Archipels
6.5
Archipels

BD (divers) de Frédéric Bézian (1997)

Avec cette petite BD (24 x 16,5 cm pour 30 planches en noir et blanc avec une nuance de gris et 3 bandes par planche), l'auteur montre qu'on peut se contenter de deux personnages et d'un site (un peu comme au théâtre), pour proposer quelque chose qui sort du commun. L'histoire en elle-même est assez simple : dans une sorte d'excavation, deux hommes attendent des nouvelles d'une femme. Elle doit les appeler au numéro d'une cabine publique à-côté de laquelle ils discutent. On remarque qu'ils sont en costume-cravate. On remarque aussi le trait incisif (pour ne pas dire nerveux) avec lequel l'auteur les dessine. Il semblerait que les deux hommes attendent à l'issue d'un casse, sans doute pour le partage du butin. La femme doit les appeler sur un horaire précis, mais ils ne savent pas quel jour. On arrive cependant très rapidement à se demander s'ils ne se sont pas fait piéger.


La particularité de la BD est donc de se concentrer sur un décor urbain, très froid et impersonnel, que les personnages n'ont évidemment pas choisi au hasard. L'espace restreint permet de se fixer sur les caractères de ces personnages. Le plus grand, plutôt mince est aussi le plus nerveux. C'est celui qui s'agite dans tous les sens, impatient. L'autre, au visage plus rond, se montre capable de lire Proust (qu'il peut relire autant de fois que le temps le lui permettra), en attendant que la situation évolue. Puisqu'ils attendent à-côté d'une cabine publique, on remarque que la BD date de 2006, avant donc la généralisation des téléphones portables. Cela oblige plus ou moins les personnages à se trouver un endroit tranquille. Dans ce décor impersonnel, le trait de Frédéric Bézian trouve sa justification, en décrivant un univers où les sentiments n'ont pas leur place. Le nerveux collectionne les cartes de téléphone (une collection amenée à perdre considérablement en valeur), mettant en avant des unités de temps. Le temps est donc au centre de ce récit. Le temps qu'on perd ou bien la façon dont on l'utilise. On peut conclure que, tant qu'à faire, quand on a du temps devant soi, autant s'occuper intelligemment, en lisant par exemple.


Ne pas attendre monts et merveilles de cette BD dont le style graphique peut rebuter. Le dessin ne recherche jamais la séduction, mais il colle bien à l’atmosphère tendue. C'est une sorte d'exercice de style qui ne demande pas un grand investissement en temps ( ! ) et qui peut permettre de découvrir un auteur qui a fait son chemin dans le domaine du neuvième art. Les Archipels du titre sont probablement les deux hommes, encore qu’on peut imaginer que ce soient le lieu où ils sont et celui où se trouve la femme dont ils attendent des nouvelles.

Electron
6
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste BD indépendante

Créée

le 8 mars 2020

Critique lue 101 fois

5 j'aime

Electron

Écrit par

Critique lue 101 fois

5

Du même critique

Un jour sans fin
Electron
8

Parce qu’elle le vaut bien

Phil Connors (Bill Murray) est présentateur météo à la télévision de Pittsburgh. Se prenant pour une vedette, il rechigne à couvrir encore une fois le jour de la marmotte à Punxsutawney, charmante...

le 26 juin 2013

111 j'aime

31

Vivarium
Electron
7

Vol dans un nid de coucou

L’introduction (pendant le générique) est très annonciatrice du film, avec ce petit du coucou, éclos dans le nid d’une autre espèce et qui finit par en expulser les petits des légitimes...

le 6 nov. 2019

78 j'aime

4

Quai d'Orsay
Electron
8

OTAN en emporte le vent

L’avant-première en présence de Bertrand Tavernier fut un régal. Le débat a mis en évidence sa connaissance encyclopédique du cinéma (son Anthologie du cinéma américain est une référence). Une...

le 5 nov. 2013

78 j'aime

20