Toujours difficile de juger un premier album surtout quand – comme c’est le cas de ce premier volume de « Thorgal » – il a d'abord été pensé pour exister en tant que feuilleton.


Car en effet , à la base, cette « Magicienne trahie » c'est cinq épisodes de six planches publiées à partir de mars 1977 dans le « Journal de Tintin », ceux-ci n'ayant été compilés en album que trois ans plus tard. Et forcément, ça se ressent.


Malgré ça, le trait de l' « alors-inconnu » Grzegorz Rosinski est déjà magnifique (très dense et très expressif, comme je les aime) même si en termes de couleur le résultat est bien plus fade, sûrement à cause des contraintes du support initial.


L'intrigue elle aussi subit en partie le découpage d'origine puisque les transitions sont palpables (quand bien même fonctionnent-elles convenablement).
D'ailleurs dans les faits, cette « Magicienne trahie » ne contient pas une mais en fait deux intrigues totalement distinctes, ce qui pourra en surprendre plus d'un.
Moi en tout cas, lors de ma découverte de cet album il y a vingt ans, ça m'a clairement déstabilisé au point que mon plaisir en fut bridé.


Parce qu’en plus de cela, il faut quand même bien reconnaître qu'il n'est pas forcément évident de prendre ses repères dans ce début des aventures de « Thorgal ».
Nains, géants, sorcières, hautes technologies : franchement, il y a à la fois à boire et à manger et, pour quelqu’un comme moi qui aime bien qu’on lui fixe un cadre précis dès le départ d’une intrigue, j'avoue que dans un premier temps ça m’a un peu laissé sceptique, surtout quand je me suis retrouvé avec l’arrivée surprise de ce deuxième épisode qui surgit là comme ça sans prévenir.


Alors d'accord c’est riche, mais d’un autre côté je dois bien avouer qu’à ce stade de lecture, ça fait un peu foire à la saucisse tant tous les coups semblent permis, surtout les plus fantasques.
Vous allez me répondre à cela que, d’un autre côté, la saga revendique ouvertement son aspect fantastique. Soit.
Mais bon d’un autre côté on a aussi le droit de ne pas trop apprécier ce genre (comme c’est mon cas) justement parce qu’il ne parvient pas à baliser suffisamment rigoureusement le champ des possibles.


Et pourtant, malgré tous ces reproches, je mets donc une note de 7/10.
Mais pourquoi donc ?
Bah tout simplement parce que, malgré les réserves de la première lecture, je dois bien avouer que quinze ans plus tard – à la seconde lecture – je ne peux m’empêcher de voir tout ce que cet album met déjà en place par rapport à l’intrigue qu’il va développer.
Or, quand on sait ce que va devenir la saga « Thorgal », ça séduit forcément davantage.


Concernant le premier épisode (« la magicienne trahie »), le récit sait assez bien tirer les bénéfices de son format court, parvenant se faire dense, habilement lancé d’ailleurs par un « in medias res » que je trouve très efficace.
Pas de temps morts ; beaucoup d’éléments de posés ; un hameçonnage efficace…
Et puis même si cette deuxième histoire (« Presque le paradis ») enchaîne un peu brusquement sans rapport aucun avec la première intrigue, je dois reconnaître que malgré tout, en elle-même, elle se révèle également très efficace, sachant elle aussi tirer parti de son format court, tout en parvenant encore davantage à poser les bases qui vont faire la force de l’univers « Thorgal ».
(Je pense notamment à ce ton assez cru, rude et froid comme peuvent l’être ces terres nordiques, mais qui n’en dégage pas moins une étrange féérie morbide pour le coup vraiment envoûtante.)


Bref, à bien tout prendre, voilà quand même une belle et bonne expérience que ce premier opus qui, ne l’oublions pas, a aujourd’hui (en 2017) déjà 40 ans…
Comme quoi le temps passe, mais les bonnes choses savent rester, quel qu'en fut leur support d'origine…

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le 21 janv. 2018

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