La Terre, en 2089, entièrement souillée par l'Homme, est devenue une gigantesque fumerie d'opium électronique à ciel ouvert, devenant au passage un déversement constant d'informations dans les cerveaux d'une humanité câblée et malade. Assourdis au cœur et à l'âme par des flots de données, les gens ne passent leur temps qu'à vagabonder dans des paradis artificiels emplis de sang, de sexe, de meurtre et de vice. Au milieu de ce chaos ambiant, il y a un couple qui tente de survivre : Debbie Decay, une anti-technologie convaincue, et Led Dent, un Judge Dredd féroce et féru de puissance, drogué aux contenus en permanence. Dans sa volonté de faire sortir son petit ami de cet enfer digital s'en suit donc une aventure en deux volumes intense et prenante, bardée de messages plus ou moins bien développés.
C'est dans cet univers sur le déclin que Sean Murphy, alors déjà devenu une référence dans le milieu des comics avec son Punk Rock Jesus, offre un nouveau fait d'armes en tentant une réflexion sur notre rapport avec la nature et les réseaux sociaux, mêlant au passage diverses influences allant de films comme Judge Dredd ou Idiocracy, jusqu'à des influences plus orientales, lorgnant du côté de Princesse Mononoké ou même Gunnm.
En ressort alors un exercice une nouvelle fois impressionnant, tant grâce au trait incisif et charbonneux de Murphy que dans sa composition des plans, souvent imposante et symbolique ou des pages pleines s'imposent avec prestance. La couleur prend une part importante dans cette œuvre, et il est alors possible d'assister à deux ambiances uniques, en choisissant de lire le comics en version noir et blanc ou coloré.
Pour autant, tout n'est pas à garder dans cette proposition d'univers cyberpunk, en cause une écriture parfois simpliste, couplée à une morale vue et revue qui n'apporte rien de neuf sur l'édifice. À savoir si doit être alors blamé le scénariste Rick Remender, ou bien Murphy, toujours est il que certaines lignes de dialogues risquent de faire grincer des dents, et que les deux "méchants" de Tokyo Ghost ne se voit sauvé que par la poésie salvatrice de certaines pensées écrites avec beaucoup de réflexion.
C'est donc avant tout un exercice de style pour Sean Murphy, qui prend, et ça se ressent, un immense plaisir à donner corps à ce Los Angeles japonisant, à ce conte de cape et épée cybernétique, où se mêle autant d'influences piochées ça et là que de câbles connectés dans le cerveau des habitants dans ce monde maintenant très proche de nous.