Avant-propos : jamais fiche de lecture n’aura pris tant de temps ! Profane économique, j’ai enfin terminé d’assimiler l’histoire de l’économie avec Economix. Néanmoins des questionnements subsistent (en italique dans le texte) et j’ai probablement fait des erreurs : n’hésitez pas à me faire part de vos apports. Attention : c'est long.



Chapitre 1 – La Main Invisible



Ricardo est l’un des fondateurs de la doctrine économique classique. Il a créé des modèles abstraits tels que :
- la théorie de la valeur-travail, qui justifie le prix d’un bien par le coût qu’il a fallu pour le produire (salaires, matière première, transport, etc.) ;
- la théorie des avantages comparatifs dans le commerce mondial, qui « prouve » que même lorsqu’un pays est défavorisé par rapport à d’autres, il peut être gagnant économiquement sur un libre marché en se spécialisant là où il est le moins mauvais (en excluant du modèle les cas problématiques comme les délocalisations et les crises) ;
- Homo Economicus, qui considère les humains comme des agents purement rationnels faisant le meilleur choix pour eux-mêmes à tout moment ;
Comme c’était plein de formules complexes, ça ressemblait à de la Science : la science économique était née.



Chapitre 2 – A Toute Vapeur



L’invention de la machine à vapeur, rendue efficace en 1760 par James Watt, donne naissance à l’industrie en Europe : manufactures, bateaux à vapeur, chemin de fer… La demande explose, de nouvelles technologies sont à leur tour créées pour y répondre (ex : invention des procédés chimiques industriels). Des résistances naissent avec les luddites qui rejettent la technologie car elle dépossèdent les ouvriers de leur gagne-pain. En effet, le début du XIXe siècle est une période de « boom » économique mais, industrie oblige, le travail se fait rare et les salaires bas, puisque les ouvriers ont moins de marge de négociation… Les conditions sont difficiles pour les hommes du commun. Une série de krachs arrive, et personne ne sait l’expliquer réellement.
Une explication : La monnaie est alors indexée sur l’étalon-or, il y en a une quantité fixe, donc si l’on produit plus, le peuple n’a pas nécessairement plus d’argent pour consommer la production supplémentaire. Néanmoins, la création de monnaie reste possible même dans ces conditions grâce au système bancaire à réserve fractionnaire : les banques reçoivent l’argent déposé par leurs clients ; elles prêtent une fraction du dit argent à d’autres clients qui finissent par le rembourser : la quantité totale d’argent (masse monétaire) a augmenté (mais pas la quantité de monnaie fiduciaire). Cela fonctionne tant que tout le monde ne retire pas en même temps… C’est un système sensible à la rumeur, à la panique bancaire.


La solution court-termiste trouvée pour résoudre le problème des krachs est d’aller vendre dans un système ouvert à l’apparence infinie : le monde. C’est ainsi qu’au XIXe siècle, les britanniques exportent leur modèle de libre-échange : guerre de l’opium en Chine, conquête des pays concurrents comme l’Inde… Mais peine perdue, le libre marché ne leur permet pas d’être prospères bien longtemps. C’est à cette période que naît le socialisme, mouvement qui pense que des conditions de travail dignes pour les ouvriers, à commencer par un salaire décent, pourrait résoudre certains problèmes. D’abord désorganisé, le socialisme trouve une figure de proue en la figure d’Engels, qui va méthodiquement prévoir le krach de 1847 et les révolutions de 1848 s’ensuivant, et avec Marx encourager le prolétariat à poursuivre la révolte.


La révolution industrielle a-t-elle eu de bons côtés néanmoins ? D’après Economix, la condition ouvrière serait meilleure que la condition paysanne, qui a connu des grandes famines et dont le travail était plus difficile.


Beaucoup voyaient dans les USA un espoir de renouveau. Et pour cause : l’Ouest sauvage, après qu’on s’est débarrassé de ses occupants encombrants, tendait les bras à tout fermier en devenir. A la Présidence de ce nouvel Eldorado, s’opposaient les fédéralistes avec Hamilton, qui souhaitaient que les propriétaires gouvernent, et les démocrates avec Jefferson, qui avait une vision d’une société plus égalitaire. Ce dernier fut élu en 1800. Cette époque fut faste aux USA : la terre s’étendant à perte de vue, fertiles et vierges de titres de propriété, les moyens de pression des patrons envers les travailleurs étaient quasi-nuls. Résultat, hauts salaires pour tout le monde, et, étrangement, meilleurs travailleurs et donc meilleure économie. A tel point que l’esclavage était moins rentable, et qu’Abraham Lincoln, républicain des hommes libres, fut élu en 1860. Les états du Sud, qui tenaient beaucoup à leurs esclaves, se révoltèrent et la Guerre de Sécession commença. Les Sudistes étaient cependant passablement démunis, puisque Washington contrôlait l’économie et la monnaie, ainsi que l’industrie permettant la création d’armes et d’équipement. De leur côté, les Nordistes était mieux lotis, mais les industriels en profitaient pour vendre de l’équipement de mauvaise qualité à l’État, qui imprimait de l’argent pour le leur acheter. Dans quel cadre légal ? Je n’ai pas trouvé de documentation sur ce dernier point.


De l’autre côté de l’Atlantique, en 1867, Marx sort Das Kapital, un pavé dans la mare qui interrogeait directement Ricardo : si la théorie de la valeur-travail est vraie, alors d’où vient le profit ? Réponse de Marx : des travailleurs. Or davantage d’industrie requiert moins de travailleurs, ce qui à terme provoque une baisse tendancielle des profits du côté des exploiteurs et une armée de chômeurs prêts à en découdre de l’autre. Conclusion : la révolution est inévitable ! Cependant, alors que Marx s’appuyait sur le travail de Ricardo pour le démonter, les économistes néoclassiques naissaient : ils « amélioraient » la théorie de la valeur-travail en s’appuyant sur Malthus qui affirmait que l’augmentation de la population était plus rapide que l’augmentation de sa capacité à produire de la nourriture, ce qui entraîne une notion de valeur marginale : Les principes de science économique d’Alfred Marshall en 1890 posèrent les bases de la microéconomie marginaliste avec en particulier la théorie des rendements décroissants, qui postulent que « l’utilité » (la valeur) d’un bien de production décroît à mesure que l’on en acquiert. On peut visualiser ça sur un graphique de demande avec en abscisse la quantité d’un bien acheté par un consommateur et en ordonnée le prix de ce bien : la valeur que le consommateur est prêt à mettre dans un bien décroît avec la quantité demandée de ce bien.
A l’inverse, sur le même type de graphique mais côté vendeurs, on peut visualiser une courbe au contraire croissante, qui illustre le lien de causalité suivant : plus le prix d’une denrée est élevé, plus les vendeurs vont produire cette denrée.
Si l’on croise les deux courbes, l’on obtient le prix moyen vers lequel vont tendre les denrées sur un libre marché idéalisé. C’est là le point-clé : Marshall lui-même était conscient que son modèle ne représentait pas la réalité. En effet, les hypothèses simplificatrices du modèle étaient les suivantes :
- Homo économicus (agent rationnel)
- l’offre et la demande ne bougent pas tout seuls
– les revenus restent les mêmes
– les goûts restent les mêmes
– les autres prix restent les mêmes
- Tout le monde a la même information
- tous les acteurs sont si petits que leurs actions ne peuvent affecter le prix d’un bien.
En particulier, cette dernière hypothèse était en train d’être dispersée aux quatre vents par la réalité.



Chapitre 3 – le pouvoir de l’argent



Après la Guerre de Sécession aux USA, les gros industriels sont à la fête. C’est l’époque des gros projets comme le chemin de fer transcontinental, que le gouvernement fédéral délègue aux entreprises privées, envers qui les américains sont moins méfiants. Le gouvernement arrose donc les entreprises privées de crédits et de subventions, les faisant prospérer comme jamais. A titre d’exemple, le chemin de fer se fit offrir les terres dont il avait besoin par chaque Etat qu’il traversait. Pourtant, il pratiqua tout de même des prix très élevés. C’était l’époque des super-industries bénéficiant d’économies d’échelle moyennant une avance des frais élevée : cela rendit la concurrence impossible et signa l’avènement des corporations monopolistiques dans le domaine du train, de la viande, des machines, de l’acier, du tabac, des banques évidemment… et du pétrole : lorsque ce carburant fut découvert sur le sol étasunien en 1859, cela commença par un libre marché entre petits exploitants, mais en 1873, les USA connurent leur plus gros krach jusqu’alors et, les grosses entreprises survivant mieux aux krachs, John Rockfeller put racheter un grand nombre d’exploitation pétrolière et créa la Standard Oil. Cette dernière était un monopole et un monopsone : le roi du pétrole, littéralement, qui contrôlait la chaîne de production d’un bout à l’autre. Inutile même de racheter la totalité des concurrents : tant qu’ils s’alignaient sur les prix du magnat et qu’ils ne faisaient pas trop les malins, il n’y avait aucun mal à les laisser exister.
Structurellement, la même chose aurait été possible à l’époque d’Adam Smith, mais les inconvénients naturels des entreprises trop grosses (distance, lenteur) l’empêchaient. Mais la technologie, ayant évoluée, permit de pallier ces problèmes (téléphone, télégraphe, train…).
Economix dit qu’en 1890, le New Jersey permit l’acquisition de capital d’une entreprise par une autre, ce qui permit aux entreprises de grossir plus facilement. Je ne trouve pas de documentation à ce sujet ; au contraire, en 1890, l’actualité était au Sherman Act Antitrust.


Le banquier JP Morgan créa les trusts en fusionnant plusieurs grosses entreprises. Avec Rockfeller et quelques autres, ils furent les barons voleurs d’une nouvelle caste de super-riches à la tête d’empires industriels. Ils contrôlaient la chaîne de production (en coopération plutôt qu’en concurrence) et ne pouvaient plus s’en passer : seuls des flux tendus de matières premières et d’achats pouvaient rentabiliser les énormes coûts d’avance et de maintenance des usines. Ainsi naquit une sorte d’économie planifiée, non pas par l’État, mais par les industriels : un socialisme bourgeois, en somme. Le gouvernement n’était pas en reste : pour aider l’économie industrielle nationale, il n’hésita pas à hausser les droits de douane, à encourager une immigration ouvrière, à mettre en œuvre une politique foncière généreuse et une politique étrangère agressive. Les descendants des barons voleurs héritèrent de tellement d’argent que même le dernier des imbéciles ne pouvait tout perdre : la nouvelle classe dominante était née, et pour justifier son existence, elle inventa le darwinisme social.


Du côté de l’agriculture, quelque chose d’étrange se passait aussi : les fermiers furent confrontés à un excédent de nourriture, et, comme la demande de bouffe est quasiment invariable, l’offre augmentant, le prix chuta drastiquement. Or, en réaction, les paysans firent le contraire de ce qui était logique : ils produisirent davantage et s’endettèrent davantage. Ils vendaient sur un libre marché, mais achetaient aux monopoles, qui s’affranchissaient de la loi de l’offre et la demande : ils avaient beau acheter moins faute de moyens, les prix ne baissaient pas en conséquence.
Mais s’il leur restait des excédents, pourquoi produisirent-ils davantage ? Je n’ai pas trouvé de documentation à ce sujet.


Enfin, côté industrie, les négociations entre les ouvriers et les patrons s’étaient dégradées : le manque (enfin !) de terre et l’arrivée d’une main d’œuvre étrangère peu regardante sur les conditions de travail étaient renforcés par les milices privées du patronat, quand ça n’était pas carrément l’armée régulière qui venait mater les récalcitrants. Ça sentait franchement mauvais pour les travailleurs.


Les moyens de contrôle qui ne marchèrent pas :



  • les contrôles des Etats : la justice eu tendance à considérer les corporations comme des personnes légales ayant un droit constitutionnel à gagner de l’argent, comme par exemple en 1886.

  • La commission du commerce inter-états contre les chemins de fer

  • La loi Sherman « antitrust » de 1890 contre les associations visant à restreindre le commerce… qui fut détournée pour combattre les syndicats !


Le gouvernement était clairement impuissant et corrompu par les corporations… Jusqu’à l’arrivée de Théodore Roosevelt. Teddy et son successeur Taft se battirent plus sérieusement contre elles, les monopoles se fragmentèrent mais donnèrent naissance à des oligopoles toujours beaucoup trop puissants. Teddy Roosevelt fit passer le Pure Food & Drug Act dont l’objectif était la protection des consommateurs. C’était un libéral mais conscient que le pouvoir public devait contrebalancer le pouvoir privé. En 1913, Woodrow Wilson continua le travail avec l’impôt sur le revenu des très riches de 7%, la loi Clayton antitrust de 1914, la création de la Réserve Fédérale en 1913 pour contrôler la masse monétaire, et priver JP Morgan de ce rôle de banque centrale officieuse. Je ne trouve pas de documentation sur cette dernière raison de créer la Fed.


Tout cela nous amène en 1914 : l’empire britannique et son rejeton américain dominent le monde, ont conquis les autres peuples (sauf le Japon qui sort son épingle du jeu), et commencent à mettre en place un commerce mondial à leur bénéfice et selon leurs règles. L’Allemagne, ne voulant pas être en reste, commença à accumuler des armes, ce qui conduisit à une course à l’armement et la Première Guerre Mondiale éclata « sans raison valable » (sic).



Chapitre 4 – Tout S’écroule



Qui dit guerre + industrie dit économie de guerre. Les États apprennent la propagande massive et la planification forcée. D’ailleurs, ils font face à peu de résistance, les gens sont de bonne volonté face à la nécessité impérieuse de poutrer l’ennemi. La Première Guerre est particulièrement destructrice pour les humains. Les USA ne participaient pas à la guerre, mais le blocus économique des puissances centrales faisait qu’ils ne pouvaient commercer qu’avec les Alliés, qui s’empressaient d’ailleurs de leur acheter toute l’artillerie dont ils avaient besoin… avec l’argent que les banques étasuniennes leur prêtaient. Bien décidé cependant à récupérer leur argent, les banques pressèrent le gouvernement étasunien de permettre aux Alliés de gagner. Heureusement, la Russie venait de destituer son Tsar en 1917 : tous les Alliés étaient des démocraties, on pouvait donc invoquer la défense de celle-ci pour prêter officiellement main-forte aux Alliés.


Le traité de Versailles de 1919 endetta l’Allemagne d’une dette qu’elle ne pouvait payer puisque ses créanciers l’empêchait par ailleurs de se développer économiquement par l’exportation. Tout en lui maintenant la tête sous l’eau, les anciens Alliés essayèrent de lui faire rembourser ses dettes par divers plans : en effet, si l’Allemagne ne payait pas, il allait être difficile de rembourser à leur tour les banques américaines ! L’Allemagne entra donc dans une période de très forte inflation de sa monnaie, qu’elle réforma en 1923. Côté Alliés, on se disait que la planification étatique de l’économie s’était révélée bien efficace en temps de guerre, et qu’on pourrait s’en inspirer pour les temps de paix : le fascisme naquit ainsi en Italie, qui rentra dans une « économie de guerre permanente », avec une répression appropriée pour les récalcitrants qui n’étaient pas prêts à faire les mêmes efforts en temps de paix qu’en temps de guerre.


En Russie, Lénine, qui avait pris le pouvoir suite à la révolution communiste, garda un moment la tête de l’État pour pouvoir tenir tête aux rébellions de la guerre civile russe aidées par les autres pays, puis se retira en 1921 en essayant de transitionner vers une économie mixte à l’Allemande. Mais il mourut en 1924 et Staline pris sa succession…


La Russie inspira de nombreux férus d’égalité dans le monde, mais insinua la peur rouge également, notamment aux USA. S’ensuivit une succession de présidents médiocres : Warren Harding, Calvin Coolidge, puis Herbert Hoover, qui « servirent sous » Andrew Mellon, secrétaire du Trésor et banquier qui fit nombre de cadeaux fiscaux à ses amis. Boom économique oblige, personne ne s’offusqua de cette corruption flagrante. Boom ? Mais oui : la technologie se développait toujours à une vitesse folle, l’économie de guerre avait balayé les problèmes précédents et Henry Ford inventa la voiture pas chère pour tous, les hauts salaires de ses ouvriers à la chaîne (5$ la journée de 8 heures, soit trois fois plus que la moyenne, « un crime économique » d’après le Wall Street Journal). General Motors naquit du besoin de distinction des riches (Cadillac & Chevrolet). Les fermiers galéraient toujours, mais le grand public portait aux nues les hommes d’affaire, qui virent dans la propagande de guerre un excellent précurseur à leurs Relations Publiques. Mais malgré l’excentricité de Ford, les salaires stagnaient (on développa le crédit à la consommation) et l’économie mondiale était alourdie par la dette filée de l’Allemagne et des Alliés, que Coolidge refusait d’annuler. Mais comme le Dow Jones allait bien, on ne s’inquiéta pas. Comme les gens étaient toujours confiants en l’avenir, des bulles spéculatives se formèrent… et explosèrent en 1929, alias le plus gros krach de tous les temps. D’abord, ce fut un krach de la Bourse, les gens s’en fichaient, puis les banques cessèrent de prêter, or les prêts étaient indispensables pour… rembourser les prêts précédents ! C’est là que la populace connut l’enfer. Pourtant, tout était comme avant, en terme de ressources et de machines, alors pourquoi le système ne marchait plus ? Qu’est-ce qui avait changé ? La confiance en l’avenir.


Quelques citations éclairées :



  • « Je n’ai jamais entendu parler d’aucune dépression » - JP Morgan Jr, 1931

  • « Il y a énormément de travail à faire si les gens veulent bien le faire » – Henry Ford, 1931, peu avant de licencier 75000 ouvriers

  • « La dépression va purger la pourriture du système » - Andrew Mellon, pourriture du système


Le Congrès augmenta les droits de douane en 1930, provoquant une réaction en chaîne de mesures protectionnistes dans les autres Etats, et le commerce mondial finit par s’effondrer.
Le président Hoover mis de la monnaie à disposition, mais Mellon ne la destina qu’aux banques.
Je n’ai pas trouvé de détails sur ce détournement d’argent.


En 1933, arriva Batman, enfin Franklin D. Roosevelt, qui mit enfin en place des mesures correctrices. Il essaya à peu près tout, et surtout des trucs qui n’avaient aucun sens pour les économistes. Mais l’essentiel, c’est qu’il chercha à redonner confiance, à faire disparaître la peur. Il forgea ainsi le New Deal avec une série effarante d’agences gouvernementales pour régler les problèmes que le secteur privé était incapable de résoudre. Une assurance chômage. Une sécurité sociale. Un ajustement des denrées agricoles. Une réglementation de la finance spéculative. La loi Glass-Steagall pour la séparation des banques commerciales et des banques d’investissement. La Commission des Titres et des Changes, présidée par un ancien banquier de Wall Street repenti. Le rétablissement de l’étalon-or. Et, alors que les ouvriers inventaient la grève sur le tas (avec occupation des lieux de production), il ne permit pas à l’armée d’interférer dans les négociations ouvriers-patrons, et officialisa la journée de 8h avec les heures sup’.


Toutes ces mesures coûtèrent de l’argent, mais Roosevelt s’asseyait sur les principes de l’économie classique : il instaura une dépense déficitaire jusqu’à sa réélection en 1936. Mais dès qu’il arrêta ses programmes de relance, une nouvelle dépression fit son arrivée.
La théorie néoclassique considérait la situation de dépression de la manière suivante : le problème est que l’offre devient trop forte (ou la demande trop faible) sur le marché de l’emprunt (l’emprunt étant un bien dont le prix est son taux d’intérêt). Or d’après le graphique offre-demande, cette situation entraîne une diminution du taux d’intérêt, donc davantage d’épargne qui sera réinvestie : l’économie allait donc forcément s’équilibrer toute seule ! Bien sûr, ça ne fut pas le cas. Mais Superman, euh, Keynes, tomba à pic : issu de l’école néoclassique de Marshall, avec un gros bagage d’économie scientifique, il prit le contre-pied de la doctrine dominante dans son ouvrage « La Théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie » : il dénonçait que le modèle néoclassique ne considérait pas le monde réel, comme par exemple :



  • le fait que la dépense d’un travailleur est le revenu d’un autre, donc que la baisse de la dépense entraînait logiquement une baisse de l’épargne,

  • et que les entreprises n’allaient pas non plus se mettre à investir lorsqu’elles n’arrivaient plus à vendre.


En somme, il mettait en lumière quelque chose de fondamental et de très simple : l’économie est une science humaine qui fonctionne sur la confiance en l’avenir. En cas de coup dur, les gens ont tendance à dépenser le moins possible, tandis qu’en période faste, ils tendent à dépenser, ce qui accentue la tendance : deux cercles vicieux. Keynes préconisait donc que l’État agisse comme un mécanisme de compensation des comportements humains : en période de crise, il fallait engager des dépenses publiques (fussent-elles déficitaires) pour relancer la machine, tandis qu’en période de boom, au contraire, il fallait économiser et augmenter les impôts, d’une part pour remplir les finances publiques, et d’autre part pour faire dégonfler l’euphorie ambiante qui pousse à la dépense inconsidérée.
Mais alors la dépense déficitaire de Roosevelt aurait dû fonctionner ? D’après Keynes, c’était la bonne marche à suivre, mais il aurait juste fallu que l’État dépense encore plus.


La Deuxième Guerre Mondiale commença alors dans des conditions particulièrement complexes dues en partie à la crise économique, avec notamment le Japon qui se mit à envahir la Chine pour tenter de se renflouer, une stratégie vouée à l’échec : Mao et les impériaux chinois résistèrent et la guerre coûtait cher. Tandis que Mao entamait une réforme agraire en liquidant les propriétaires des terres, Staline, pour ne pas dépendre de l’Occident qui refusait tout commerce avec lui, réduisait l’URSS à la famine et l’esclavage avec une économie entièrement planifiée et un régime totalitaire qui affamait les fermiers en leur prenant tout et éliminait les résistances sans ambage. Bien sûr, cela ne donna pas de bons résultats, alors il fit ce que tout imbécile sait faire : persévérer. Davantage de contrôle coercitif, ce qui acheva de plonger le pays dans un génocide et une famine absurdes. Le communisme étant vu comme une alternative au capitalisme, beaucoup de gauchistes occidentaux fermèrent les yeux sur la situation. De son côté, Hitler prenait également le pouvoir en blâmant les juifs pour la situation économique désastreuse de l’Allemagne et en promettant de rendre au pays sa superbe d’antan avec le développement de l’industrie. Pour ne rien gâcher, il se montra socialiste avec les travailleurs (mais pas trop : pas de syndicats par exemple). L’Allemagne attaqua la Russie pour son pétrole, et le Japon fit de même avec les USA pour le pétrole indonésien. La guerre mondiale éclata.



Chapitre 5 – Les Armes Et Le Beurre



Encore une fois, la guerre fut bonne pour l’économie américaine. A l’issue de celle-ci, les USA déployèrent le Plan Marshall en Europe, donnant purement et simplement de l’argent au vieux continent pour qu’il essuie ses dettes (allégées par le plan Lend-Lease qui permettait de prêter directement du matériel dont la valeur dévalua vite) mais également pour qu’il achète leurs marchandises.
On créa les Nations Unies, et surtout :



  • La Banque Mondiale, qui peut prêter de l’argent.

  • Le General Agreement on Tariffs and Trade, qui pose les bases d’un libre marché mondial.

  • Les accords de Bretton-Woods, qui placent le dollar comme étalon de toute autre devise, et l’or comme étalon du dollar seul. Des taux de change relativement stables donnaient confiance pour investir, tout en n’entravant pas la création monétaire comme l’aurait fait un étalon-or universel. Cela permit aux pays de suivre des modèles différents d’économie mixte.

  • Le Fonds Monétaire International, pour constituer une réserve d’argent en cas de crises.


Pendant que la guerre froide se mettait en place, l’économie américaine allait bon train, sans toutefois créer trop d’inflation. Les gens dépensaient simplement leur épargne. Le pouvoir d’achat des ménages américains étaient élevé. Les vétérans de la guerre furent économiquement (ré)compensés, la guerre de Corée continua à alimenter l’économie, et les familles s’agrandissaient avec le baby boom, d’où hausse de la consommation. Le salaire minimum fit son apparition, ce qui permit aux travailleurs d’être de bons consommateurs. Toute une série de mesures progressistes améliora la situation de beaucoup (assistance sociale, sécurité sociale, allocation chômage), et l’impôt devint progressif. Les conséquences du New Deal devinrent pérennes et acceptées. Les travaux publics se développaient aussi (réseau autoroutier inter-États). On créa des indicateurs pour contrôler l’état de l’économie, dont le plus important : le PNB/PIB. On se heurta cependant très rapidement à un gros problème pour la croissance : le plein-emploi. En effet, ce dernier crée de l’inflation : chômage faible ⇒ hausse des salaires ⇒ hausse des prix. La machine économique devenue très complexe, on dut trouver un moyen de s’approcher du plein-emploi sans trop créer d’inflation.


Côté science économique, Paul Samuelson rendit Keynes enseignable pour la macro-économie mais conserva le néoclassicisme pour la micro-économie, donnant ainsi la synthèse néoclassique.


Les grosses entreprises appartenaient désormais à une multitude d’actionnaires et étaient dirigées par des gestionnaires.


Les très riches ne devenaient plus très très riches, et les pauvres s’enrichissaient : c’est ainsi que dans les années 50 naquit la vaste classe moyenne. Pour répondre aux « besoins » des nouveaux « non-pauvres », on créa en vitesse des lotissements de banlieue mal faits, où régnait le tout-voiture (pour faire venir les gens en ville, villes qui s’étendaient donc de plus en plus), et sans vie organique, et avec une forte ségrégation économique (au sein d’une population avec pourtant moins de différences économiques). Les transports en commun furent rachetés par les entreprises automobiles pour les laisser péricliter.


Le gouvernement étant devenu très bureaucratique, les grandes entreprises surent faire du lobbying sur l’administration pour s’en attirer les faveurs, et le cercle vicieux inverse condamna les plus nécessiteux. Le gouvernement et les corporations travaillaient enfin main dans la main, et l’armée s’en mêlant, les USA entrèrent dans une économie de guerre permanente que n’aurais pas renié Mussolini, produisant des armes (nucléaires notamment) au maximum de la capacité de l’industrie. Le président Dwight Eisenhower mit en garde contre le « complexe militaro-industriel ». Cette course à l’armement fut bien sûr suivie par l’URSS. La technologie connut également un nouveau grand bond en avant grâce au budget militaire. L’emploi était toujours au beau fixe, alors il y eu peu de protestations, et surtout, elles ne furent pas entendues : la logique industrielle s’appliquant aussi au nouveau secteur des médias de masse, les coûts d’avance empêchaient toute concurrence saine et obligeaient à vendre beaucoup, à tel point que les journaux locaux ne furent plus rentables. Les médias devinrent donc d’immenses entreprises, et c’est à ce moment qu’arriva également la télévision, avec trois chaînes seulement pour tout le pays. Ces médias de masse uniformisèrent l’information et s’autocensurèrent pour ne pas déplaire aux annonceurs. Démarra une période d’apathie et de superficialité politique, dont on n’est pas vraiment sortis.


JFK puis Lyndon Johnson découvrirent qu’il restait des pauvres, et continuèrent les avancées sociales du New Deal de Roosevelt (assistance médicale, etc.). JFK baissa les impôts pour stimuler l’économie et la machine économique réussit à maintenir un taux d’inflation bas, jusqu’en 1965.


Le mur de Berlin fut construit en 1961, aveu d’échec de l’URSS. En effet, la planification étatique marchait mal. Plus l’Union Soviétique essayait de mettre les entreprises au pas à travers des processus coûteux, plus la situation se complexifiait, et sans marché, il était difficile de subvenir aux besoins de toutes et tous, même si on était capable de réaliser de grands projets spatiaux.
La politique étrangère des USA devint dramatiquement simpliste dans un monde qui se complexifiait à vue d’œil (indépendances des anciennes colonies). L’anticommunisme était devenu la doxa, et les USA préférèrent mettre des dictatures fantoches au pouvoir avec qui commercer que de prendre le risque d’avoir des pays communistes (en Amérique Latine, et en Iran où le Chah renversa Mossadegh qui voulait nationaliser son pétrole, sans parler du Vietnam où les Viet Cong soutenaient la réforme agraire communiste). Johnson continua à donner du budget à l’armée pour réprimer les paysans vietnamiens, aboutissant finalement à une inflation de 3 % en 1966. La savante machine économique s’emballa.



Chap 6 – L’Ère Des Limites



Jusqu’aux années 60, comme on l’a vu, l’inflation (la hausse des prix) augmentait par la demande : les gens avaient de l’argent et cherchaient à le dépenser. Ça n’était donc pas très grave : on observait une corrélation négative entre inflation et chômage, il « suffisait » donc de trouver un équilibre. Mais à partir de 1969, la corrélation disparut. Le chômage commença à augmenter alors que l’inflation aussi. Les économistes n’y comprenait plus rien. Economix propose l’explication suivante : les gens anticipaient désormais l’inflation, donc les travailleurs réclamaient des salaires plus élevés malgré le chômage, et les entreprises augmentaient donc les prix. Je n’ai pas bien compris cette explication.


On l’a vu, l’économie orthodoxe reposait sur des hypothèses idéalistes et se basait sur des modèles mathématiques. Keynes avait déjà fichu un coup de pied dans la fourmilière qui avait très bien marché (interventionnisme étatique), mais comme ça déconnait de nouveau, il servit de bouc émissaire. Pourtant, un courant minoritaire se penchait sur l’étude sociale de l’économie. En particulier, le fait que les entreprises étaient devenues si grosses qu’elles avaient une influence sur les prix et sur la demande. Typiquement, la publicité ne servait plus, comme en théorie, à informer de la disponibilité de tel ou tel produit, mais elle créait désormais des besoins (la demande) de toute pièce avec les marques et la manipulation de masse. Par exemple, l’entreprise De Beers a créé l’idée du diamant comme symbole de mariage. Il en va de même pour tous les marchés dominés par la pub. On mentionnera l’économiste John Kenneth Galbraith, qui expliquait la supériorité impérieuse du besoin de vendre sur le besoin des citoyens (on dit plutôt consommateurs), l’obsolescence programmée… « L’opulence privée et la misère publique ». Quoi qu’il en soit, ces nouveaux économistes hétérodoxes intégraient le modèle offre-demande dans une analyse plus complète intégrant les acteurs du pouvoir de négociation : gouvernement, armée, publicité…
L’approche « ne prit pas » parce qu’elle ne proposait pas de théorie complète et cohérente, d’après Economix…


Revenons au champ politique. Nixon remporte les élections en 1968 grâce à une belle campagne… publicitaire. Il gela les salaires et les prix, mesure extrême pour contrer l’inflation. En effet, le dollar avait perdu de la valeur au début des années 70, et les USA perdaient donc leur stock d’or. En 1971, Nixon sortit le dollar de l’étalon-or pour limiter les dégâts, et en 1973 tout le système de taux de change fixes de Bretton-Woods s’effondra.


Economix ne m’aide pas du tout à comprendre la fin des accords de Bretton-Woods. Même avec des recherches supplémentaires, sans ressources pédagogiques ou plus de temps pour me plonger dedans, j’abandonne pour le moment.


Et en plus, l’inflation repartit de plus belle à cause de la crise de l’énergie, alias le pic pétrolier. Les pays exportateurs de pétrole s’étaient finalement organisés pour refuser le racket de l’Occident : l’OPEP était née. Et comme c’était beaucoup des arabes, ils coupèrent l’approvisionnement en 1973 quand les USA protégèrent Israël lors de la guerre du Kippour. Comme l’économie globale dépendait intégralement du pétrole, ce fut la catastrophe aux USA, mais aussi et surtout dans les pays « du Sud ». Pour l’Afrique notamment, la situation était grave et les solutions proposées par les USA étaient presque pire : au lieu de leur permettre de s’autonomiser, ils leur vendirent des services de gros projets (des barrages par exemple) en leur prêtant l’argent nécessaire (comme au sortir de la Première Guerre avec les Alliés), et de l’aide alimentaire (créant une dépendance). En parallèle la population africaine bénéficiait tout de même des avancées médicales occidentales, ce qui fut un bien pour un mal, vu que la population grimpa en flèche, cauchemar de Malthus. Pour relativiser le problème démographique des pays du Sud, deux arguments sont avancés :



  • La transition démographique devrait tout régler si les pays se développent ;

  • L’empreinte carbone de l’Occident est bien supérieure.


La politique agricole des USA change après la crise alimentaire causée par le choc pétrolier : la production est poussée au maximum, ce qui favorise les gros producteurs. « Grossissez ou partez ». On se tourna vers la monoculture de maïs à ne plus savoir qu’en faire : on créa des produits stupides qui favorisèrent l’obésité comme le sirop de maïs, on nourrit les vaches au maïs (et aux antibiotiques), on inventa le carburant à l’éthanol de maïs…


Toujours est-il que la nourriture bon marché était nécessaire dans les années 70, puisque les américains avaient moins de pouvoir d’achat. En plus, les tranches d’imposition restaient les mêmes tandis que la monnaie était dévaluée, donc « en coût de la vie », les impôts augmentèrent. La bureaucratie d’État croulait sous la complexité de son code des impôts taillé pour les lobbies.


L’économie néoclassique céda du terrain aux néolibéraux, courant économique visant à remettre au goût du jour le libéralisme anti-Etat du XIXe : leurs fondateurs Mises & Hayek furent longtemps ignorés par le courant dominant, mais Milton Friedman les remit au goût du jour avec l’école de Chicago, qui prône un laissez-faire quasi-total, hormis pour gérer la demande globale par le monétarisme (augmentation de la masse monétaire de 3 % par an). Friedman se méfiait du pouvoir concentré… mais uniquement sous sa forme étatique ! Et son laissez-faire ne marchait déjà pas en théorie : les « externalités négatives » partagées par une grande partie de la population sont une faillite du libre-marché. Dès lors qu’on veut faire payer le coût réel pour la société d’un bien, il devient soi-disant « trop cher » à produire : c’est une mauvaise utilisation des ressources de la société.


Economix parle d’économistes « encore plus extrêmes » que Friedman en citant les « sciences économiques néoconservatrices » qui sont pour un laissez-faire total. Je n’ai pas trouvé à quel courant il faisait référence, puisque les néoconservateurs n’ont pas une telle conception économique.


Quoi qu’il en soit, les économistes dominants haïssaient l’État. Il faut dire qu’entre les impôts trop élevés, le Watergate, les programmes gouvernementaux qui ne s’arrêtaient pas une fois leur but atteint (lesquels ? Pourquoi ? On ne saura pas) et l’imbroglio de réglementations absurdes, la menace des grosses entreprises passait au second plan.


En parlant des entreprises, justement : le management moderne naquit avec une nouvelle classe de gestionnaires qui ne pensaient qu’avec des chiffres et prirent des décisions catastrophiques pour le long-terme des entreprises étasuniennes, en plus de mettre une pression considérable sur leurs ouvriers. L’exemple est donné de la Ford Pinto, pire voiture de l’histoire. Cela permit aux étrangers, et notamment au Japon, d’inonder le marché de voitures fiables et meilleur marché grâce à des politiques d’entreprise plus raisonnables et à l’écoute de leurs employés. Les japonais se retrouvaient donc riches en dollars, mais n’avaient que faire des les dépenser en biens américains : ils servirent plutôt à acheter du capital américain (actions & obligations). Le déficit commercial des USA s’équilibra donc, mais les marchandises n’allaient largement que dans un seul sens. Les étasuniens se retrouvèrent ainsi avec des marchandises étrangères et du capital détenu par des étrangers. Le chômage et l’inflation étaient toujours hauts. Carter, élu en 1976, dérèglementa à tour de bras les transports (routiers et aériens), les télécommunications et la finance pour relancer l’économie. Et la bière, aussi. Ça fonctionna. Ce n’était pas non plus du laissez-faire : il prêta par exemple de l’argent à Chrysler qui battait de l’aile. Il essaya aussi de sortir un peu des énergies fossiles (mais Reagan réduisit ses efforts à néant dans les années 80). Mais ce ne fut pas suffisant, et une nouvelle crise pétrolière arriva en 1979.



Chapitre 7 – La Révolte Des Riches



Comme le dit Adam Smith, « tout pour nous et rien pour les autres », voilà la maxime des riches et puissants. Dans les années 70, le petit-neveu d’Andrew Mellon (les chiens ne font pas des chats) et ses alliés fondent et financent un mouvement conservateur en mettant en place toute une série d’organismes de conseil et de propagande. Les médias furent envahis de discours soutenant les idées favorables aux riches, c’est-à-dire les idées qui les rendent indispensables et qui prônent que leur intérêt est celui de la société. Et notamment les « sciences économiques conservatrices » (vues plus haut). Au début des années 2000, les modèles économiques intégrèrent enfin des éléments qui ne se limitent plus au libre marché idéal : l’Histoire et les institutions, la connaissance, la concurrence monopolistique, l’information asymétriques, les sciences sociales… Sans grands effets concrets dans la vraie vie cependant : dans le débat public, les riches étaient trop pauvres et les pauvres trop riches.


Les néocons étaient plus radicaux que littéralement « conservateurs » finalement : ils voulaient annuler le New Deal et affaiblir le gouvernement. En fait, une baisse d’impôt était une bonne idée (cf. chapitre précédent), mais celle de Ronald Reagan dans les années 80 fut taillée spécialement pour les riches avec le taux d’imposition maximum qui passa de 70 % à 28.6 % tandis que les gens du commun se contentèrent d’une baisse d’impôt de 1 %. L’augmentation des tranches d’imposition (vue plus haut) fut enfin arrêtée. Reagan réduisit les dépenses sociales du gouvernement, mais augmenta tellement le budget militaire qu’au final, il renforça le gouvernement. Moins d’impôts + plus de dépenses = déficit. Ce déficit budgétaire ne se fit pas au profit d’une expansion économique comme avec Keynes car les deniers de l’État étaient engloutis par les très riches et par l’armée, sans compter la corruption de l’administration. Reagan augmenta finalement les impôts en 1982-83.


Pour mieux comprendre pourquoi il n’y eu pas d’expansion économique, il faut parler de la Réserve Fédérale. La Fed contrôle la masse monétaire en créant de l’argent à partir de rien [qu’est-ce à dire?] puis en achetant ou vendant des obligations gouvernementales (en faisant des emprunts à des banques et en les remboursant). Cela sert à combler temporairement un déficit budgétaire, mais permet aussi de faire varier le « taux des fonds » du marché bancaire, car celui-ci est sensible à la masse monétaire [encore une fois j’ai pas tout compris comment]. Quand la Fed « crée » un taux d’intérêt élevé, cela décourage la dépense, mais quand elle crée un taux bas, cela n’accroît pas forcément la dépense (celle qui provoque l’expansion de l’économie, la croissance recherchée), ça dépend du moment.
On en revient à Keynes : en 1920, la Fed a introduit beaucoup d’argent sur le marché dans une période faste, et en 1930, en a retiré alors que la situation était mauvaise : Keynes préconisait l’inverse.


Comme on l’a vu, l’inflation était censée être haute quand le chômage était bas, et vice-versa, mais la stagflation voyait l’inflation et le chômage être hauts, donc on ne savait s’il fallait augmenter les taux d’intérêt pour faire descendre l’inflation ou les baisser pour faire baisser le chômage.
Là où ça devient dialectique, c’est que la Fed est indépendante du gouvernement. En 1980, son directeur Paul Volcker décida de faire baisser l’inflation, provoquant une récession. Reagan dépensa déficitairement ensuite, et pour ne pas recréer de l’inflation, Volcker augmenta encore les taux. L’inflation finirait forcément par disparaître avec une dépression, mais tout le monde serait au chômage… En 1983, il y eut une hausse d’impôt et une chute des taux d’intérêt, et le chômage baissa. L’équilibre fut trouvé avec un taux de chômage à 6.5 %, contrôlé par la Fed qui augmentait les taux dès que l’inflation arrivait. L’économie reaganienne fonctionnait ainsi :



  • Le gouvernement emprunte (parce qu’il ne taxe pas assez les entreprises et qu’il a besoin d’investir dans l’armée) ;

  • Ces emprunts d’état font craindre à la Fed de l’inflation, donc la Fed maintient des taux élevés (que l’état doit payer) ;

  • les impôts du peuple sont élevés, les taux aussi, et le chômage aussi ! Le peuple a donc peu d’épargne, et est obligé d’emprunter à des taux élevés ;

  • ⇒ Donc la dette nationale est élevée ;

  • ⇒ Et la masse d’argent va croissante chez les possédants, qui n’investissent même plus dans l’économie réelle (préférant la spéculation et l’enrichissement personnel).


La spéculation se développe sur des produits financiers à haut risque et intérêt élevé [les taux d’intérêt ne sont-ils pas plafonnés?], à tel point que les ultra-riches pouvaient contrôler des grosses entreprises en achetant suffisamment de parts. Et les fonds de pension et les fonds communs de placement concentraient également le pouvoir. Les entreprises durent donc augmenter le prix de leurs actions le plus possible pour éviter les rachats sauvages. Augmenter le prix des actions ne voulait pas dire meilleure gestion : le court terme était privilégié, les actions se vendaient et s’achetaient à des vitesses informatiques. Les compagnies qui tiraient le plus de profit immédiat furent favorisées, donc celles qui ne faisaient pas d’investissement long terme et autres « détails inutiles » … Les prédateurs ne pensaient qu’à leur profit personnel, mettant ainsi sur la paille l’entreprise et ses travailleurs.
Nous sommes donc sur un modèle complètement différent du libre marché des biens et services : la concurrence se faisait pour « plaire à Wall Street », c’est-à-dire profits immédiats et cours de l’action élevé pour ne pas se faire racheter. De plus, les États se trouvèrent en concurrence pour que les entreprises, auparavant intégrées dans un tissu local, déménagent là où les conditions fiscales étaient les meilleures.


En 1987, la bulle financière explosa. Le Dow Jones prit -22 %. Alan Greenspan, nouveau président de la Fed, baissa les taux, inondant le marché de crédit peu onéreux pour éviter une dépression. Le krach n’eut donc pas vraiment lieu mais la bulle regonfla. Les années 80 marquèrent le début d’une série de krachs sauvés par le gouvernement, ce qui incita les financiers à prendre de plus en plus de risques. Les entreprises étaient sauvées deux fois : d’une part collectivement, par la baisse des taux pour sauver une bulle, et d’autres par par les sauvetages gouvernementaux individuels des too big to fail. Dès lors, les financiers pouvaient acheter une entreprise entière (ce qui était inimaginable quelques décennies plus tôt, personne n’avait assez d’argent), et soit la revendre pour un prix d’action supérieur (un exemple extrême : Gulf Oil en 1984), soit se faire rémunérer grassement par les dividendes.


Ce fut aussi l’apparition des produits dérivés, instruments financiers semblables à des paris sur l’évolution d’une action, non-réglementés et dont la complexité devint telle qu’il ne suffisait même pas d’être Prix Nobel de l’économie pour ne pas se planter. Le marché des produits dérivés devint un marché de paris géant, ce contre quoi Keynes avertissait déjà dans « La Théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie », et plus personne ne comprit rien au contenu des produits dérivés.
Durant les années Reagan, seuls les riches s’enrichirent tandis que les bulles financières continuaient d’enfler et la dette nationale d’augmenter. Les étasuniens gardent cependant un bon souvenir de Reagan parce que ce fut son successeur qui eut à payer les factures...


Economix parle aussi de l’augmentation de la dette étrangère, ce que je comprends comme « la dette des USA aux pays étrangers », avec en particulier le Japon qui possédait titres et obligations étasuniennes, mais je ne comprends pas bien pourquoi celle-ci augmente.


Exemple des conséquences que George H.W Bush dû gérer pour Reagan : les Saving & Loans. il s’agit de banques de quartier qui prêtaient pour de l’immobilier local. La banque empruntait à bas taux sur le court terme et prêtait à taux élevé sur le long terme. Durant l’inflation, les taux grimpèrent et S&L dut donc emprunter à haut coût, alors que ses prêts restaient au même taux (puisque long terme). Reagan permit à S&L de prêter l’argent de ses déposants n’importe où et pas seulement dans l’immobilier (il abrogea cette partie du New Deal). S&L put donc prêter avec des grands risques, ce qui causa son effondrement… et coûta 500 milliards de dollars… au contribuable, puisque le gouvernement sauva S&L.


And now for something completely different : l’autogestion menace la structure de pouvoir, qu’elle soit capitaliste ou communiste d’Etat. Solidarnosc fut réprimé en Pologne pour cela. L’URSS atteignit un niveau de vie convenable, mais une économie très peu efficace : le peu de terres agricoles privées avaient un bien meilleur rendement que les terres collectivisées. Et ça restait un état autoritaire. En 1985, Gorbatchev remua un peu l’URSS avec une politique de transparence et une restructuration de l’économie vers l’ouverture au marché. L’effondrement du bloc soviétique laissa place au chaos et bien entendu, les USA ne mirent pas en place un plan Marshall, et gardèrent un budget militaire délirant alors que la Guerre Froide était terminée. Ça tombait bien, il restait plein de guerres à faire : à Saddam Hussein par exemple, qui menaçait le pétrole étasunien au Koweit et en Arabie Saoudite.


A noter que si on regarde les chiffres, on constate tout de même une baisse du budget militaire étasunien à l’effondrement du bloc soviétique, que ce soit en pourcentage du PIB ou en valeur absolue.


Côté économique, les USA étaient dans la panade dans les années 90, suite à l’économie reaganienne. Le chômage était haut, la récession battait son plein, les services médicaux devenaient hors de prix… Les fermes familiales avaient disparues, la classe moyenne périclitait et les ultra-riches se cloîtraient… mais le gouvernement continuaient à dépenser de plus en plus ! Clinton arriva à la Maison Blanche sur un programme de relance de l’économie par l’injection d’argent public, mais fut paralysé par la Fed qui menaçait d’augmenter les taux pour garder l’inflation basse : ainsi, les acheteurs d’obligations gouvernementales s’inquiéteraient et le gouvernement ne pourrait donc plus emprunter.


Les USA étaient le seul pays occidental à ne pas avoir de couverture santé publique, ils laissaient cela aux assureurs privés qui étaient aux pieds de Wall Street. Ces derniers fructifiaient : ils refusaient les clients douteux, tergiversaient sur les remboursements, et allouaient un faible pourcentage de leurs profits au remboursement des soins (à cause des coûts administratifs). Clinton tenta un plan de partenariat public-privé qui ne fut jamais mis en place.
En 1994, Alan Greespan augmenta les taux sans aucun signe d’inflation, ralentissant la création d’emplois, ce qui bénéficia aux républicains contre Clinton lors de l’élection de la Chambre des Représentants suivante.
Bon, après, Clinton a fait des trucs biens, il augmenta tout de même les impôts des riches en passant le taux maximal d’imposition à 39.6 % (il avait été baissé par Reagan), il économisa de l’argent gouvernemental, développa le crédit d’impôt sur le revenu salarial (subvention pour les travailleurs pauvres)… à la fin des années 90, le chômage baissa, les salaires augmentèrent, et le budget de l’État cessa d’être déficitaire.


Vue d’ensemble : jusqu’aux années 70, les politiques économiques tentaient d’augmenter la richesse privée générale. A partir des années 80, l’objectif fut clairement de concentrer la richesse entre quelques mains. Les inégalités explosent entre les années 70 et les années 2000 : les salaires des dirigeants passent de 40 fois le salaire d’un ouvrier à 500 fois. Les ultra-riches, et les riches qui les imitèrent, montraient des signes ostentatoires de richesse inutiles, des maisons de plus en plus grandes par exemple, des jets privés, des 4x4… Sans compter le changement climatique, problème connu et contre lequel on ne fit rien.
Les politiciens ne s’en prirent pas aux grandes entreprises en partie car les coûts des campagnes électorales avait explosé, et ils durent donc accepter des dons privés…


Malgré les avancées sociales de Clinton, on n’atteignit plus le niveau de vie d’autrefois. En 2000, un couple marié avec enfants travaillait 20 semaines de plus par an qu’en 1969. Les deux membres d’un couple étaient obligés de travailler pour survivre, ce qui n’était pas le cas avant. Néanmoins, Clinton assainit l’économie. Les conservateurs acclamèrent Greenspan pour cela… qui n’avait fait que stabiliser les taux (bon, il faut dire que les puissants lui demandaient de les augmenter). La productivité des travailleurs augmentait, donc Greenspan ne voyait pas de problème à ce que leurs salaires augmentent un peu malgré la peur de l’inflation de la Fed (taux bas ⇒ croissance économique (pas systématique cependant) ⇒ hausse des salaires & diminution du chômage mais aussi inflation potentielle).


L’arrivée d’internet aussi créa une grande expansion économique. Les nouvelles sociétés en ligne virent leurs actions grimper en flèche. Sur le plan politique, internet facilita aussi les mobilisations sociales, comme celles de Seattle en 1999 contre l’OMC.


Retour en arrière sur la scène internationale. Dans les années 80, les pays qui avaient emprunté de l’argent facile dans les années 70 eurent des difficultés à rembourser leurs emprunts (lors de la stagflation, la Fed de Volcker avait mis un frein à l’économie). Le FMI leur vînt en aide en leur accordant de nouveaux emprunts… A condition d’ajustements structurels néolibéraux (privatisation, baisses d’impôts pour les riches, déréglementation, laissez-faire, État faible… et « démocratie protégée » pour protéger l’économie contre la démocratie). Les conditions du FMI devinrent même très précises puisque bizarrement, le programme néolibéral ne donnait pas de bons résultats (Mexique, Haïti, Tanzanie).


Le marxisme dogmatique et le néolibéralisme sont renvoyés dos à dos comme doctrines qui s’intéressent à ce qui devrait être plutôt qu’à ce qui est. Selon Economix, Engels et Michael Bruno professent un peu la même chose : la Révolution sera bonne et l’Etat disparaîtra de lui-même.


En Russie après la chute du Mur, le basculement vers le capitalisme fut spectaculaire, quelques oligarques devinrent propriétaires des industries, et... la population connut une diminution de son niveau de vie. Le Parlement voulut se ressaisir, mais en 1993, Boris Eltsine attaqua militairement son propre pays avec le soutien de l’Occident. Ce fut la débandade mondiale : les grosses corporations s’évadaient fiscalement, faisaient payer des services publics, et envahissaient les pays en crise désespérés qui acceptaient les conditions les plus dégradantes, sans organisme de contrôle.
Côté consommation, la publicité rendit des produits simples à fabriquer très coûteux, et les appareils compliqués connurent au contraire des prix très bas par rapport aux pays où on les achetaient.
L’OMC créa des traités à huis-clos pour outrepasser la souveraineté des Etats. Parfois pour des bonnes choses. Souvent pour de mauvaises. Et le message altermondialiste fut étouffé par la propagande télévisuelle et médiatique.


Les managers étaient incités à mentir aux actionnaires sur leurs profits. La loi Glass-Steagall de séparation des banques d’investissement et commerciales avait été abrogée en 1998, on ne courait plus après les conflits d’intérêts. Il y eut Sarbanes-Oxley pour la responsabilité des PDG concernant les déclarations financières de leurs entreprises, mais on ne demanda pas aux entreprises de déclarer les mêmes profits au gouvernement et aux actionnaires, ce qui aurait simplifié les choses.


Bush se fit élire sur un programme de réduction d’impôts, et en 2001, la bulle internet explosa. L’économie s’effondra avec la bulle, mais Bush continua sur sa lancée : « il faut réduire les impôts pour relancer l’économie ». Greenspan s’exprima également en faveur de la baisse d’impôts : les excédents de Clinton seraient selon lui investis par l’Etat sur les marchés, ce qui « politiserait l’économie ». Il fallait donc laisser les caisses vides.


PAR MANQUE DE PLACE, LA FIN DE CETTE FICHE (dernier chapitre et conclusion) EST DISPONIBLE ICI.

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le 30 juil. 2020

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