Histoire d'une vie, de ma vie, de la vie.

Pas de spoilers, ici, vous pouvez y aller (ou allez lire le manga, sinon) !


Onanie Master Kurosawa ou littéralement Kurosawa, le Maître de la Masturbation est une œuvre d'une rare puissance. Je ne parle pas de cette puissance épique dégagée lors d'une scène titanesque qui vous souffle le visage. Non, cela est une puissance extérieure. Là, je parle d'une profonde bourrasque qui naît et remue votre intérieur. Derrière le nom qui prête sûrement à confusion et qui peut emmener sur de très grosses erreurs de compréhension, si on ne cherche pas plus loin que l'aspect sexuel de la chose, se cache une véritable fresque humaine et humaniste. Point de comique burlesque comme peuvent nous proposer d'autres titres qui font référence à la luxure, ici, on parle d'humains. L'histoire narre celle d'un lycéen qui vit pour se masturber dans les toilettes des filles, après les cours, en pensant aux visages des personnes qu'il côtoie. Le rituel est quotidien et lui procure son seul plaisir, son fantasme inavoué qu'il cache derrière une façade d'apathie intégrale, devant le reste de sa classe, duquel il reste le plus distant, ne voyant aucun intérêt à se lier à eux. C'est la rencontre avec une lycéenne, d'une timidité exceptionnelle et aux pensées noires, qu'il le surprend à la sortie de son activité quotidienne qui va bouleverser sa vie. De là, des rencontres vont s'enchaîner et tout comme des péripéties qui n'auront de cesse de construire et de détruire le personnage principal. Entre amitié et amour, Kurosawa va basculer dans un gouffre sans fin où il va découvrir de nouvelles émotions, étranges à ses yeux.


Contrairement à des œuvres qui remuent parce qu'elles font appel à un ensemble d'émotions qui sont typiquement présentes chez tout le monde (l'empathie, évidemment, qui est le terreau fertile pour toutes les œuvres qui ont pour but de faire couler des larmes de tristesse), OMK va frapper plus ponctuellement, en faisant appel au passé du lecteur. Ici, on parle en matière de personnalités. La trame autour n'est qu'un catalyseur pour faire évoluer les personnages. C'est pour cela que le synopsis se veut vraiment dérangeant, parce qu'il tire au maximum sur la caricature pour forger des personnages de manière évidente. De cette façon, il faut savoir lire entre les lignes les changements qui s'effectuent, et bien qu'ils soient très visibles, ils sont orchestrés avec une dynamique solide, qui ne laisse pas de place à un flottement de vide.


Et je parle d'absence de vide. Pas l'inconstance. Car, justement, tout le manga est basé sur des pivots et des engrenages qui vont faire bouger les différents personnages entre eux. Les relations sont mesurés et permettent de faire évoluer les personnages, et notamment Kurosawa. L'évolution, qu'elle soit positive ou négative. Entre l'indifférence, la haine, l'amour et l'amitié, tout y passe. Et chacune de ses émotions est mise dans le prisme d'une personnalité distincte, représentée par un personnage particulier. Le pessimisme avéré, la personnalité apathique, l'abnégation altruiste, l'optimiste vivace, etc ; qui sont d'ailleurs très bien représentés par le style du dessinateur qui fait un travail d'excellence, bien que certains rétorqueront une patte graphique qui n'est pas des plus agréables à l’œil.


Chaque personnage est une personnalité. Le panel d'émotions ainsi présenté est immense.


Et la force du manga est que tout le monde peut se reconnaître à l'intérieur d'un personnage. Si l'affaire est traitée en une trentaine de chapitres dans le manga, dans la réalité, on parle d'années. Et ce sont des années qui remontent à la surface et qui crèvent nos émotions, à la lecture de l’œuvre. Rarement un manga n'a été aussi naturel et humain. La complexité des émotions est d'une force sans nom, mais l'humain peut la comprendre avec aisance, juste parce qu'il vit et qu'il a vécu. Onanie Master Kurosawa est un déclencheur certain. Un miroir qui nous renvoie une image de nous-mêmes. Alors oui, certains ne seront pas touchés par le manga, ou bien moins que d'autres, mais ça reste une aventure initiatique bien riche en émotions véritables, pour atteindre une certaine prise de conscience.


Je n'ai pas à me cacher que j'ai tremblé et pleuré de nombreuses fois, des larmes qui sont des larmes profondes, des larmes de mon existence. Je n'ai rien à rajouter. Ce manga est l'histoire d'une vie. De ma vie. De la vie.

Cadensia
10
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le 20 août 2015

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