Before Watchmen : Minutemen par Ninesisters

Before Watchmen. En apprenant l'existence prochaine de cette collection, j'ai été saisi - comme tout lecteur de Watchmen - par un mélange de peur, d'appréhension, de colère, et de curiosité.
Before Watchmen. Une punition pour tous ceux qui ont aimé l’œuvre culte de Alan Moore et Dave Gibbons. Vous l'avez acheté ? Vous en avez fait un succès ? Vous en subirez les conséquences.
Before Watchmen. C'est comme l'énième opus d'une saga qui, il y a longtemps, nous paraissait grandiose. Nous continuons de payer mais, dans le fond, nous nous disons que c'est la dernière fois, et que nous ne nous ferons plus avoir.


Seul motif d'espoir : des noms. Ceux des auteurs. Darwyn Cooke, Len Wein, Brian Azzarello, pas des débutants. Dès lors, nous pouvons penser que DC Comics a beau vouloir s'en prendre à notre porte-feuille de la manière la plus racoleuse qui soit, ils vont quand même faire ça dans les règles. Ils vont nous la mettre bien profond, mais pas sans nous dire "je t'aime" avant.
Après tout, Alan Moore avait créé un monde autour de Watchmen, un monde dont il ne nous donnait que quelques fragments entre chaque chapitre, à travers des notes comme l'autobiographie de Hollis Mason. Dans le fond, il y a un potentiel, pour qui saura l'exploiter.
Dans tout ça, Minutemen m'apparaissait comme le projet le plus tentant. Car Darwyn Cooke, qui en signe le dessin et le scénario, est un auteur que j'apprécie au plus haut point, et sans aucun doute le plus à même de raconter toute histoire se déroulant dans les années 40. Et car, aussi puéril que cela puisse paraitre, j'avais réellement envie de lire les aventures des Minutemen, même si ce n'était plus ceux de Alan Moore.


A mon sens, Before Watchmen : Minutemen s'ouvre sur une incohérence, ou du moins sur un non-dit pourtant bien présent dans l’œuvre d'origine. Seulement, il s'avère que Darwyn Cooke est un malin qui prendra soin de couvrir ses arrières, rendant ainsi impossible toute incohérence tout en s'octroyant toute la liberté nécessaire. Même si cela signifie qu'il faudra attendre de nombreuses pages pour comprendre la portée de l'ouvrage.
L'histoire s'ouvre sur Hollis Mason, le Hibou, en 1962, alors en pleine écriture de ses mémoires. A partir de là, nous ferons de constants aller-retours entre cette année et l'époque où il combattait le crime à sa façon bien particulière. Le premier chapitre nous replonge dans le contexte, en réintroduisant chacun des personnages, précisant les raisons derrière leurs masques. Le Hibou, donc, jeune policier en quête d'adrénaline. Sally Jupiter, dont l'agent monte des mise-en-scènes pour asseoir sa réputation d'héroïne. Le Juge, et ses méthodes expéditives. Le Comédien, trop content de justifier ainsi son penchant pour la violence. La Silhouette, qui semble habitée d'une véritable mission. L'Homme-Insecte, riche inventeur avec beaucoup trop de temps libre. Et enfin Captain Metropolis, qui cherche la guerre pour mieux gagner les honneurs.


La suite s'articule autour d'une série de moments-clés dans la carrière du groupe : leur formation sur l'initiative de Captain Metropolis, leur première mission, leur impact médiatique, mais aussi les tensions qui naitront entre chacun. Nous nageons dans un mélange de terrain connu et de révélations plus ou moins sordides. Ces gens-là ne sont pas des héros, ou en tout cas pas tous. La Silhouette est la seule à trouver grâce aux yeux de Darwyn Cooke, à mille lieux de la vision de Zack Snyder, qui en quelques images la dépeignait comme une dominatrice prête à embrasser le premier jupon venu. Donner une telle place à un des personnages les moins connus de la bande, voilà qui ne manque pas d'attrait, là encore car cela laisse une meilleure marge de manœuvre à l'auteur. Auteur qui avait sans doute prévu dès le départ comment tout cela se finirait, indépendamment de tout ce que nous pouvons apprendre dans Watchmen. Sa conclusion est à la fois radicale et parfaitement logique, et je doute que Alan Moore lui-même pourrait la remettre en cause.


Before Watchmen : Minutemen, s'il n'atteint évidemment jamais la puissance de son illustre modèle, reste un comics intelligent dans son exploitation de l'univers de ce-dernier. Son gros défaut, c'est qu'il reste parfaitement inutile. Un bon titre, oui, mais forcément du mauvais Watchmen, malgré tout le talent de Darwyn Cooke. Il aurait été raté, cela nous aurait conforté dans nos attentes, et dans l'imposture du projet de DC Comics ; sauf que ce n'est malheureusement pas le cas.

Ninesisters
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le 29 janv. 2014

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