Le problème d'un recueil, c'est que forcément, ça varie, on a du bon, du très bon, du moyen et du mauvais ... L'idée de base était relativement séduisante, encore que ... Demander à 8 auteurs japonais et 9 auteurs français (dont un duo) de faire chacun une histoire courte sur le Japon, est ce vraiment intéressant, n'est ce pas une façon de surfer sur la vague de la Japon-mania ? Ou est ce que ça a pour but, comme le veut Frédéric Boilet, de nous permettre de mieux comprendre ce pays ? Une fois lu, on comprend rapidement que c'est le second point grâce à certaines histoire, à la fois très centré sur soi-même mais aussi sur le pays.
Donc, comme je l'ai annoncé, il y a du bon et du très bon. Kan Takahama, qui ouvre les hostilité a fait une des meilleurs (si ce n'est) la meilleure œuvre de ce recueil. Son style, un des rare à être original au Japon et non marqué par Osamu Tezuka, est empli de poésie et de douceur. Son histoire, douce, facile à comprendre, sensible, avec une pointe d'historicité, est un moment de poésie. On est donc plutôt joyeux de commencer avec cet auteur.
Dans la suite, la Porte d'entré de David Prudhomme est assez sympa à lire, un peu spécial et bien agréable. Kankichi de Taiyo Matsumoto est assez simpliste, pas des plus passionnante mais se laisse lire. Idem pour Le Tournesol de Little Fish, qui sans être bon, n'est pas non plus mauvais, mais juste assez peu intéressant. Le Chant des Grillons de Moyoko Anno est dans la même tonalité, pas révolutionnaire et peu passionnant.
Globalement on a donc du moyen (je parlerai des histoires restantes après), on a même quelques histoires que je juge "mauvaises". Le duo François Schuiten & Benoît Peeters ainsi qu'Emmanuel Guibert nous offrent chacun des histoires plus proche de la nouvelle illustrée que de la bande-dessinée proprement parlé. Les histoires sont certes pas trop mauvaise, mais un recueil de BD avec des auteurs qui ne font pas de la BD ... Bien sur, on pourra me rétorquer que peut être ai-je une vision trop fermée de la BD ? Je ne pense pas, vraiment pas du tout, mais là, on est vraiment à sa limite, je vous invite à le lire pour vous faire une idée. Ca me semble être "une BD" car c'est dans un recueil de Bande-dessiné, mais en dehors de cela, elle aurait parut être de la littérature illustrée.
Bon sinon, on a du Taniguchi, une sorte de génie reconnu pour le calme et la poésie de ses histoires, emplie d'une simplicité réaliste mais si touchante. Donc forcément, le livre gagne des points juste pour ça.
En total opposé à lui, on a Aurélia Aurita, on peut ne pas aimer le style d'écriture de l'auteur, ses histoires, souvent à la limite de l'égo-centrisme et des réflexions d'adolescentes peuvent agacer. Pourtant je trouve une grande sincérité dans sa façon de faire, de la même façon, en quelques coup de crayon elle nous amène dans son univers, ses dessins se mariant à ses histoires simplement, sa narration nous envoutant et ses personnages se révélant bizarrement sensuel. Je ne suis pas toujours son plus grand fan, parfois je suis un détracteur de cet auteur, mais là, c'est vraiment une belle œuvre qu'elle nous a pondu.
Bon, je me sens obligé de parler de Frédéric Boilet, qui nous amène ici une oeuvre ... Ba, honnêtement assez bof, pas génial, on voit des vue de Tokyo et voilà quoi. Il nous parle (ou nous laisse sous-entendre) d'Anita justement. Un brin de vulgarité qui cache une légère déclaration d'amour... Moui moui moui, dommage que le meneur du projet n'ait pas fait mieux que ça.
Les Nouveaux Dieux de Nicolas de Crécy est une excellente surprise, dans le délire style "cafouilli" ça se pose, très gamin dans la réalisation, ça se révèle intéressant, passionnant malgré une difficulté manifeste à avoir de l'empathie pour qui que ce soit d'autres que le narrateur. Là encore une bonne découverte, le concept est agréable à lire, assez surprenant mais très sympa.
Un peu dans la même veine, Joan Sfar fait ici une oeuvre géniale, d'un cynisme particulièrement réaliste. C'est la seule BD à ne pas porter le Japon dans son coeur, on veut briser les rêves en nous montrant l'horrible vérité d'un pays qui s'écroule sous le poids de sa tradition, où l'apparence est plus important que l'être, ou le seul désir est de briller avant de s'éteindre. Un pays aux rêves éphémères. Un de mes coup de cœur car ça nous ouvre vraiment les portes du Japon.
Comme Kazuichi Hanawa qui nous ouvre les porte de sa "forêt profonde". Et hop, on découvre les temples bouddhistes japonais ! Pour ceux qui veulent plus de tradition, Daisuké Igarashi nous fait découvrir "la fête des chevaux-grelot" ! Sérieusement, pourquoi tout le monde n'a pas fait comme eux ? Des histoires simples, courtes, intéressantes et qui sont totalement lié dans l'immersion au Japon. Une immersion totale dans "La Cité des Arbres" de Fabrice Neaud. Le dessinateur français nous montre, de façon auto-biographique, son voyage au Japon. Faire un journal BD est toujours très dur, on doit à la fois être subjectif mais laisser éclater une part d'objectivité, on doit être sincère sans être exhibitionniste. Paris réussie pour Neaud.
Enfin le livre se termine avec la très belle histoire d'Etienne Davodeau, sur le Japon et l'histoire insolite d'un vieil homme. Bien raconté et un dessin agréable en prime.
Globalement il y a peu d'histoire "mauvaise", il y a du très bon, et du moyen, même si globalement ça tire vers le haut.
L'amour de Bande-dessiné sera heureux de voir tant de style et tant d'auteurs, les autres pourront ne pas accrocher facilement à tant d'histoire courte. Globalement les recueils collectifs manquent d'unité, et c'est le cas pour celui-ci aussi.
