On commence donc par l’infameuse série Amazing Spider-man, éternellement engluée dans la toile – spider-man, toile, humour, blague, drôle – de Slott depuis 2008. Au cours de ce long run, qui a vu peu à peu Peter passer du statut de jeune trentenaire paumé à celui de Steve Jobs sous amphèt’, on a pu contempler progressivement la série évoluer vers une copie du pauvre d’Iron-man période Fraction n’ayant plus grand chose à voir avec les origines de justicier de proximité du personnage. L’introduction du numéro dont je vous parle est en cela des plus parlantes, puisque j’apprends la lisant que le « friendly neighborhood [de peter] just got a whole lot bigger. Worldwide ».


On le sait, il n’y a que deux manières concrètes de faire de la critique. Soit l’on aime ce qu’on lit, et on utilisera plutôt des éléments internes à l’œuvre pour en souligner l’originalité ou le progressisme dans l’histoire du média auquel elle se rattache ; soit l’œuvre par contre nous déplaît, et sa recontextualisation dans une tradition préexistante nous permettra aisément de chier à la gueule des innovations, qu’elles soient objectivement audacieuses ou malheureuses, pour s’ériger en gardien du temple et rejeter un bouquin évoluant en diachronie qui nous a laissé derrière.


Cette seconde posture qui, toute négative qu’elle puisse paraître dans mon discours, se légitime tout à fait dès lors que, en comics, l’essence d’un personnage est détruite – ce qui est assurément le cas sur Spider-man de Slott mais, la question ayant déjà été évoquée sur le site, je n’y reviens pas -, tentera d’être dépassée ici, page sur laquelle je me restreindrai à une critique stricte et structurale du numéro en interne.


Au cours de ce numéro un, qui n’a de reboot que le titre puisque l’on accède à la suite directe des aventures de Peter en tant que PDG de sa propre multinationale, Parker Industries, Slott met en scène la lutte du héros et de Mockingbird face à une série de vols du Zodiac venant frapper différentes filiales de la société, notamment ici la division chinoise, ou le mariage du boss de Horizon, Max Modell. Ces différents événements se font le théâtre de poursuites en un plus ridicule que jamais spider-buggy – qui se change en crabe semble-t-il – et de combats technologiques entrecoupés d’une conférence de presse internationale. OUI, ça ressemble à mort à du Iron-man, et pas du meilleur, ce que Slott finira par assumer sans honte aucune en faisant indirectement assumer à son personnage qu’il est un « poor’s man Tony Stark ». Le souci principal de l’écriture réside, comme on l’a souvent vu chez Slott, dans une incapacité totale à rythmer correctement son intrigue. Ainsi, si le découpage entre action et temps mort peut sembler efficace quand on résume en quelques lignes l’issue, il n’en est malheureusement pas de même lors d’une lecture au cours de laquelle on saute désagréablement du coq à l’âne sans parvenir jamais à s’attacher à tel ou tel point seyant de l’histoire racontée. La caractérisation de Peter est irritante au possible dans son rôle de jeune gourou visionnaire, les personnages secondaires errent comme des fantômes pour ne lui servir que d’inutiles faire-valoir, et bien que ce point est, j’imagine, des plus subjectifs, j’ai trouvé les vannes du personnage particulièrement lourdes et peu inspirée, quand on ne vire pas franchement dans l’humour de beauf sous la ceinture. On glissera rapidement sur le reste de cette issue prétendument over-sized dont les ajouts ne sont que quelques back-up destinés à faire la promotion du reste des (très) nombreuses séries du spider-verse à venir. On retiendra celui sur Miles, qui promet peut-être une série Spider-man plus traditionnelle et dont j’essaierai de vous parler quand elle sortira, et le très joli trait de Stacey Lee sur les pages de Silk.


Pour la partie graphique de ce travail, c’est, très habituellement ici aussi, Camuncoli qui reprend du service. Je dois dire que c’est un créateur que j’apprécie assez et, encore une fois, il montre une réelle maîtrise pour ce qui fait fondamentalement la qualité d’un dessinateur sur Spider-man : la mise en perspective des mouvements aériens. Toutefois, l’ensemble de la patte graphique pèche non pas dans son exécution technique mais dans une très maladroite direction artistique déterminée par l’orientation de la série. Si le costume est plutôt classique, malgré des yeux verts phosphorescents le faisant paraître un peu plus agressif, il sera difficile pour tout lecteur un tant soit peu exigeant de pardonner le design absolument grotesque de la Spider-mobile tout droit sorti des pires packs de Noël devant lesquels on bavait étant gamin. La représentation de Peter en costume de ville est pataude et empruntée, et on ne trouve pas plus de grâce à le voir tirer ce qui ressemble à des barbelés qu’à le voir faire exploser une bagnole on ne sait trop comment. Les portraits de Max et de son mari Hector sont, ordinairement, catastrophiques, et on retiendra avec émotion l’anachronisme profond du robot en conserve, qui amène un cliff téléphoné et pas intéressant, en décalage sévère dans une série autant tournée vers la haute technologie.


En résumé, après s’être des années démené pour écrire un mauvais Spider-man, Slott rate encore une fois le coche en livrant une copie de Iron-man sans éclat qui, en plus de coller particulièrement mal au personnage dont il s’occupe, n’est même pas remarquable en elle-même. Si j’ai pu comprendre à l’époque pourquoi Superior spider-man avait pu susciter un certain intérêt chez les lecteurs peu introduits de la série, je ne pourrais cette fois-ci décemment pas recommander cette suite d’Amazing sans intérêt à qui que ce soit. Passez votre chemin.

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le 11 oct. 2015

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Zac Hary

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