Si la popularité de la plus célèbre famille monstrueusement tendre est toujours vivace, comme en témoigne la sortie prochaine de la série Mercredi par Tim Burton en cette fin 2022, il n’est pas inutile de rappeler que si les Addams sont célèbres pour leurs aventures sur écrans, ils sont nés sur le papier.


Retour en arrière... Avant cette nouvelle série de Tim Burton, avant les films animés de Greg Tiernan et Conrad Vernon, ceux en prises de vues réelles par Barry Sonnenfeld, avant la série fondatrice sur ABC, pour ne citer que les plus éminentes adaptations, la Famille Addams fit ses premiers pas dans la célèbre revue américaine The New Yorker, composée d'articles de fonds et d'illustrations.


Charles Addams, ou de son nom de plume Chas Addams, réalisa ainsi pendant plusieurs décennies différentes illustrations en pleine page présentant une famille à l’incongruité loufoquement morbide, vivant dans un vieux manoir décrépi, à l’humour noir mais rarement méchant. Les Addams vivent leur vie, à leur façon, loin de la lumière et des projecteurs. Moins confrontés au monde extérieur leurs valeurs différents surprennent bien des témoins mais qu’importe pour eux, ils vivent ensemble, dans leur petit bulle grise. Un quotidien où le majordome se fait réprimander pour avoir oublié les yeux de tritons pour le repas lors des courses, où les enfants reviennent du camp de vacances en cages, quand ils n’attendent pas avec impatience la venue du père Noël… En allumant la cheminée sous les yeux attendris de leurs parents.


Fidèle à une certaine tradition de l’illustration, ces dessins sont proposés en pleine page, sur une seule composition, toutes en nuances de grises, au pinceau visiblement. Chas Addams joue à merveille avec l’espace qui lui est offert, pour positionner ses personnages dans les décors lugubres, délabrés et poussiéreux de leur manoir, dans l’esprit de ces vieilles maisons victoriennes et autres constructions d’un autre temps. Un autre monde, peu perméable à celui des « vivants », aux compositions presque statiques et à l’humour froid et décalé, il y a un petit frisson glaçant qui parcourt les pages, pas du tout déplaisant.


Une sélection de ces dessins et autres inédits sont réunis pour la première fois en France en 2016, qui a longtemps eu un temps de retard sur la licence (la série américaine des années 1960 n’a été diffusée que 20 ans plus tard sur nos écrans). Voici donc avec La Famille Addams, à l’origine du mythe, une bonne occasion de découvrir justement les bases. Avec de nombreuses surprises, car cette famille s'est crée au fur et à mesure des années, sans logique prédéfinie. Chaz Addams a plusieurs fois utilisé ces personnages parfois séparément ou dans d'autres versions dans ses nombreuses illustrations pour le New Yorker avant qu’il ne les réunissent au sein d’une même famille. C’est pour la production de la série des années 1960 que l’ensemble allait être un peu plus organisé. Ils allaient même maintenant avoir un nom, n’étant alors que des personnages vivant leur vie sans besoin d’être nommés. Sans grande imagination, les créateurs de la série utilisèrent le nom de Charles Addams pour que ces planches et cette série deviennent la « Famille Addams », et après tout, pourquoi pas, car il s’agissait bien de ses enfants, ces petites créatures de papiers.


L’ouvrage présente les différents personnages, avec les prénoms voulus par Chaz Addams à la demande de la chaîne, avec une petite présentation tels qu’il les voyaient. Le tout est accompagné de nombreux dessins inédits ou de brouillons, qui permettent, à grands coups de crayons de charbon (noir, évidemment) d’enrichir l’univers de la famille. Chacun des personnages a donc droit à son chapitre, Morticia inaugurant l’ouvrage, car c’est elle, en tout cas une de ses premières versions, qui apparut en premier, en 1938. C’est alors elle la matriarche de la famille, calme et posée, face à son mari Gomez arrivé plus tard et plus en retrait. Leur relation passionnée sera une création de la série de 1964, parmi d'autres, bien obligée de donner du « corps » à ces quelques illustrations.


Mercredi est ainsi une jeune fille plus sage, distante voire craintive, à l’innocence toute relative quand il faut se mettre aux farces, souvent de concert avec son frère Pugsley (Chaz Addams voulait le baptiser Pubert soit Puberté en français, ce qui fut refusé, le nom sera repris en clin d’oeil dans Les Valeurs de la Famille Addams). Petit garçon turbulent, aux farces prêtes à tourner à la catastrophe. Le majordome Lurch, l’oncle Fétide et la grand-mère restent assez proches des personnages tels qu’on les connaît. C’est plus surprenant de découvrir que la Chose n’était alors pas une main baladeuse ou que le cousin Machin est quasiment absent des créations de Chas Addams, contrairement à d’autres créatures qui elles ne feront pas le chemin vers les adaptations.


Il est donc assez amusant de découvrir ces origines, qui se sont construites progressivement avant d’avoir un ensemble cohérent et regroupé ensemble, que la série va aider à consolider et à créer de nouvelles représentations. D’autres adaptations reprendront parfois des éléments de ces illustrations, à l’image des films animés qui réutiliseront fidèlement les designs de Chaz Addams. Et même si ces illustrations, à l’humour froid et incongru, hors du temps avec son morbide sans âge et taquin, restent de grande qualité, grâce à la personnalité et au trait de Chaz Addams, il faut reconnaître que ces adaptations ont, pour la plupart, été de belles réussites, qui n’ont pas trahi l’œuvre originale tout en apportant de nouveaux éléments.

SimplySmackkk
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le 28 oct. 2022

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