Siegfried, tome 1 par Cosmoclems
Alex Alice, n'est pas un inconnu de la B-D, il a déjà notamment travaillé comme co-scénariste et dessinateur sur la série le Troisième Testament de 1997 à 2003, et adaptateur de la plantureuse virtuelle Lara Croft en B-D avec Tomb Raider : Dark Aeons en 1999.
Avec Siegfried Alice s'attaque à la grande saga de l'Anneau des Niebelungen, une vieille légende (dont il existe deux versions, l'une Scandinave: Edda poétique, et l'autre Germanique: Völsunga saga) liée à un anneau maudit forgé par le peuple des nains forgerons, les Niebelungen.
La mythologie nordique nous a été restituée essentiellement par la tradition orale, les peuples du Nord n'ayant pas de tradition écrite avant l'arrivée des chrétiens, et l'utilisation des runes rendant la chose par trop compliquée.
C'est ce qui la distingue le plus des mythologies romaine et surtout grecque (dont nombre d'auteurs ont depuis l'Antiquité écrit les mythes), sinon comme ces dernières il s'agit d'un Panthéon de dieux, représentations Anthropomorphiques des forces qui régissent notre univers.
Alice choisi ici de nous présenter la saga de Siegfried, librement adapté et « né des sagas vikings et de la musique de Wagner », prévue en trois volumes, ainsi qu'un projet de dessin animé.
Odin, dieu suprême du panthéon nordique (je vous passe sa longue et compliquée gestation), règne sans partage sur les Cieux et la Terre, et modèle le monde selon les lois qu'il a édicté, contre lesquelles il ne peut lui-même contrevenir. Son pouvoir est presque sans limite, presque car il existe une seule chose qu'il ne contrôle pas, l'Or, et qui possède l'Or possède le pouvoir absolu.
Odin pour se prévenir de tout régicide ou autres forme d'atteinte à son pouvoir, plonge l'Or dans le plus profond des fleuves, et nomme la première de ses filles, une Valkyrie, comme gardienne.
Un habitant du monde du dessous, un Niebelungen, du nom de Fafnir s'éprend de la déesse, mais cette dernière tombe amoureux d'un homme. Ivre de colère et de jalousie, Fafnir vole l'Or, et grâce à Mime le plus doué des forgerons, en fit un instrument de pouvoir pour régner en maître absolu sur les mondes du dessous.
Las de tous ces excès, gavé de pouvoir et transformé en Dragon, il fini par se retirer et s'endormir sur la source de sa puissance, laissant le monde dans la peur de le voir se réveiller ivre de colère.
Ne pouvant tolérer une telle menace à son pouvoir, mais ne pouvant agir contre des lois qu'il a lui-même édicté, Odin se doit de trouver un champion digne de combattre et tuer Fafnir. Ainsi commence l'histoire de Siegfried.
La très grande force de cette B-D réside dans la profonde humanité des personnages.
Odin, et les Valkyrie sont des divinités, mais elles sont en proie aux doutes, aux hésitations, à la peur et aux machinations.
Mime le forgeron est un Niebelungen, dont le monde n'est plus, il se sent responsable de sa destruction puisqu'il a forgé l'anneau de Fafnir.
Siegfried quant a lui, est à demi élevé par les loups et une créature non humaine bourrue et qui ne voit en lui guère mieux qu'un piètre aide de forge. Il ne connaîtra guère que la solitude d'une foret glacée, et la tristesse de la mort des rares êtres chers.
On nage dans le pathos, et pourtant tout ceci est beau, intense, fort. Le prélude à quelque chose de très grand.
Les deux BD dégagent une très forte atmosphère onirique, les vastes étendues neigeuses, les forets sombres et mystérieux, ainsi que les profonds fjords glacés sont autant de paysages symboliques et évocateurs d'un Nord fantasmé.
Les couvertures sont des peintures en elle-même, portraits sublimes de Siegfried et de la Valkyrie qui lui semble lié. A l'instar des jaquettes, chaque planche a bénéficié d'un minutieux travail et d'une mise en couleur splendide.
Aucun détail n'a été oublié dans cette adaptation libre de cette grande, fresque. Du début à la fin j'ai été porté par la force du dessin, une narration certes classique et par moment un peu pompeuse, mais d'une redoutable efficacité, nous renvoyant aux chansons du Moyen Age. Alice a particulièrement soigné l'atmosphère et l'ambiance de ces deux premiers volumes, je gage qu'il en sera de même pour le troisième, et je vous invite à vous plonger dans une lecture qui ne terminera qu'avec le déplaisir de devoir s'arrêter et d'attendre la suite.
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