La collection Les trésors de Marvel est une des meilleures initiatives éditoriales de ces dernières années de Panini France, qui possède les droits sur les comics Marvel dans notre beau pays. A chaque tome correspond une année, présentée avec un échantillon des histoires les plus représentatives de chaque année, mais aussi de quelques surprises. Le tout dans un bel emballage de près de 200 pages à prix doux, afin de pouvoir (re)plonger dans le riche passé de la célèbre compagnie Marvel.

Après 1982,

Après 1973,

Après 1968,

Les Trésors de Marvel reviennent dans les années 1980, avec 1984. Une décennie tellement riche qu’il est impossible de leur en vouloir, Marvel consolide sa position avec de nouveaux titres mais aussi toute une série de nouveaux créateurs, tandis que certains continuent de faire des étincelles sur leurs titres ou sur des nouvelles séries.

Il ne sera pas question de Frank Miller, qui vivait alors ses dernières heures chez Marvel (et allait bientôt révolutionner le genre avec un certain Batou vieilli) et qui était bien représenté dans le tome consacré à 1982

Ce qui ne change pas, et c’est devenu une tradition, c’est que c’est Spider-Man qui ouvre le bal, avec l’épisode 258 d’Amazing Spider-Man, écrit par Tom DeFalco. En 1984 et 1985 est publié le premier grand crossover de Marvel, rassemblant ses principales figures, Secret Wars ou Les Guerres secrètes chez nous dans la revue Spidey, dont les 12 épisodes sont trop interdépendants pour être proposés ici. Mais l’une de ses conséquences est l’arrivée d’un nouveau costume pour Spidey, le costume noir.

L’épisode proposé permet de lever le mystère sur celui-ci, pour révéler qu’il s’agit alors d’un symbiote extra-terrestre aux intentions malveillantes, plus tard connu sous le nom de Venom avec l’hôte Eddie Brock. En dehors de cette révélation, l’épisode s’inscrit dans la continuité feuilletonesque de la série, avec les petits problèmes humains de Peter Parker et les vilains en arrière-plan, et qui s’appréciera mieux en lisant l’ensemble. D’autant que le trait de Ron Frenz est trop classique pour relever cet épisode.

Pas de quoi quitter Spider-Man sur une impression mitigée, car le héros est encore présent, mais cette fois pour une histoire courte alors publiée dans le numéro 248 et indépendante des péripéties vécues par le Tisseur. Cette histoire de Roger Stern et Ron Frenz m’avait fait forte impression la première fois lors de sa lecture dans le Strange n°194, car le héros rend visite à un petit garçon, grand fan du tisseur, pour lui expliquer ses pouvoirs ou son parcours. Il n’y aurait pas de quoi sortir des clous, s’il n’y avait un rebondissement, Peter Parker lui offrant bien plus d’informations que ses habituelles précautions, sous l’oeil médusé du lecteur. L’histoire se conclue alors sur une note triste, pour une belle histoire sans super-vilains, juste à hauteur d’hommes. A l’époque cette sensibilité un peu amère était assez rare, ce qui explique que l’histoire soit au fil des années devenue un petit classique des épisodes de Spider-Man.

Le prochain héros n’est rien de moins que le puissant Thor, qui connaissait alors dans les années 1980 un renouveau créatif avec l’arrivée de Walter Simonson entre les numéros 337 à 382 et dont la majeure partie fut injustement inédite pendant plus de 20 ans chez nous. L’épisode 341 ici présent est encore dans la phase de redéfinition du personnage, dont l’identité civile Donald Blake avait alors été abandonnée. Thor, conscient qu’il a besoin de garder un lien avec les mortels, va donc se créer un nouveau profil à hauteur d’hommes, aidé par Nick Fury. Rien de tel que des lunettes d’ailleurs pour se cacher, une allusion évidente à Clark Kent qui fait d’ailleurs une apparition remarquée avec Lois Lane dans l’épisode. En dehors de ces préoccupations, Thor doit aussi batailler avec une vieille connaissance, un gros monstre à la Godzilla mais en plus bavard.

L’épisode propose donc une alchimie bienvenue entre le spectaculaire attendu d’un tel personnage, tout en consolidant un nouveau cadre, plus proche des mortels, avec des graines qui germeront dans les épisodes futurs. L’ensemble se tient bien, et donne même envie de découvrir le run de Walter Simonson, d’autant qu’il a une patte graphique bien spécifique. Il a un trait fin et effilé mais aussi un évident sens du découpage, permettant de mettre en valeur les deux facettes du personnage, de son charisme mythologique à son nouveau contexte.

Barry Windsor-Smith possède lui aussi un trait fin, mais ses planches sont plus réalistes et plus détaillées, moins dans la simplicité efficace que l’auteur de Thor. L’ambition se veut plus réaliste, plus proche du réel, pour ce double épisode des X-Men, le n°186. Habituellement les épisodes à la pagination doublée servent pour des étapes majeures, généralement de grands conflits. Mais ici l’histoire proposée est plus intimiste, entre une Tornade alors désemparée, qui a perdu ses pouvoirs, recueilli par l’inventeur Forge, vétéran du Vietnam, et responsable de son état.

Les deux vont se découvrir, se jauger pour apprendre à s’apprécier, et peut-être plus. Mais il se termine par une note plus amère, sans happy end. L’épisode permet de creuser la psychologie de ces deux personnages, dont Forge est alors un petit nouveau, pour en dévoiler les nuances et même les contradictions. La trame globale des X-Men est alors presque suspendue pour cet épisode plus intimiste, démontrant s’il était encore possible le talent de Chris Claremont dans l’écriture de ses X-créations. Une main-mise sur la série de 17 ans, à qui la licence doit encore beaucoup.

Ces X-Men de Chris Claremont ont d’ailleurs été popularisés par l’arrivée de John Byrne sur le titre entre 1977 et 1981, le duo créatif a offert d’excellentes histoires aux mutants. Tout comme pour le volume de 1982, on retrouve dans celui-ci un épisode de John Byrne pour les Quatre Fantastiques, série qu’il présidera pendant cinq ans. Bien sûr, la réédition de ces épisodes par Panini tout récemment est totalement étrangère à la décision de proposer un autre épisode de la série par le même auteur... Mais soyons honnêtes, c’est un bon cru de ces années, où John Byrne redéfinissait l’équipe tout en lui offrant d’imposantes aventures à leur juste mesure.

Cet épisode 262 est à l’échelle, mais se révèle surprenant à plus d’un titre. D’abord, parce que John Byrne est impliqué dans l’histoire, en tant que personnage, pour être un témoin du procès opposant la majeure partie de la galaxie à Red Richards, rien que ça. Ce dernier est accusé d’avoir secouru Galactus, au lieu de l’avoir laissé mourir. Red Richards est donc accusé d’être complice des génocides futurs de l’entité cosmique, qui calme sa faim en se nourrissant de planètes vivantes, pour rappel. L’épisode évoque donc aussi bien des questions éthiques que philosophiques, dans un cadre cosmique bien différent des habituels films de procès. Il témoigne tout de même des ambitions de John Byrne pour la série, aussi bien sur la forme que le fonds (très réussi, un classicisme érigé à de hauts niveaux), même si la conclusion se révèle trop précipitée.

Si les Quatre Fantastiques de John Byrne sont régulièrement réédités en France, l’épisode suivant fait partie de ceux qui étaient encore inédits chez nous, à ma connaissance. J.M. DeMatteis fait pourtant partie de cette nouvelle vague de créatifs chez Marvel, qui signera quelques projets audacieux dont la célèbre saga La Dernière chasse de Kraven en 1987. Il est resté quelques années sur Captain America dont cet épisode 298.

Le héros étoilé est pourtant peu actif dans cet épisode, car il ne peut qu’écouter son pire ennemi, Crâne rouge, lui raconter ses origines. C’est là toute l’ambition de cet épisode, d’expliquer le passé et les motivations de ce vieil adversaire, tout en soulignant sa folle dangerosité mais aussi en lui offrant quelques circonstances atténuantes dans une vie pas très réjouissante.

C’était peut-être audacieux pour l’époque, mais ses origines ont été réécrites plusieurs fois entre temps, et il ne reste de cet épisode qu’une histoire assez vite oubliée, rappelant que Crâne rouge est méchant, bien méchant, mais qu’il a aussi un historique chargé dans la méchanceté, quelle surprise. Il est toutefois amusant de découvrir « ce » Crâne rouge sans son masque, plus tard il sera statué que son visage de crâne rouge sera bien le sien et pas un accessoire. Les dessins grotesques de Paul Neary offrent d’ailleurs les moins belles planches de cet album. L’artiste offrira par la suite une meilleure prestation sur les encrages des planches de Alan Davis et Bryan Hitch.

On referme cette plongée dans le Marvel de 1984 avec une nouvelle petite surprise, à nouveau extraite de Marvel Fanfare. Cette publication était réservée au marché alors émergent des comic-shops et si elle était plus chère que les autres séries de Marvel, sa trentaine de pages était signée par les meilleurs artistes de la compagnie qui proposaient plusieurs histoires courtes. Ces récits sont quasiment tous inédits ici, c’est donc toujours une bonne nouvelle d’en proposer, en attendant peut-être enfin une belle édition française.

L’histoire courte ici présente est extraite du numéro 15, et elle est entièrement signée Barry Windsor-Smith, au scénario, au dessin et à l’encrage. La partie graphique semble d’ailleurs plus aboutie que pour l’épisode des X-Men cité plus haut, plus audacieuse. L’histoire proposée ne l’est pourtant pas, car les 19 pages ne contiennent que des blagues entre La Chose et la Torche humaine, le premier découvrant progressivement les tentatives du second pour s’amuser de lui. Cela n’en reste pas moins assez amusant et assez bien réalisé, dans l’attente de la découverte de la prochaine blague, jusqu’à une fin tout à fait réjouissante. La face du monde Marvel n’en est pas sortie changée, mais c’est aussi ce qui en fait sa force, de proposer ce genre de petites tranches de vie.

Ce quatrième volume est donc une fois encore un bon cru, permettant de découvrir un échantillon de l’univers Marvel de cette année et des excellents scénaristes et dessinateurs de cette période. Il est de plus riche en épisodes méconnus voire inédits, permettant de saluer la démarche éditoriale d’une revue qui ne cherche pas à rééditer toujours les mêmes œuvres. L’ensemble se montre d’ailleurs plus accessible que d’autres numéros précédents, avec un certain nombre d’épisodes auto-contenus.

1976 est la prochaine étape de la collection, pour un contenu notamment mystique et cosmique.

A suivre, 1969

SimplySmackkk
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le 28 juin 2022

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