Bien, bien, bien. Par où commencer. Là se trouve tout le problème avec cette lecture plus qu’originale. En intro on nous explique que Flex Mentallo fut un formidable succès outre atlantique, très vite totalement en rupture. Et pourtant ce n’est pas un personnage très connu. Et je dois bien être honnête je ne connaissais pas du tout. Urban Comics m’ayant enchanté sur toutes leurs publications Vertigo que j’ai pu lire jusqu’à maintenant, je n’ai pas hésité un seule seconde. A noter que Flex Mentallo est également la première collaboration entre Grant Morrison et Frank Quitely avant de nombreuses autres. Nou3, Batman et Robin, New X-Men ou encore All Star Superman.
Un homme en imperméable, dont le visage est mangé dans l'ombre d'un chapeau, lance une bombe dont l'explosion donne naissance à un univers sous forme d'un Big Bang, à moins que ce ne soit une marque bizarre sur une coquille d'oeuf, ou un croquis rapide de Flex Mentallo sur un bloc note, alors qu'il attend sa commande de hamburgers. C'est alors qu'apparaît l'homme en question dans le restaurant et qu'il jette une bombe. Dans son appartement, Wallace Sage est en train de téléphoner à une association d'écoute et d'aide, il vient d'avaler un mélange de médicaments et de drogues et il souhaite parler à quelqu'un de ses problèmes. Dans le cadre de son enquête Mentallo se rend au commissariat où un inspecteur prénommé Harry (avec un problème de poisson rouge nommé Peter) lui apprend que ces bombes sont posées par un groupuscule appelé Factory X. Voilà on est lancé et on se dit que l’on s’embarque pour quelque chose d’unique.

Flex Mentallo a déjà eut Grant Morrison comme scénariste, du temps de la Doom Patrol. Mais le personnage est beaucoup, beaucoup plus vieux. En effet sa création remonte à 1941 chez Manly Comics, donc en plein Âge d’Or des comics. C’est d’ailleurs un premier point de mon analyse, on a l’impression qu’à travers de ces quatre chapitres Morrison rend hommage et comics en remontant le temps passant de l’Âge d’Or à l’Âge d’Argent, en passant par l’Âge Sombre. On ne peut s’empêcher de penser que Morrison nous montre l’amour qu’il porte pour les années 40 et l’apparition des premiers comics. Où tout était plus simple, un méchant, un gentil, le gentil gagnait systématiquement.
Le fil rouge de cette saga est la relation particulière qui unit le scénariste à sa création. Ici Flex Mentallo à Wally Sage. Morrison se pose un nombre incalculable de questions sur ce lien entre créateur et création. La création peut-elle déborder sur la vie du créateur ? La création a-t-elle possibilité de choisir sa propre voie une fois créée ? Quelle part du créateur se trouve dans sa création ? Morrison se pose toutes ses questions à travers Wally Sage. Un Wally Sage complètement shooté par la drogue. Toutes ces questions défilent, se mélangent, se défont, se renouent dans un chaos le plus improbable. Sur certaines pages on se croirait en plein Ultra Heaven (manga sur les ravages de la drogue) ou en plein Blueberry (le film) où tout part en cacahuète. Et pourtant on s’accroche, on veut savoir nous aussi.
Le décor est planté est whaouh on pourrait déjà avoir mal à la tête (lol) Mais qu’en est-il de l’histoire en elle-même ? Et bien je dois bien avoué que Grant Morrison s’est lâché. Fausses pistes, rebondissements, surprises, coups tordus, chaos, multiples narrations saccadées. On sent que le monsieur s’est creusé la tête pour rendre son récit le plus complexe possible. Et c’est chose gagnée. Il mélange les époques sans donner d’indications, on se demande assez régulièrement quand se déroule se qu’on lit. Mélange d’époque, de temps, d’univers auquel se rajoutent les pensées et les délires de Wally Sage et on se retrouve on ne sait où. On a le plus grand mal à dénouer le vrai du faux, le réel du rêve, l’imagination du fantasme. Et alors que l’on lit les trois premiers chapitres en se demandant où on va, en se demandant si Grant Morrison sait ce qu’il veut, on se prend une grande claque dans le dernier chapitre. Un final magnifique.
Le gros plus de cette saga, en plus de l’esprit tordu de Morrison, ce sont les dessins de Franck Quitely. Et la chose évidente a du les frapper leur de cette première collaboration. Les mains de Quitely sont là pour coucher sur papier les pensées tordues de Morrison. Les deux hommes sont faits pour travailler ensemble. La mise en scène de Quitely colle parfaitement à l’histoire, il l’a complètement comprise. Et la moindre de ses cases fait mouche.
Bref c’est un chef d’œuvre. Comics intellectuel. Un trésor inestimable qu’Urban Comics a eu la bonne idée de ressortir et d’ainsi me permettre de découvrir. Ce n’est pas une lecture facile et ce n’est pas à mettre dans les mains de lecteurs néophytes. C’est le genre de bijou que tout amateur de comics se doit d’avoir chez lui et se doit d’avoir lu au moins une fois.
Romain_Bouvet
9
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Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Urban Comics est un ennemi de mon banquier!

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le 15 déc. 2013

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Romain Bouvet

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