Même quand j'étais môme et que je regardais les films avec Christopher Reeve, je ne peux pas dire que je l'aimais. Trop lisse, trop propre, trop puissant, se cachant derrière une paire de lunettes pour se transformer en alter-ego pataud et victime, contrairement à Batman dont la noirceur totalement humaine faisait écho en moi, Superman n'a jamais pu prendre place dans mon imaginaire. Il est fort probable que le costume y soit aussi pour quelque chose.
Qui peut avoir confiance dans un homme qui porte son slip par-dessus son pantalon ?

Puis vint All Star Superman.

La série commence alors que Superman vole près de la surface solaire afin de sauver une expédition sabotée par Lex Luthor. Superman revient victorieux as usual, mais transformé. Il est plus fort qu'avant, il résiste à la kryptonite verte, mais surtout, ironie du sort, il a désormais une apoptose (wikipédia est votre ami).
Frappé par l'idée de la mort, il dévoile son identité à Loïs, balayant d'un coup toute trace de romance adolescente si récurrente dans la série pour toucher à des problématiques plus adultes. Si Superman est présenté et affirmé comme un Dieu, statut qu'il semble assumer ici, c'est un Dieu usé et fragilisé (qui a dit Dark Knight Returns ?).
Ironie du sort, Lex Luthor de son côté se sent vieillir et réalise que le temps presse s'il veut abattre l'homme d'acier. Plus fou, plus pervers, plus obsédé que jamais, il incarne la parfaite Nemesis à l'icone érodée qu'est Superman.

Tout cela n'est pas si étonnant quand on sait que la plume est tenue par Grant Morrison (rien à voir avec Jim). Auteur d'origine écossaise, il a percé avec la série Les Invisibles où il scarifie les aventures d'un groupe de super-héros anarchistes, intégrant des thèmes comme la drogue, la sexualité, la politique, l'écologie... Ce qui était osé à l'époque dans le milieu du comics et même si des gens comme Miller ou Moore avaient ouvert la voie, il est certain que cette série a participé à l'évolution/révolution du comics dans les années 90. Morrison est aussi connu pour avoir fait l'exceptionnel Arkham Asylum (qui a inspiré le jeu vidéo du même nom) où le Joker prend en otage tout l'asile afin de confronter Batman a ses propres contradictions dans le but de lui faire comprendre que sa place est bien derrière ses murs et non pas dans la rue. Après tout, il est le premier à Gotham à avoir porté un costume ridicule non ? Enfin, Morrison a aussi été l'auteur de la série The New X-Men, probablement une des plus violentes et des plus tordues histoires des X-Men admirablement dessinée par Frank Quitely.
Et c'est d'ailleurs ce dernier qu'on retrouve aux dessins dans All Star Superman. Avec sa patte hors-norme qui n'est pas sans rappeler le style d'un Moebius (que ce soit dans l'épuration des décors ou les attitudes des personnages), il faut dire le monsieur est anglais et non américain et comme Morrison (les deux sont nés à Glasgow), ils ont très certainement été tout aussi influencés par la BD européenne qu'américaine.
Influence que l'on ressent aussi dans l'univers lui-même. A l'image d'un Ellis dans Planetary ou Transmetropolitan, Morrison couche sur papier un nombre hallucinant de petites choses qui éclatent notre imaginaire. On y parle de géants photosynthétiques, de méganthropes anaérobies, d'univers miniatures, Superman y fabrique des mini soleils pour nourrir une créature improbable et se trimbale avec une clef de 500 000 tonnes, unique passe pour sa forteresse de la solitude.

En résumé, All star Superman est une de ces claques qu'on prend de temps en temps quand on est face à de véritables œuvres. Un de ces volumes qui trônera sans honte à côté de Transmetropolitan, Dark Knight Returns ou Watchmen.
VincK
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le 12 juil. 2013

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