La Mort vivante
6.7
La Mort vivante

BD franco-belge de Olivier Vatine et Alberto Varanda (2018)

Une plongée gothique dans l'art novateur d'Alberto Varanda

Deux éditions de l'album sont sorties en simultané, l'édition normale colorisée (très légèrement) par Vatine avec l'assistance de la grande Isabelle Rabarot et une édition grand format n&b avec un cahier graphique de 16 p. Après lecture je ne saurais dire si le n&b est à préférer, je n'en suis pas certain tant la colorisation écrase sans doute un peu les encrages mais reste très légère et rehausse en revanche certaines cases peu dessinées. Le principal argument de l'édition spéciale restera sans doute le cahier graphique et le grand format (mais n'ayant eu sous la main que la première je ne saurais confirmer). L'album a un vernis sélectif sur le titre et des sections de la quatrième de couverture.


La Terre après une contamination ayant poussé l'humanité à fuir vers Mars et les astéroïdes du système solaire. Tout ce qui a trait à l’ancienne Terre est prohibé, laissant la place à un juteux marché d'antiquités, au premier chef desquels les livres. Martha voit sa fille mourir accidentellement lors d'une fouille et fait appel à un grand scientifique pour l'aider dans un projet très personnel et terrifiant...


Si un album a été attendu c'est bien celui ci! Cinq ans après le troisième tome d'Elixirs, la série fantasy qu'il dessine dans le monde d'Arleston, le virtuose Alberto Varanda dont on a pris l'habitude à imaginer le nombre d'heures passées devant chaque case d'une minutie délirante revient avec une nouvelle adaptation d'un roman de Stefan Wul, le dada d'Olivier Vatine depuis quelques années et son assez réussi triptyque Niourk. Pour le coup l'éditeur Comix Buro (en co-édition avec Glénat) a abandonné la ligne graphique de la collection pour offrir un ouvrage qui se veut une pièce de choix dans votre bibliothèque. L'évènement éditorial est donc reconnu (seule chose étonnante, la date de sortie...) et pour cause, les 68 planches sont, sans aucune exception, à tomber. C'est donc la première réussite de l'album, qui n'était pourtant pas évidente du fait de la nouvelle technique utilisée par l'auteur pour cet album. Varanda expérimente beaucoup depuis de nombreuses années, la sculpture, la peinture, et ici une simili gravure qui vise à rappeler Gustave Doré ou à Gary Gianni par moments. Son trait hachuré pourra vous sembler forcé, inadapté. Pourtant c'est bien le regard global de la case et de la planche qu'il faut privilégier. L’œil incrédule découvre alors des textures, des atmosphères uniques qui ne s'expliquent pas. Pourtant Varanda est un maître des contrastes et personnellement je craignais de perdre ces encrages très forts qui font la qualité de ses dessins. Alors oui, le style connu depuis Bloodlines ou Paradis Perdu a changé, plus doux, plus fort aussi. L'ambiance gothique de château isolé dans la montagne enneigée est absolument magnifique. L'ouvrage est tout simplement une œuvre d'art.


Vient alors le scénario, élément qui n'est pas forcément le point fort de la biblio d'Alberto Varanda. Vatine avait montré sur Niourk sa qualité de narration (personnellement j'ai été assez réservé sur son Angela). Il propose ici une histoire de docteur Frankenstein, teintée d'une mélancolie qui colle bien à cette ambiance. On apprécie autant l'effort important de contextualisation de cet univers SF qu'on regrettera d'en savoir finalement si peu. Cette histoire aurait en effet pu se dérouler sur au moins deux tomes... en se heurtant à une impossibilité: il aurait fallu attendre cinq ans de plus pour que le maître réalise un autre album et il aurait été totalement invendable de refiler un autre volume à un illustrateur différent. Bref, il est vrai que la chute de l'histoire peut sembler brutale, trop rapide. Pourtant avec une telle pagination, on ne peut attendre à la fois des planches contemplatives, un rythme captivant et une histoire qui s'étire. J'ai trouvé la conclusion, si ce n'est extrêmement originale, très convaincante et cohérente. En outre, je ne connais pas l'ouvrage de Wul et ne sait dans quelle mesure les auteurs s'en sont éloigné. Le problème des adaptations...


Je finirais cette chronique en disant que pour moi l'attente a été totalement récompensée, associée à une réelle surprise, aussi grande qu'une inquiétude réelle d'être déçu. Courez dévorer ces dessins sublimes, plongez dans cette ambiance sombre et mélodieuse et surtout, si vous ne connaissiez par Albeto Varanda, dépêchez-vous de rattraper votre retard!


Lire sur le blog:
https://etagereimaginaire.wordpress.com/2018/09/05/la-mort-vivante

Etagèreimaginaire
9

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.

Créée

le 5 sept. 2018

Critique lue 389 fois

4 j'aime

Critique lue 389 fois

4

D'autres avis sur La Mort vivante

La Mort vivante
Etagèreimaginaire
9

Une plongée gothique dans l'art novateur d'Alberto Varanda

Deux éditions de l'album sont sorties en simultané, l'édition normale colorisée (très légèrement) par Vatine avec l'assistance de la grande Isabelle Rabarot et une édition grand format n&b avec...

le 5 sept. 2018

4 j'aime

La Mort vivante
RodySansei
4

La 2ème moitié gâche tout

Excellente première moitié, puis un gros vide scénaristique rend la deuxième moitié curieuse et inintéressante. Dommage, c'eut pu être bien, et ça tombe finalement à plat. Graphiquement, c'est en...

le 30 août 2018

4 j'aime

La Mort vivante
Kab
7

Critique de La Mort vivante par Kab

Retour en force de Varanda. Si le scénario de Vatine est sympa, mais un peu léger, la vraie force de cette BD c'est le dessin de Varanda. Ce dernier sort une perf de foliche. J'ai pensé à Bernie...

Par

le 3 sept. 2018

3 j'aime

Du même critique

Tsugumi Project, tome 1
Etagèreimaginaire
7

Qui est la fille aux pattes d'oiseau?

Démarrant rarement une nouvelle série avant sa clôture (j'évite les longues séries Manga), je me suis néanmoins laissé tenter par ce Tsugumi project à la couverture très réussie et intrigante. A lire...

le 29 août 2019

4 j'aime

La Mort vivante
Etagèreimaginaire
9

Une plongée gothique dans l'art novateur d'Alberto Varanda

Deux éditions de l'album sont sorties en simultané, l'édition normale colorisée (très légèrement) par Vatine avec l'assistance de la grande Isabelle Rabarot et une édition grand format n&b avec...

le 5 sept. 2018

4 j'aime