Mauvais genre
7.7
Mauvais genre

Roman graphique de Chloé Cruchaudet (2013)

« Mais tout Paris pète, ma pauvre Lucette »

De certains albums, on voudrait parfois juste dire : c’est superbe, lisez-le et faites-moi confiance. Mais voilà, ce serait un peu léger. Je m’apprête donc à développer davantage les raisons pour lesquelles Mauvais genre est une magnifique BD.

Il s’agit avant tout de l’histoire de Paul et de Louise, séparés en 1914 par la Grande Guerre et l’envoi de Paul au beau milieu des tranchées. Anéanti par ce qu’il y vit, le jeune marié finit par déserter pour retrouver sa dulcinée à Paris. Toutefois, l’ennui le rattrape rapidement alors qu’il attend la fin de la guerre cloîtré dans sa petite chambre. Suite à une dispute, Louise lui suggère alors de se travestir en femme s’il tient vraiment à sortir de chez lui. Chiche ? Paul tente le coup et prend vite goût à sa liberté retrouvée grâce à Suzanne, sa nouvelle personnalité. Toujours porté déserteur malgré la fin de la guerre, Paul/Suzanne emprunte alors des sentiers nouveaux, tels que le bois de Boulogne à la nuit tombée, où une génération traumatisée par la guerre s’éclate avec insouciance.

Cette histoire a déjà de quoi susciter l’intérêt vu qu’elle mêle intelligemment la boucherie de 14-18 à des sujets bien plus intimes qui défraient encore la chronique aujourd’hui. Toutefois, ajoutez-y le style de dessin choisi par Chloé Cruchaudet, l’auteur, et le résultat prend une dimension supplémentaire. Par exemple, prenons la transformation progressive de Paul en Suzanne : à la fois saisissante et naturelle, c’est comme si elle allait de soi mais l’ambiguïté de la situation est parfaitement apparente. Quant au soin apporté aux mimiques des personnages, il contribue à rendre l’album particulièrement touchant. De manière plus générale, le lecteur n’a aucun problème à s’immerger dans ce début de siècle dernier, pour le meilleur et pour le pire. L’utilisation très parcimonieuse de couleurs vives, pour y privilégier des tons gris, suggère également qu’on est moins là pour rigoler que pour assister à une dramatique tranche de vie, née dans la violence et la crasse de la guerre, traversée par de brefs instants de bonheur.

Chloé Cruchaudet s’est inspirée du livre La garçonne et l’assassin, lui-même basé sur des faits réels, pour créer Mauvais genre. Cela dit, oeuvre de fiction ou bande dessinée historique, là n’est finalement pas la question. La qualité des dessins et des dialogues, ainsi que les sujets abordés et surtout la manière dont ils le sont, suffit largement à faire de cette BD un must. Que Paul Grappe et Louise Landy aient réellement existé, toutefois, ajoute une dose de sel supplémentaire à cette histoire déjà sacrément pimentée.
Nonivuniconnu
9
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le 27 juil. 2014

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Nonivuniconnu

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