Le singe est-il vraiment le primate de l'histoire ?

Le singe de Hartlepool, c'est l'histoire de deux naufrages.
Celui d'un navire français aux larges des côtes anglaises et celui de l'innocence sur les écueils impitoyables de la bêtise humaine.

Inspiré d'une légende anglaise, le singe de Hartlepool est une fable qui nous plonge dans l'histoire de ce singe qui s'échoue dans un village anglais. Aveuglés par leur haine et leur ignorance, trompés par l'uniforme de soldat Français que porte le singe, les habitants d'Hartlepool décident de juger le pauvre singe comme s'il était le pire criminel de guerre qui soit.

La finesse d'écriture de Lupano (déjà responsable d'excellents albums dont la trop peu connue série Alim le tanneur) est jubilatoire de subtilité : les dialogues sonnent si justes que l'invraisemblable confusion des Anglais paraît presque plausible. De fait le lecteur s'implique réellement dans le récit.
Il ne s'en détache pas comme s'il s'agissait d'une simple fable où les personnages caricaturaux n'étaient que des prétextes à développer un propos, non : l'histoire est passionnante à part entière, même dévêtue de son caractère fabulatoire. On osccille donc entre rires, stupeurs et indignation tout au long du récit, attendant avec la conclusion avec autant d'impatience que de fébrilité.

Ne pas rendre hommage au talent de Moreau serait une grande erreur tant ses dessins créent une atmosphère ennivrante qui nous transporte véritablement à l'époque du récit, sous le ciel gris de Hartlepool. La puissance évocatrice de certaines attitudes, de certaines expressions du visage est tout bonnement fabuleuse.

Le singe de Hartlepool est un récit subtil porté par des dessins léchés. Un plaidoyer malin contre le fanatisme, le racisme et la peur de l'étranger d'une universalité renversante.
Un album à mettre entre toutes les mains.