Alors... Là, je m'attaque à un gros morceau... Non seulement parce que l’œuvre est vaste mais aussi parce qu'elle a marqué ma vie de manière forte et que je vais malgré tout essayer de rester le plus objectif possible.
Mais quiconque me connaît sait l'importance qu'a cette œuvre dans ma vie, sans forcément savoir pourquoi ou sans se rendre compte à quoi c'est lié. C'est pour ça qu'avant de donner mon avis sur cette œuvre, je dois replacer 2 contextes : celui de l’œuvre et celui dans lequel j'ai découvert l’œuvre.

Déjà, qu'est-ce-que Fathom ? C'est un comics du talentueux mais regretté Michael Turner créé en 1998 sous le label Top Cow.

Je vais distinguer 3 phases sur Fathom et expliquer leurs liens avec l'état d'esprit (et de santé) de Michael Turner.

- [1998 - 2003] : Michael Turner, pas du tout destiné à devenir dessinateur, a été repéré par Marc Silvestri et a acquis sa notoriété sur des séries comme Witchblade. Il crée sa propre série, Fathom, qui décrit un monde où les humains partagent la terre sans le savoir avec les bleu, un peuple aquatique. Aspen Matthews est l'une d'entre eux qui s'ignore car elle a été élevée par un humain depuis sa toute jeunesse.

- [2004 - 2005] : Michael s'est fait diagnostiquer un cancer suite à une chute en surf. Cloué des mois sur un lit d'hôpital, les numéros de Fathom sortent de manière ératique depuis les années 2000. En 2004, il décide alors de monter sa propre maison d'édition, Aspen MLT, et emporte avec lui son bébé (non sans difficulté suite au refus de Top Cow).
Il dessine alors 3 arcs, dans lequel il intègre le personnage de Kiani et étends son univers, puis abandonne le dessin de Fathom, se penchant sur une nouvelle série, Soulfire.

- [2005 - maintenant] : Fathom est dessiné par d'autres dessinateurs mais reste supervisé par Michael jusqu'en 2008. Il décède le 27 juin 2008 de son cancer mais a pris ses dispositions pour qu'Aspen MLT survive et par la même, la série Fathom qui a vu son univers s'étoffer et les dessinateurs (plus ou moins talentueux) se succéder.


Pour ma part, après avoir suivi jusqu'à récemment les titres VO et VF, j'ai fini par abandonner faute de VF, de temps et de motivations à trouver les VO pour des dessinateurs n'arrivant pas à la cheville de Michael.
Ce qu'il faut savoir, c'est que Michael Turner était un amoureux du monde aquatique. Surf, plongée sous marine, il passait plus de temps sous l'eau qu'au dessus. Fathom n'est donc qu'une extension de sa passion et au delà de sa prédisposition à dessiner des personnages féminins aux formes généreuses, il recrée un univers aquatique des plus réalistes : ses planches sont riches et fourmillent de détails. A tel point que la colorisation gâche parfois le travail de l'artiste. Mais j'y reviendrai...



Pourquoi Fathom et moi ?

En premier lieu, il faut savoir que j'ai découvert Michael Turner sans le savoir. Mes premiers comics achetés étaient les cross-over Tomb Raider / Witchblade à une époque où j'étais déjà fan de Lara Croft et où je ne connaissais pas du tout les comics. J'ai découvert ces comics dans un magasin de jeux vidéo et au delà du fait que c'était estampillé Tomb Raider, je suis resté scotché sur le dessin, le style, le détail des planches...

Un peu plus tard, en 1999, mon père m'emmena au quartier latin, un quartier qu'il fréquentait déjà dans sa jeunesse et où il trouvait des romans et autres produits de SF. C'est donc au détour d'une rue que je me suis retrouvé dans le magasin Album et j'eu le droit de choisir un comics. Quand je dis que j'ai passé une heure à éplucher tous les comics, je n'exagère pas : tout est passé entre mes mains, du Marvel, du DC, du Top Cow... et finalement, je me suis arrêté sur Fathom #1 en VF par les éditions SEMIC : album qui venait de sortir. J'ai feuilleté quelques pages et j'ai su que c'était ce comics, cet artiste...

Par la suite, les comics sont devenus un de mes univers : sans TOUT acheter, je me renseignais sur tout, des classiques de l'âge d'or aux derniers runs. Des super héros archi connus et reconnus comme Batman / Superman / les X-Men jusqu'aux héros plus récents comme Witchblade ou the Darkness. J'aimais apprendre à connaître leurs histoires, les évènements les plus marquants des sagas, les contextes de leurs créations venant de la 2nde guerre mondiale, de la guerre froide ou de la simple peur du nucléaire...

Par contre, je ne loupais pas un numéro de Fathom. En 1999, j'avais 13 ans. La maladie de Michael était sur le point d'être diagnostiquée et les parutions allaient devenir plus ératiques. Voici les dates d'édition des VF chez SEMIC :

0. Avril 2000 : Fathom Preview (comic distribué avec Ekllipse n°3)
1. Février 1999 : Fathom vol.1 #1-3
2. Juillet 1999 : Fathom vol.1 #4-5
3. Octobre 1999 : Fathom vol.1 #6-7
4. Janvier 2000 : Fathom vol.1 #8-9
5. Juin 2000 : Fathom vol.1 #10-11
6. Mars 2001 : Fathom vol.1 #0 et Fathom: Swimsuit Special 2000
7. Novembre 2001 : Fathom vol.1 #12 et Killian's Tide #1
8. Avril 2002 : Fathom vol.1 #13 et Killian's Tide #2
9. Juillet 2002 : Fathom vol.1 #14 et Killian's Tide #3
10. Avril 2003 : Fathom vol.1 #½ et Killian's Tide #4

Soit une dizaine de numéros sur plus de 4 ans... Autant dire que je tenais fébrilement dans mes mains chaque nouveau numéro tellement l'attente m'avait parue longue et je n'hésitais pas à relire et re-relire les épisodes, contemplant chaque planche.

Cette période est celle que j'appelle l'âge d'or, par mimétisme avec les super héros classiques qui ont également leur âge d'or, leur âge d'argent et leur âge de bronze. Cet âge d'or se conclue par un arc narratif qui réunit les 3 héroïnes phares de Top-Cow : Aspen Matthews (Fathom), Sara Pezzini (the Witchblade) et Lara Croft (Tomb Raider) dans une aventure en 3 numéros (Fathom vol.1 #12 au Fathom vol.1 #14) qui reste pour moi l'apothéose de mon adolescence. J'ai d'ailleurs la fierté de posséder une des rares planches originales de cet arc où l'on peut voir les 3 héroïnes.

La montée en puissance dans le dessin et dans le découpage de Michael est visible sur cette quinzaine de numéros US. Michael dessine chaque planche, chaque couverture avec son coeur et ça se sent : sa passion pour ce qu'il fait se transmet à travers ses dessins et il transcende l'univers marin comme jamais auparavant. Il y met tellement de lui qu'il dessine un numéro spécial entre Cannon (un des personnages masculins principaux) et son père qui n'est qu'une projection de lui-même et de son propre père, à qui on a diagnostiqué un cancer à la même période et avec qui il a lutté contre la maladie jusqu'au décès de son père.


Ce décès ne l'a pas abattu : il a continué de se battre contre le cancer et plus positif que jamais, il a décidé sur son lit d'hôpital de vouloir laisser sa trace en créant sa propre maison d'édition. Il donne alors naissance à Aspen MLT (pour Michael Layne Turner) qui virevolte pendant près d'un an, suite à des procès de Top-Cow estimant que Fathom lui appartenait.


Au final, un accord à l'amiable a pu être trouvé et Michael a pu conserver sa série. On entre alors dans ce que j'appelle l'âge d'argent :

- l'arc narratif appelé Fathom volume 1.5, faisant le lien entre le précédent volume et le nouveau à venir, dessiné par un autre. Cet arc présente un univers plus large autours de Fathom. Les humains et les bleu sont tous 2 issues d'une race plus ancienne, les ténébreux. La guerre humains / bleu est sur le point d'éclater et le personnage de Kiani apparaît.

- Michael Turner démarre une nouvelle série, Soulfire, menée par Grace, femme ailée évoluant dans un monde contemporain où la magie a disparu.

Le "trio" de Aspen MLT se dessine alors : Aspen, Kiani et Grace seront les 3 emblèmes du studio.

Ma fébrile impatience pour les numéros de Fathom se transforme en fébrile impatience pour les numéros de Soulfire dont Michael n'arrivera pas à terminer le premier arc (et qui sera fini par un autre).


Depuis son décès apparaît alors selon moi l'âge de bronze, qui débute par la sortie de quelques dessins inédits de Michael puis par des repompes de ses dessins colorisés encore et encore pour de nouvelles couvertures variantes et par des artistes sur les séries qui manquent parfois de génie, parfois d'inspiration, voir même cruellement des deux. Michael n'est plus là et ça se sent...

Mon intérêt s'estompe avec le temps et même si je suis prêt à continuer de suivre les VF (édité maintenant par Delcourt mais qui est sur le point d'abandonner la licence faute de public), je ne me vois pas courir après les VO disponibles en général que sur Paris, d'autant que les sorties restent chaotiques malgré un planning fixé à l'avance.


Comme vous pouvez le constater, difficile au final pour moi d'être objectif. J'ai conscience que nous ne sommes pas face à un chef d’œuvre du niveau de Watchmen, V for Vendetta ou autres grands comics ayant laissés une telle emprunte. La faute peut-être à un scénario tout-à-fait banal et très cinématographique (tout comme le découpage des planches). Tout est fait dans le comics pour avoir l'impression de regarder un film et si Michael y a mis tous les sujets qui le tenaient à cœur (le monde sous marin, la défense de la nature et des océans, etc...), il ne serait pas justifié de dire qu'il avait le talent narratif d'un Alan Moore par exemple.

Mais au-delà du comics et de ma situation vis-à-vis de ce comics, je pense que le personnage a presque autant compté que son œuvre. Très tôt diagnostiqué malade, il aura été suivi par des milliers de fans pas seulement pour ses planches mais aussi pour son combat face à la maladie, à la tragédie personnelle qui a voulu que son père souffre de la même maladie en même temps que lui et que celle-ci l'ait emporté presque devant ses yeux. Et son engagement personnel vis-à-vis d’œuvres caritatives réunissant des dons pour lutter contre les cancers et vis-à-vis de sa société et de ses fans qu'il essayait de combler en dépit de la situation en a fait un modèle de courage salué par tous.

En témoigne le comics "Michael Turner Tribute" où des dizaines d'artistes lui rendent hommage et au sitehttp://michaelturnershrine.com/, également hommage à l'artiste mais aussi à l'homme.


Attention, je ne remets pas son œuvre en question ou ne la masque pas derrière l'homme : ses dessins ont toujours été et sont toujours très appréciés par beaucoup de monde (en témoigne les prix actuels de ses dessins originaux et du nombre de contrefaçons que l'on trouve sur le marché). Avec des noms comme Marc Silvestri, Jim Lee, J. Scott Campbell ou David Finch, il aura été l'inspiration d'une nouvelle vague de dessinateurs qui commencent (ou continuent) à faire parler d'eux comme Talent Caldwell, Jason Fabok et tant d'autres. Ce style est avant tout reconnaissable par une précision assez poussée dans le dessin et par la multitude de détails dans les planches, créant une atmosphère particulière et maitrisée.


J'ai conscience d'avoir outrepassé Fathom dans cet avis mais ce sujet me touche tellement que je ne pouvais me concentrer sur cette œuvre seulement.
Encore aujourd'hui, Michael a un énorme impact sur ma vie de tous les jours : je relis ses comics, je ressens toujours un vide à l'idée qu'il n'y aura plus jamais d'inédits et ce, malgré les 5 ans qui nous séparent maintenant de son décès... Mon fils porte le nom de Matthews, à la fois comme un hommage mais aussi parce que nous cherchions un nom suffisamment original pour être unique et j'évolue au quotidien entre ses dessins et des statues inspirées de ses dessins. Son héritage reste donc très ancré en moi et je le vois souvent comme un grand frère qui m'a accompagné durant toute mon adolescence.

Malgré toute la part de moi que j'ai mis dans cet article, je ne peux conclure qu'en vous conseillant une chose : si vous ne connaissez pas Fathom, essayez de le découvrir au travers d'un ou deux numéros. Vous n'accrocherez peut-être pas mais si vous êtes un peu amateur de comics, vous saurez reconnaître non sans mal que vous avez devant les yeux quelque chose qui vous semble familier. Et pour cause, les artistes que Michael et les autres dessinateurs pré-cités auront inspirés dessinent aujourd'hui pour les grands studios comme Marvel ou DC et sur de grands titres tels que Batman, Superman, les X-Men, Spiderman, Iron-Man et j'en passe.



Quelques petites anecdotes :

- Michael Turner a, pendant un temps, séjourné dans la ville d'Aspen (réputée pour être une station de ski). Jeune et se destinant à des études de médecine, c'est là qu'il a décidé qu'il serait dessinateur. Son talent naturel lui a permi de se faire remarquer très rapidement et il donnera plus tard le nom d'Aspen à son héroïne. - Grace, de Soulfire, est le prénom de sa mère, Grace Crick, sculpteuse de renom et à qui on doit la sculpture du premier buste d'Aspen.

- un film Fathom était en chantier, avec Megan Fox dans la peau d'Aspen Matthews. Beaucoup se sont plaint de ce choix. Il faut savoir que Megan Fox était une amie de Michael Turner : suite à son décès, un ouvrage "Michael Turner Tribute" a été réalisé où tous les grands dessinateurs et amis dessinaient un hommage à Michael. Megan est la seule artiste qui ne dessine pas et qui a écrit un long mot dans cet ouvrage :
Elle était donc avant tout le premier choix de Michael Turner et une de ses grandes fans, comme en témoigne la photo ci-dessus. Et elle a rendu visite au studio Aspen MLT, comme le prouve cette photo d'elle avec Vince Hernandez (co-directeur d'Aspen Comics) et derrière, on peut voir Peter Steigerwald (le coloriste de Michael).

- un dessin animé appelé « Superman / Batman : Apocalypse » est tiré de l’arc que Michael Turner a dessiné pour DC voit Batman et Superman affronter le retour de Supergirl dans le run « The supergirl from Krypton » :

- le film Fathom a un temps été attaché à James Cameron, grand amoureux des océans et des fonds marins. Mais les divergences artistiques entre le studio et le réalisateur ont fait qu'il abandonna le projet pour réaliser Avatar. Je ne perds pas espoir qu'il soit réalisé un jour...

Créée

le 26 sept. 2014

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