Perfect World… Je crois que je n’ai même pas de mots réels pour dire combien j’aime ce manga. C’est mon énorme coup de cœur de l’année 2015. Car oui, bien avant la licence chez Akata, je militais déjà pour que ce titre soit enfin repéré par un éditeur. Et c’est avec un immense plaisir que j’ai appris que c’était Akata qui le licenciait. Étrangement, je ne voyais pas un autre éditeur s’engager dans ce titre car il a déjà montré à plusieurs reprises que ses titres sortaient des sentiers battus. Perfect World n’y fait pas exception : découvrez Tsugumi et Itsuki dans ce titre bouleversant, sensible et social.



Et vous, vous sentiriez-vous capable de vivre une histoire d’amour avec un handicapé?



Gros coup de cœur ! J’ai été prise de passion pour ce titre. J’ai tout aimé : l’histoire, les personnages, l’approfondissement des caractères, leurs troubles divers et j’en passe… Un bon josei comme j’aime et qui est formidablement bien ancré dans la réalité. Et encore une fois, c’est Akata qui frappe fort proposant un nouveau titre où la différence est le maître mot. On en avait eu l’exemple avec A Silent Voice chez Ki-Oon. Akata, un éditeur qui décidément, cherche à sortir les mangas de leur « zone de confort » si on peut s’exprimer ainsi pour mon plus grand plaisir. Et c’est une très bonne bonne chose car Perfect World conjugue tous les éléments pour que vous vous laissiez séduire par ce titre d’une rare sensibilité. Ne serait-ce que l’annonce promotionnelle du titre qui donne assez bien le ton :



Sans toi, ce monde serait imparfait...



J’avais presque envie d’ajouter : « Sans Perfect World, ce monde serait imparfait effectivement… » (Bref, petits délires vous en conviendrez…).


Bien que l’ensemble pourrait paraître simple dans son déroulement, on reste quand même assez saisi par le traitement. L’histoire pourra sembler avoir un air de déjà vu pour certains (je pense dans les films notamment) car la problématique au fond est la suivante : l’amour peut-il tout surmonter ?



Je ne m’imagine pas tomber amoureuse d’une personne handicapée. Pour moi, c’est tout simplement… impossible.



On sait que le thème du handicap est peu abordé dans les mangas généralement même si on a eu un très bon exemple récemment avec A Silent Voice dont j’ai déjà maintes fois vanté les louanges mais également le titre Real,merveilleux titre de Takehiko Inoue. Aussi, je considère que quand un auteur choisit d’aborder un thème profondément social, cela est tout à son honneur. Ce sont des démarches qu’il faut saluer dans une société où on a surtout tendance à se mettre des œillères parce qu’on pense que cela n’arrive qu’aux autres. Dans ce titre, on arrive très bien à percevoir que la réelle difficulté du titre ne sera pas tant le handicap mais réussir à surmonter les difficultés face au handicap. Cela fait pour moi toute la différence car si vous lisez ce titre, vous comprendrez bien rapidement que plus loin que le handicap physique, c’est le handicap moral qui touche le personnage d’Ayukawa mais même celui de Tsugumi.


Tsugumi est le type de la jeune femme active : 26 ans, décoratrice d’intérieur et aimant sortir de temps en temps. Elle est loin de se douter qu’elle va retrouver son ancien camarade de lycée : Itsuki Ayukawa, son premier amour. Aussi, quand elle le revoit, c’est dans un premier temps la surprise de le revoir et peut-être de sentir quelques émotions perdues remonter en elle. Mais le réel choc est de découvrir qu’Itsuki ne se déplace plus qu’en fauteuil roulant.


S’il est vrai que Tsugumi perçoit des sentiments s’éveiller en elle, elle est loin de se voir entretenir une relation avec un handicapé car elle soulève déjà pas mal d’appréhensions sans se laisser dicter par son cœur (dans un un premier temps du moins). Mais voilà, on sait bien que le cœur a ses raisons que la raison ignore et Tsugumi va se lancer dans cette romance qu’elle était loin de soupçonner mais également dans les nombreuses difficultés liées au handicap…


Le début de ce titre va assez rapidement à l’essentiel. La mangaka ne tourne pas autour du pot concernant le handicap d’Ayukawa. Dès les premières pages, on comprend. Mais si on n’est pas surpris car on connaît le synopsis, cela va s’avérer un choc pour la douce Tsugumi. De manière assez brève mais satisfaisante, on nous explique ce qu’il est survenu à ce personnage qui semblait tant admiré quand il était au lycée. L’occasion pour la mangaka de revenir un peu sur le passé entre les personnages quand ils étaient au lycée.


Une vraie complicité existait déjà entre eux car il faut dire que les deux avaient des rêves un peu similaires touchant au domaine artistique. Et même s’ils n’étaient pas ensemble, on sentait une certaine harmonie dans cette relation tout comme on perçoit rapidement que Tsugumi a toujours nourri des sentiments pour Ayukawa sans les lui dire. Ce petit passage s’avère intéressant à suivre car quand on écoute certaines réactions, on a l’impression qu’Ayukawa a été fauché en plein vol alors que le jeune homme semble plutôt bien assumé son handicap de ce qu’il en montre. Cependant, la mangaka nous détrompera en proposant des moments beaucoup plus sombres où on ne peut s’empêcher d’avoir un élan de compassion incommensurable envers le personnage. Dans tous les cas, les deux personnages étant amenés à travailler ensemble, on saisit parfaitement que cela sera l’occasion d’en apprendre un peu.


Dans un premier temps, on va surtout rester sur la narration interne de Tsugumi. La jeune femme découvre réellement le handicap mais se rend aussi bien vite compte qu’elle est influencée par des à priori. Ainsi, elle aura une réaction de rejet dans un premier temps estimant très rapidement qu’elle ne pourrait pas faire sa vie avec une personne handicapée. Une pensée qui pourra sembler égoïste pour beaucoup mais en y réfléchissant : ne ferait-on pas comme elle ? De manière assez astucieuse, la mangaka nous tacle là-dessus essayant de nous faire saisir le point de vue de cette jeune femme qui « écoute » ce que ses collègues lui disent sans chercher à en savoir plus. Une réaction bien naïve qui ne durera pas, bien heureusement. Puis, au contact du jeune homme et au fur et à mesure de la progression de leur projet, la jeune femme va se rendre compte de la passion d’Ayukawa pour son métier d’architecte, de son optimisme à toute épreuve et de sa détermination. Elle va vouloir apprendre à découvrir Ayukawa comme son handicap. Cela se fera parfois au gré de révélations pas forcément très faciles à entendre car Ayukawa semble avoir une certaine propension à « rejeter » la jeune femme doucement. Ainsi, n’hésite-t-il pas à lui annoncer qu’il lui arrive souvent de « se faire dessus » parce qu’il ne sent pas quand il a des besoins.


En outre, ce dernier semble sûr de ses choix quand il dit qu’il passera sa vie seul car il ne souhaite pas imposer son handicap à de tierces personnes. C’est un personnage très fier mais on comprendra derrière que cela est lié à un traumatisme plus profond. Pourtant, Tsugumi tient bon et la jeune femme faisant fi de toutes les pensées négatives qu’elle pouvait avoir va lui montrer qu’elle ne l’abandonnera pas et ce, même s’il la rejette à chaque fois. J’ai beaucoup apprécié cette prise de conscience chez elle car c’est fait de manière assez réaliste. Elle aurait pu camper sur ses premières positions mais elle se rend bien compte qu’un handicap ne change pas l’âme d’une personne.


Mais, la mangaka ne néglige aucunement le point de vue d’Ayukawa. Ce dernier se rend très vite compte que Tsugumi a des sentiments pour lui mais il ne cesse de se voiler la face, se montrant parfois assez brusque dans sa manière de dire les choses :



T’inquiète! Je ne compte pas sortir avec qui que ce soit, de toute façon alors… Et moi non plus, je ne m’intéresse pas à toi de cette manière-là.



C’est un personnage, qui bien qu’il n’en montre rien, est en souffrance. Il essaie de tout faire pour ne pas inquiéter les autres mais quand il évoque avec sa mère, par exemple, ce à quoi il a dû renoncer; on ne peut s’empêcher d’avoir une certaine tristesse. Je ne pense pas que la mangaka amplifie dans le pathos mais c’est tout simplement une réalité à laquelle on ne pense pas quand on est en pleine possession de tous ses moyens. D’une certaine façon, ce titre m’a un peu rappelé le drama Bokura no Ita Jikan (un drama à découvrir absolument si vous appréciez le genre). Alors c’est vrai que parfois, j’ai vraiment ressenti une énorme boule au ventre… Et d’ailleurs, on découvre assez vite son quotidien : Ayukawa a beau montrer qu’il vit relativement bien son handicap. On découvre qu’il n’en est rien. Et c’est de manière indirecte que la mangaka va le montrer quand les personnages vont faire la rencontre de Haruto, un personnage handicapé depuis peu de temps et qui a d’énormes difficultés à accepter son handicap. Comme Tsugumi, j’avais l’impression qu’Ayukawa était toujours très gai mais en fait, il cache plutôt bien son mal-être. On le voit par exemple souffrir seul de douleurs fantômes (douleurs qu’on ressent alors que le membre n’est pas supposé exister ou « fonctionner ») ou bien être victime d’une infection urinaire. Mais à chaque fois, il cherche à tout cacher car il ne veut pas être un fardeau.


Bien que je pense que le titre atténue un peu certains aspects du handicap, il en montre néanmoins quelques réalités : les escarres, l’incontinence fécale, les douleurs fantômes dont je parlais ci-dessus ou encore le risque de mort à la longue quand le personnage fait une infection urinaire. On découvre des choses propres au handicap car on pourrait facilement penser que la seule difficulté d’Ayukawa, c’est de ne pouvoir marcher mais son handicap amène bien plus d’éléments qu’on ne soupçonne pas et qui sont majoritairement liés au fait qu’il est souvent statique.



Parfois, ce qu’on appelle « une douleur fantôme » m’assaille… Comme si mes jambes se rappelaient à mon souvenir.



On découvre cela en même temps que Tsugumi, ce qui permet un phénomène d’identification quelque part. On ressent le même effroi quand elle apprend tout cela. Et on apprécie le tact dont fait preuve la mangaka pour traiter tous ces aspects. On prend rapidement conscience qu’il y a une certaine précision dans la manière de nommer les choses. Cela laisse à penser que la mangaka a pris le sujet très au sérieux. Quelque part, cette façon de nous questionner de manière presque permanente est une bonne chose : on apprend mais sans jamais tomber dans le larmoyant. C’est sans doute la plus grande force du titre à cet égard. Bien sûr, on éprouvera quand même des moments pouvant occasionner des larmes aux yeux (pour les plus sensibles) mais je ne crois pas que la mangaka surenchérisse dans le pathos. Généralement, ces émotions découlent des personnages et de la façon dont ils évoluent l’un par rapport à l’autre. Je crois que c’est davantage le ton qui émeut en considérant bien les choses.


Mais passons à cette romance. Comme je les aime, on a une belle romance contrariée. Dans un premier temps, cela provient des personnages puisqu’ils se mettent un grand nombre de barrières mais une fois qu’ils s’avouent enfin les choses (j’ai juste adoré ce moment), on a l’impression que les choses pourraient se débloquer… Mais j’ai bien employé un conditionnel. Les choses ne sont pas si simples puisque le couple ne cesse de s’interroger sur le bien-fondé de cette relation. Essentiellement Ayukawa dont on constate que les doutes l’assaillent : peut-il vraiment rendre heureux Tsugumi ? On voit bien que c’est un personnage en perpétuel doute avec lui-même. Mais c’est aussi lié à son passé amoureux. On peut penser qu’il ne sait plus comment être amoureux d’une certaine façon (si tant est qu’il y ait une réelle manière). Plus loin, c’est surtout la peur d’être une charge. Le personnage cherche tellement à être autonome qu’il en oublie qu’il peut exprimer ses peurs aux autres (ses parents, Tsugumi) et c’est quelque chose que le couple devra apprendre. En outre, il faut ajouter le fait que malgré tout ce qu’il peut dire, le personnage a un peu de mal à faire le « deuil » de son handicap. On le voit notamment quand il exprime ses désirs profonds qui se manifestent quand il rêve. Ce moment m’a terriblement touchée car on a envie aussi que les choses soient différentes et quand la réalité revient, c’est une vraie douche froide… Je pense que l’on peut facilement deviner que le couple devra traverser de nombreuses épreuves car avant même d’en avoir été un (de couple s’entend), ils en ont eu. Par ailleurs, il y a toujours ce regard très mitigé de la société sur les personnes handicapées : certaines personnes vont se montrer très conciliantes quand d’autres auront des réactions vraiment désapprobatrices :



Sortir avec lui m’a fait prendre conscience des regards et attitudes gênés des gens. Je devais me comporter comme ça moi aussi, avant… Quel fardeau ça doit être pour lui…



Je reste toutefois curieuse de voir comment la mangaka va développer cette relation qui n’en est encore qu’à ses prémices et comment les deux vont parvenir à ne plus faire de la société un obstacle à leur amour. L’histoire est si profondément humaine que l’on a constamment envie de pousser les personnages. Tsugumi et Itsuki ne tombent aucunement dans la caricature : la première évolue de manière positive se surprenant là où elle ne le pensait pas. Il est vrai que ses sentiments ressurgissent incroyablement vite mais pour ma part, dès le début du manga, j’ai eu l’impression qu’elle vivait son coup de foudre et que c’était pour cela que sa résolution s’affirmait de plus en plus. Quant à Itsuki, il ne s’en rend pas toujours compte mais il impacte énormément sur les gens qui l’entourent. Il a une force de caractère assez impressionnante notamment quand il s’agit de son travail mais qu’il a du mal à avoir dans sa vie personnelle. Et l’enjeu sera sans doute également d’amener progressivement une prise de conscience quand on sait qu’il » a vécu l’enfer » comme le dit sa mère.


Je me rends compte que je me suis encore bien étendue si bien que je vais passer aux dessins. Globalement, ils ne sont pas déplaisants bien qu’un peu chargés par moment. Les traits sont assez simples mais assez agréables à regarder. Ayukawa a des expressions tellement mignonnes et touchantes par moment. Tsugumi est assez élégante et représente bien la femme active de manière générale. Les émotions sont très bien retranscrites. La précision fait parfois un peu défaut mais cela est loin d’être gênant.


Du côté de l’édition, c’est encore un bon travail de la part de l’éditeur. Je me délectais en touchant la couverture tellement je trouvais le toucher agréable (il me faut peu^^). La traduction est aussi très bonne. J’avais un peu peur parce qu’ayant lu le titre avant, je me demandais comment certains termes seraient retranscrits en français et finalement, cela est très bien réussi.


Jetez-vous sur ce titre ! Réaliste, touchant et bouleversant, ce josei ne pourra que vous plaire et vous saisir avec ce beau récit social et cette belle romance. En outre, les réflexions pertinentes qui y sont développées autour du handicap contribuent à nous interpeller sur notre façon d’envisager les personnes qui nous entourent. Brillant!


Kyoukai's World : Perfect World

Heyden17
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le 25 févr. 2018

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