient dans New Century et I Say When We Sell, montrant que les décisions compliquées que devra prendre Baum seront liées à cet événement tragique.

A l’inverse, James Shipley (Finn Wittrock) et Charlie Geller (John Magaro) ont droit à des morceaux plus rythmés comme le montre la suite Shorting the AA à la batterie et Vegas qui reprend l’ambiance musicale de Lewis Ranieri où les deux jeunes traders font le « jackpot du siècle », ce qui dénote une certaine ambition, mais aussi une insouciance propre aux novices, à l’exact opposé de l’écœurement des vieux loups que sont Baum ou Burry.

A l’exception notable de The Dopeness aux sonorités trip-hop durant la scène avec Margot Robbie, la bande-originale adopte majoritairement un ton grave, comme dans les interludes où Jared Vennett éveille nos consciences sur l’économie mondiale. Tout d’abord, dans Does It Make You Bored avec le son de crépitement d’un vinyle rayé ou arrivé en fin d’écoute, qui esquisse l’écran de fumée construit par Wall Street pour cacher ses montages financiers plus que douteux. Le thème sera repris dans Redemption at the Roulette Table en lui donnant plus d’amplitude, où le piano semble annoncer le krach financier comme une fatalité, montrant l’économie américaine comme fragile. Le morceau sonde la désillusion de Baum après son entrevue avec M.Chau, détenteur de C.D.O. synthétiques, avec une myriade de notes formant un équilibre instable.

New Century entame la dernière partie de la bande-originale, faisant écho à America’s Number One Industry : la B.O. laisse alors de côté le piano pour un titre conceptuel et minimaliste, alliant le son distinctif de pas mais aussi de claquements de portes, avec quelques notes au xylophone et une trame électronique assez brute liant le tout. Britell offre alors un nouveau siècle (2007 au début de la crise des subprimes) où on navigue à vue sans repère (les pas) et où les licenciements se font en masse (les portes qui claquent). Sur To Kathy’s Office, il ne reste plus que le xylophone isolé, sonnant comme la fin de la récréation pour les traders. D’ailleurs, le son de la cloche de 15 Billion désigne à la fois celle de Wall Street qui clôt la Bourse, mais aussi celle qui sonne tout début de match de boxe puisque dans le film, le combat engagé entre Baum et le directeur d’une grande banque est comparé à la rencontre Foreman vs Ali « le réaliste contre l’inconscient ».

Comme conclusion, la bande-originale revient au piano dans un solo d’une dizaine de minutes où Britell exprime tout son talent. The Big Short Piano Suite constitue le chant du cygne de l’âge d’or de Wall Street en tissant une grande tragédie nationale, liant tout à la fois les coupables et les victimes de cette crise qui a ruiné des millions de foyers américains. Ce grand final met en musique ce que l’Amérique a traversé.

Pour cette bande-originale, Nicholas Brittell puise dans sa propre expérience de trader à Wall Street en adoptant un ton intimiste. A l’image de la réalisation d’Adam McKay, il fait de ces personnages des marginaux incompris, très loin de leur représentation dans Le Loup de Wall Street (2013). La bande-originale dépeint la finance comme un milieu implacable et inhumain où le piano révèle les sentiments de ces hommes seuls au milieu de la tempête. Pour son premier film majeur, Nicholas Brittell nous gratifie ici d’une B.O. singulière et ciselée.

Top 5

1. The Big Short Piano Suite 11:55

2. Glass Eye 01:31

3. Lewis Ranieri 02:23

4. The Dopeness 01:11

5. Mouseclick Symphony Mvmt 1 00:48


Ma critique du film réalisé par Adam McKay :

https://www.senscritique.com/film/the_big_short_le_casse_du_siecle/critique/284141814

CharlieVenco
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le 2 mai 2023

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