Ce tome est le dernier de la série et il faut avoir commencé par le premier : Invincible T24: La Fin de tout (1re partie) (épisodes 1 à 4) Il comprend les épisodes 139 à 144, initialement parus en 2017, écrits par Robert Kirkman, dessinés par Ryan Ottley (épisodes 139 à 143, et première moitié de l'épisode 144), et par Cory Walker (deuxième moitié de l'épisode 144), et encrés par Mark Morales (é139, é141 à 144), Ryan Ottley (é140), Cory Walker (deuxième moitié de l'épisode 144), mis en couleurs par Nathan Fairbairn.


Invincible et Atom Eve contemplent avec horreur le cadavre de celui que Thargg vient d'éventrer sous leurs yeux dans l'espace. Contre l'avis d'Invincible, elle sort dans l'espace pour aller récupérer le corps. De son côté, dans le vide de l'espace, Mark se défend de son mieux contre les enfants de Thragg et va s'en prendre à ce dernier. Leur empoignade est interrompue par l'arrivée d'un énorme missile duquel émerge Rex dans une armure titanesque. Allen finit par se rendre compte de la mort d'un de ses compagnons d'arme et se dirige vers le cadavre. C'est Kregg qui le remplace pour continuer le combat contre Ursaal. Sapce Racer va prêter main forte à Thresha. Anissa intervient pour écarter les Rognarrs d'Atom Eve. Ursaal observe ces comportements avec un réel étonnement, car elle n'est pas accoutumée à la notion d'entraide. Le combat continue de faire rage et les gouttelettes de sang dérivent dans l'espace. Le duel a bien lieu entre Invincible et Thragg. Puis vient le temps de s'occuper du problème du dictateur bienfaiteur de la Terre.


Le lecteur hésite à entamer ce dernier tome : il sait qu'il sera excellent, mais ce qui le retient est qu'il n'y en aura pas d'autre après. C'est un déchirement de savoir que c'est la dernière dose : le sevrage va être très douloureux. Il sait que ça va être très bon car l'auteur a choisi de consacrer une année entière de parution à la fin de sa série : 12 épisodes. Le tome précédent correspondait donc à la première moitié de cette fin, et il était extraordinaire. Celui-ci l'est tout autant. Le lecteur exulte : Robert Kirkman raconte la fin de son histoire, et il apporte une conclusion pleinement satisfaisante à la fois au conflit contre Thargg, à la fois à la situation sur Terre. Il ne triche pas : il prend le temps de développer ces 2 fils narratifs dans le menu détail, et sans traîner. Le duel entre Invincible et Thragg se déroule sur 17 pages, sans superflu, sans longueur. Comme dans les 6 épisodes précédents, le scénariste se montre particulièrement exigeant envers les dessinateurs. C'est à nouveau Ryan Ottley qui porte la plus grosse part de la narration visuelle. Le lecteur retrouve avec plaisir celui qui a remplacé l'artiste originel, à partir de l'épisode 8, et illustré 127 épisodes sur 144. Il est en tout aussi bonne forme que pour les 6 épisodes précédents et réussit toutes les scènes avec panache et entrain.


Le combat initial dans l'espace est sanguinolent à souhait, avec des images gore en cohérence avec les combats précédents de la série. Le lecteur peut estimer que cette violence visuelle tangente la complaisance, mais d'un autre côté les conséquences restent présentes pendant plusieurs pages, voire plus épisodes. Elle reflète donc également le niveau de puissance des personnages et leur intense motivation émotionnelle, la force de leurs convictions personnelles. Le duel au soleil entre Mark et Thragg est ahurissant de sauvagerie, accompagnant les réflexions des deux ennemis tout du long. Scénariste et dessinateur se complètent parfaitement pour un combat physique qui est l'expression du combat émotionnel et de principe qui anime les 2 antagonistes. Le combat suivant sur Terre est tout aussi impressionnant, avec à nouveau un nombre de personnages à représenter, qui aurait terrassé un dessinateur moins solide. Ryan Ottley est formidable comme à son habitude : la conception des plans de prise de vue, l'expressivité des personnages, le jeu des acteurs, les costumes, les décors. Le lecteur se régale du début jusqu'à la fin, en faisant des efforts surhumains (et voués à l'échec) pour essayer de ne pas tourner les pages trop vite, afin de mieux savourer la narration visuelle.


Cory Walker est de retour pour les 24 dernières pages du dernier épisode. Le lecteur ne peut qu'apprécier la fidélité de Kirkman qui permet au dessinateur originel de revenir pour boucler la boucle, pour les dernières de la série qu'il a cocréée. Les dessins de Walker ne dégagent pas autant d'entrain et de force que ceux d'Ottley, mais les pages racontent l'histoire de manière entraînante et claire. Bien évidemment les passages visuellement mémorables sont légion : du combat dans l'espace entre deux armées, aux adieux déchirants à un personnage sur son lit de mort, en passant par la première rencontre avec Marky ou encore deux pages en vis-à-vis comprenant chacune 3 cases verticales, montrant Terra grandir au fil des années. Robert Kirkman en donne tout autant pour son argent que les dessinateurs. Il a donc conçu le dernier chapitre de son récit à l'échelle de 12 épisodes, soit un an de publication. Le lecteur assiste à la résolution des 2 conflits majeurs qu'il attendait, puis découvre l'épilogue. Il s'agit bien de conclure la série, de dire adieu aux personnages, mais pas sous la forme d'un épilogue alangui au rythme nonchalant ou triste et périe de nostalgie : le rythme reste soutenu jusqu'à la fin. Le scénariste montre l'évolution de diverses situations secondaires, du sort de la Terre, du sort des viltrumites, et bien sûr de la suite de la vie des principaux personnages.


Par la force des choses, le scénariste ne peut pas caser tous les personnages mémorables de la série, même pas ceux encore en vie. Le lecteur est touché de revoir une dernière fois Art Rosenbaum. Il regrettera forcément de ne pas revoir tel ou tel personnage qui lui avait plus parlé, comme April (la tutrice d'Oliver) ou le groupe d'individus qui vénèrent le sac de détritus lancé par Mark. En revanche, il est aux anges de savoir comment Mark Grayson et les autres personnages principaux s'en tirent par la suite. Les auteurs en montrent assez pour que le lecteur finisse ce dernier tome avec un sentiment de satiété, sans se sentir écœuré. C'est à nouveau une preuve patente du talent de Kirkman d'avoir aussi bien dosé son chapitre final. Il aborde une dernière fois les thèmes principaux de la série : la relation entre parents et enfants, le fait que Mark Grayson ne soit pas un héros, le respect de chaque être à décider de sa vie, la nature de la responsabilité qui vient avec un grand pouvoir, les contraintes générées par cette responsabilité. Comme dans la série The Walking Dead dans le genre Zombies, l'auteur sait utiliser les conventions de genre des superhéros sans les tourner en dérision, tout en les mettant à profit de son œuvre. Il a également fait en sorte de ne jamais se répéter, d'aller de l'avant sans revenir à un statu quo tiède et facile.


En repensant au premier tome de la série, le lecteur mesure tout le chemin parcouru par Mark Grayson depuis la découverte de ses pouvoirs, ainsi que celui parcouru par les autres personnages de la série. Au fur et à mesure que les années passent pour Mark, il prend conscience qu'il lui faut envisager la notion de (super)héros avec un regard plus adulte. Pour autant, il ne tourne pas en dérision son rôle d'Invincible, il ne devient pas condescendant vis-à-vis du concept de superhéros. Cette évolution est remarquable dans le sens où l'auteur n'adopte ni un regard cynique, ni n'opère une révision fondamentale de la notion de superhéros. Il continue plutôt de construire sur cette fondation, sans éprouver le besoin de tout détruire. Le lecteur le ressent comme une reconnaissance d'un stade de développement faisant partie intégrante du personnage et de l'auteur, ayant contribué positivement à sa construction et qu'il n'y pas de raison de renier ou de railler. Robert Kirkman a lu des comics de superhéros, il a été un geek, et il n'y a pas de honte à ça, même lorsqu'on est adulte et auteur à succès.


C'est trop dur : cette série n'aurait jamais dû avoir de fin, pas si vite. Tout est relatif : le premier épisode est paru en 2003 et le dernier en février 2018, soit 15 ans d'existence. La qualité a été au rendez-vous dès le départ, et la série a gagné en consistance pour atteindre un niveau remarquable dès la fin de la première année, et ne jamais connaître de bas. Le lecteur ne peut que s'incliner devant une réussite extraordinaire, et reconnaître que les auteurs ont fait le bon choix : arrêter plutôt que de diluer et de tirer à la ligne. Cette fin est à la hauteur de la série, avec un épilogue soigné et réussi. C'est un réel déchirement que de devoir se séparer ainsi de Mark Grayson et de tous les autres personnages (encore vivants) car ils ont été présents dans le cœur du lecteur pendant 144 épisodes, soit plus de 2.800 pages. C'est un vrai bonheur que de découvrir la résolution des principaux conflits, de voir comment Mark Grayson assume les responsabilités que lui confèrent ses pouvoirs, et d'avoir la certitude que la série ne court plus aucun risque de voir sa qualité chuter. Une réussite exceptionnelle.

Presence
10
Écrit par

Créée

le 12 sept. 2020

Critique lue 922 fois

2 j'aime

Presence

Écrit par

Critique lue 922 fois

2

Du même critique

La Nuit
Presence
9

Viscéral, expérience de lecture totale

Il s'agit d'une histoire complète en 1 tome, initialement publiée en 1976, après une sérialisation dans le mensuel Rock & Folk. Elle a été entièrement réalisée par Philippe Druillet, scénario,...

le 9 févr. 2019

10 j'aime