Ressentiment - La réalité virtuelle pour les frustrés

C'est sans doute le succès incontesté de I'm a hero, cette série horrifique qui dépeint la lente zombification de la société japonaise, qui a incité Ki-Oon à ressortir du placard une des premières œuvres de Kengo Hanazawa. Publié il y a dix ans au Japon, Ressentiment arrive enfin sous la forme de deux pavés imposants (900 pages) pour décrire la vie, pathétique disons-le, de Takuro Sakamoto. A bientôt 30 ans, obèse, chauve et inadapté, notre héros décide de miser sur la réalité virtuelle pour compenser la faillite sociale et sexuelle qu'est sa vie réelle. Pas de chance : il tombe sur un programme qui va lui faire vivre un enfer.


Sujet sur l'exclusion sexuelle, l'obésité, les NEET (Not in education, employment or training) et le futur possible de la réalité virtuelle appliquée au jeu vidéo, Ressentiment explore de nombreuses pistes thématiques. Contrairement aux modèles du genre existant (Gantz, btoom!, Reset…) qui décrivent des mondes virtuels très… virtuels, Kengo Hanazawa a imaginé un monde réaliste qui nous sera probablement accessible dans quelques années – les technologies impliquées existent en tout cas déjà. Cet ancrage temporel dans le réel évacue ainsi la dimension fantastique pour mieux souligner le réalisme social de l'œuvre.


Les visions de William Gibson et Bruce Sterling ne sont pas loin, avec leur nihilisme cruel mais sans leur extension politique. L'univers de Ressentiment offre ainsi une conception du monde plus japonaise qu'américaine, où le contrôle et l'oppression des autorités (ou des mega-corporations) cède le pas à une critique sociale plus individuelle. C'est sans concession que l'auteur dépeint des personnages qui sont à l'origine de leur propre malheur, victimes de leurs propres désirs, dans un monde qui les exclut. Les responsabilités sont partagées, mais le déterminisme social n'est pas la seule origine du malheur individuel.


C'est finalement une réflexion existentielle qui nous est proposée, plutôt déprimante, mais dans un univers très détaillé, avec de nombreux rebondissements narratifs, qui font des aventures de Takuro un récit passionnant. A lire absolument.
B.M.
Ki-oon.
Deux tomes

monasterolo
9
Écrit par

Créée

le 1 déc. 2015

Critique lue 418 fois

6 j'aime

monasterolo

Écrit par

Critique lue 418 fois

6

D'autres avis sur Ressentiment, tome 1

Ressentiment, tome 1
trotter
7

Critique de Ressentiment, tome 1 par trotter

Un gros geek qui utilise un équipement de réalité virtuelle pour coucher avec des filles virtuelles. Il tombe amoureuse d'une. C'est assez pathétique et glauque, ça se laisse lire.

le 22 janv. 2017

Du même critique

Le Club des divorcés, tome 1
monasterolo
8

Le Club des divorcés de Kamimura

La société japonaise n’est pas réputée pour sa modernité en matière de relations de couple. Et cette vérité que l’on peut encore questionner aujourd’hui a subi ses plus grandes mutations dans les...

le 7 déc. 2015

5 j'aime

The Mandalorian
monasterolo
3

The Disneylorian

Ce qu'il y a de mieux dans The mandalorian, c'est le générique de fin... Les illustrations animées réalisées à partir des scènes de la série symbolisent le récit épique et novateur que l'on aimerait...

le 13 déc. 2020

4 j'aime

3

Tin Star
monasterolo
4

Un gâchis

Une note de 4 pour l'incroyable gâchis que représente cette série. Pourtant il y a tout pour plaire. Des scénarios léchés. Une photo magnifique, qui valorise très bien les paysages sauvages du Grand...

le 19 juin 2020

3 j'aime

1