Bourré au son

Prenant 0,5g à chaque écoute, si cet album ne laisse qu'un arrière goût de Davodka pur et trop violent à la première écoute, ce n'est que le début d'une longue addiction, qui vous forcera bientôt, vous aussi, à en parler autour de la table des fans de rap français anonymes.

La première chose qui frappe dans cet album, c'est ce flow tout droit sorti du 18ème, qui fait mouche dès l'intro : c'est du lourd ma petite caille. Ça va vite, ça articule et le mec est toujours en phase avec ses instru' bruts et efficaces. Bien que ces dernières puissent souffrir d'une certaine linéarité et d'un manque d'originalité, ses productions illustrent comme il faut son thème de prédilection, à savoir la déchéance de son environnement qu'il traite tantôt avec une certaine mélancolie, tantôt avec frivolité, qu'il maîtrise tel un poisson dans l'eau. Dans l'eau-de-vie par contre.

Avec un blaze comme ça, il ne faut pas s'étonner que le bonhomme préfère la grosse tise aux Frosties. Devant disposer d'un bloc à punchlines aussi épais que le tome 5 d'Harry Potter, ces dernières mènent les récits de façon cohérente, et rend les sons vraiment percutants. Si Davodka maîtrise un sujet, c'est bien celui de la boisson, chaque morceau est saupoudré de ce thème qui les rend si jouissifs et sans prise de tête. Et ce n'est pas un hasard si l'un des morceaux les plus maîtrisé est Au bout du goulot.

Même si ce premier projet paraît en soit peu innovant et sans destination précise, ce qui laisse un sentiment de tourner-en-rond, Davodka a su maîtriser son album, contourner tout ça. D'une part, en plaçant intelligemment ses pistes, en plaçant un semblant d'interlude avec Bonne époque et un festival de débitage surprenant avec Le mur du son, au centre de ce cocktail explosif de bons sons. On peut également souligner la présence de samples cinématographiques qui marquent des temps de pause forts appréciables, qui plus est, de bon goût ! Sans compter les tracks Un poing c'est tout et La der des der qui se suffisent à eux-même pour démarrer et clôturer l'album, sans intro ou conclusion superflus.

Mais si Un poing c'est tout mérite de figurer parmi les meilleurs albums de rap français, c'est bien sûr grâce à la plume imbibée d'éthanol. Si certaines punchlines cartonnent à la première écoute, et laissent un sentiment de facilité, il suffit de sombrer de nouvelle fois dans cet océan de flow et de pupunch.

Avec le temps, on se rend compte que n'importe quelle phase est loin d'être anodine, voire même parfois, contenir de terribles subtilités :

"Je suis peut-être un misérable, mais quand j'pé-ra c'est pas pour vous faire la causette."

"Tu cherches du calme mais manque de pot chez nous toutes les bécanes sont débridés."

Il n'y a cas voir le double sens littéraire, ou le jeu de mot avec le pot de ces deux phrases pour comprendre que faire des punchlines pour Davoka, signifie tout simplement écrire.

Comme il dit, l'album s'appelle Un poing c'est tout car il suffit pour fister tout le rap game. Et putain que c'est vrai qu'il nous fout sur le cul ce premier projet. Pour aller jusqu'au bras et devenir ventriloque, il ne manquerait plus qu'un vrai beatmaker afin d'équilibrer le flow, la plume et avoir la musicalité de fond qu'il mérite. En fait, comme quand Cancouillotte picole, on devient nous aussi vite dépendant de ces bons gros morceaux de cette belle galette.