Gunnm
8.1
Gunnm

Manga de Yukito Kishiro (1990)

Pour les garçons à partir de 15 ans.

 
 Gally. La femme de ma vie rêvée. La femme parfaite. Sans chair, et en métal. Que voulez-vous ? Pour ceux qui sont de la génération Goldorak comme moi, une fois devenus grands, on s’est sentis un peu orphelins. Et soudain, on a pris Gally sur la tête. Et ce fut le coup de foudre. Le Manga ultime, pour mangaka en manque. Le genre Cyber punk repoussée dans l’ultraviolence, jusqu’à ses pires retranchements. Ambiance glauque. Post Blade Runner, avec aucun espoir en vue. Lutter.


 Survivre, ou être recyclé. Tel est la règle du jeu. Un combat de chaque instant pour préserver ce qui reste, (si peu), d’humanité.


Le docteur Ido, trouve une tête dans une poubelle. Il lui donne un nouveau corps, une nouvelle vie. Il l’a baptise, Gally. Et il est  loin de se douter que cette petite chose au regard d’ange est une tueuse de la pire espèce. Une professionnelle du crime qui maîtrise le Panzer Kunst, art martial millénaire martien.
(Panzer Kunst ça sonne plus allemand que martien dans le texte, c’est vrai, mais c’est normal. On est dans un maga. Donc c’est pas grave.)


Gally, la gamine, a le corps de la poupée ambulante. C'est un phantasme masculin, cela va s’en dire. Kishiro fait des concessions à la culture Kawaii. Il est obsédé par la jeunesse, et a le culte de la performance. Il est  japonais, quoi. Et sa Gally, c’est une machine à tuer, certes, mais dans ce qu’il lui reste d’ADN, il subsiste un doute. Son amnésie, (astuce scénaristique), qui permet de la rendre plus humaine. Heureusement.


Qui-suis-je ?


C’est pas innocent comme question, dans un Manga pour adultes. Entre le sang qui gicle, les cervelles qui explosent, façon Ken le survivant. SPLASH !!... Quand notre sylphide de métal se déchaîne, ça déménage, et il faut l’avouer, beaucoup  liront la BD, et ne retiendront que ça. Et le trait hyperréaliste, virtuose, de main de maître de Kishiro. On s’en délecte. Impact maximum. Noir et blanc de circonstance. Aboutissement d’un genre.


Universalis pop, et synchrétisme nippon. Notre Manga ultime est  bourré de références, supposées ou avoués. Tellement que ça en devient facile de ne pas le remarquer. Certains sont de simples clin d’yeux, d’autres des citations absolues. Le Rollerball, Blade Runner, le Soleil Vert, les jeux du cirque, le film de gangster, le film fantastique, le film de monstres, le thriller, les combats de gladiateurs, etc. Une réflexion sur le post-humanisme, et le rapport homme-machine largement dépassé ici. Il n’y a plus vraiment d’humains, ils sont largement relégués au second plan. Un recyclage SF de haute tenue, à l’échelle de la saga elle-même, de neuf volumes.


Un monde fini où tout s’achète, et la corruption est sans limite. Un monde capitaliste poussé à bout, au nihilisme absolu, Nietzsche lui-même le renierait. Les « hommes » survivent dans une décharge, et rêvent de monter à Zalem, la ville lumière, qui plane au-dessus de la cité. Et comme par hasad, tous les habitants de Zalem sont blonds. Tout le monde, même Gally rêve. Même les machines rêvent, (en pure perte). La vile lumière qui puise ses ressources dans la décharge, et qui a droit de vie et de mort sur ceux d’en bas. Elle comptabilise, criminalise, sélectionne, élimine les éléments perturbateurs. Et la boucle est bouclée. Lutte des classes, Néo-marxisme. Et des combats chorégraphiés comme dans les meilleures productions Marvel, ou les meilleurs films de samurai. Á voir. Attention, quand même. Achtung !  C’est pour les lecteurs avertis. Comme le dit le guide du manga :


 « Pour les garçons à partir de 15 ans »


 Moi, je pense que les filles peuvent le lire aussi. Elles en ont vues d’autres, quand même. Un Manga pour garçons, avec pour héros une fille, battante comme dix mecs, ça vaut le coup d’œil. Le meilleur des deux mondes. Ni homme, mi femme. Au-delà. La femme idéale.


« Gally, Je t’aime. »


 Je l’aime surtout dans ses moments de faiblesses. Elle devient terriblement humaine. Humaine plus humaine. Plus humaine que tous les êtres de chair de la série, docteur Ido compris. Et puis c’est  le combat de trop, la défaite de trop. La trahison de trop. On l’a trahit beaucoup. Elle perd beaucoup d’amis, de monde. Elle baisse les bras. Et c’est la fin. Gunnm c’est un parcours initiatique. Le passage de l’enfance de l’art (de la guerre), à l’âge adulte de la petite Gally, femme-machine au cœur d’or. Comme quoi un cœur de métal peut cacher bien des surprises, et notre guerrière à  beaucoup à apprendre. Chaque combat l’endurcit. Elle ressort de chaque défaite plus forte. Bientôt elle n’aura plus confiance en personne. Car ceux qui t’aiment seront amenés à te trahir, ou mourir. Métaphore de la vie ? Gunnm. Peut-être.
Découvrir l’amour, le deuil, la trahison. Tout ce qui fait le monde.


Trouver sa voie, se tromper, s’émanciper de son « père » adoptif. C'est bandant par sa violence graphique, et étonnant par sa cruauté anticipatrice. Manga en forme de chute, et dystopie autoréalisatirce, avec les rebondissements, et l’action qui vont avec. Un cauchemar. Must have « littéraire », digne des meilleurs romans de SF jeunesse. On dévore les neufs volumes comme un mort de faim, même adulte.


Jusqu’aux volumes  6 ou 5, ça va. Après ça stagne un peu. On se retrouve un peu dans Rambo3 ou je ne sais quoi…baston bis répétita. Puis elle trouve l’homme de sa vie, être de chair et de sang, piètre combattant, tout à fait banal. Son antithèse. Elle mérite mieux que ce minable !? Qu’est-ce qu’il me fait là, Kishiro ? Ou peut-être que je suis amoureux. C'est fou.
Gally c’est nous. C’est elle, et moi. Éternellement jeune. C’est Rémi sans famille, qui erre, incapable de toute relation. Imperméable à la mort, elle change de corps, comme on peut changer de chemise, et sa quête d’identité devient un parcours de vie tout simplement. Son refus du déterminisme, l’a grandit. Et son destin n’est plus celui d’une machine.


Par son refus de l’injustice, de la décharge, de la mort, (qu’elle donne sans pitié quand il le faut), son refus du mensonge. Romantique, fille de métal. En plus, elle est fidèle en amour. Elle me plaît. Allez, je me lance :


« Gally, je te veux. Épouse-moi. »


Et soudain, voilà que notre Manga atteint des sommets. Ça repart, et on monte en l’air. Même la mort ne sera plus vue de la même façon après ça. Après le cybermonde sanglant, et les derniers tomes, c’est direction le mont Olympe. Énorme ! Le secret est  révélé. Le destin de l’humanité se cachait derrière. Derrière les spéculations, l’amnésie, et la maîtrise du Panzer Kunst, il y a plus. Malgré le creux, du milieu de la saga, c’est  le chef d’œuvre. Ce n’était que le temps faible, d’une suite en neuf actes, un rebond, et une conclusion qui vaut un sacré coup d’œil.


 Définitivement un, si ce n’est  mon manga favori.


PS : Attendez une minute ? Qu’est-ce que j’apprends ? James Cameron a acquis les droits de la BD, et compte faire une adaptation ? Oh non, pas ça ! Touche pas à Gunnm, James, t’es pas assez fort pour ça. Heureusement, il aurait d’autres projets en cours, et laisse tomber pour l’instant. Ouf !


Mais Cameron qui n’en rate pas une, aurait l’intention de passer le projet à son copain Robert Grindhouse Rodriguez. Rodriguez qui adapte Gunnm ?


Oh non ! Tout mais pas ça ! Pas ça !   

Angie_Eklespri
10
Écrit par

Créée

le 10 août 2017

Critique lue 506 fois

2 j'aime

Angie_Eklespri

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