Spider Jerusalem vient de passer 5 ans à vivre en
ermite pour échapper à la ville et sa folie. La ville : une
espèce d’immense cité gangrénée par tous les vices de
la société consumériste. Une espèce de boursouflure
sociétale où les habitants ont perdu le sens. Dans cette
cité, la télé, les médias, les sectes en tous genres, les
politicards véreux, les industries pharmaceutiques,
chaque lobby, chaque institution pervertie par la
corruption, l’hypocrisie et la violence sont là pour
contrôler les individus qui la composent. La publicité
s’insère dans vos lobes orbitaux, l’humain sans arrêt
connecté, est sans cesse reprogrammé, jamais libre,
il baigne dans une crasse dont la consommation est
la seule échappatoire. Un rythme bien trop rapide
parfaitement retranscrit dans ce comic américain
écrit par un anglais. Nous avons affaire ici à une oeuvre
dense, où l’on a plaisir à promener notre regard sur
ce monde fourmillant de détails, miroirs déformants
de notre monde contemporain. On ressort de ces 12
premiers épisodes (la série complète en comportant
60) épuisé, essoufflé mais diaboliquement amusé et
d’une certaine manière rassasié.
Rassasié car Spider Jerusalem est là pour cracher à la
face de La Ville ses 4 vérités. Ce personnage principal,
journaliste « Gonzo » largement inspiré par Hunter
S. Thompson est une espèce de misanthrope punk
dégénéré qui n’a pour obsession que la Vérité pleine
et entière. Et c’est à coups d’articles incendiaires et
de pamphlets haineux remplis d’humour noir et de
cynisme décomplexé que notre antihéros ira gratter la
couche d’hypocrisie et de mensonges derrière laquelle
se cache ceux qui gouvernent. Il faut le dire, il est
plaisant de voir notre journaliste, ce héros moderne,
ce Don Quichotte futuriste foutre en l’air des carrières
politiques tout en éclatant la tête des escrocs de la
pire espèce. Prenant systématiquement la défense de
la veuve et de l’orphelin, du petit face aux puissants,
Spider est un personnage doté d’une certaine forme
de noblesse sous ses airs de psychopathe.
Sorti originellement à partir de 1997, ces 12 premiers
épisodes compilés dans cette intégrale est un excellent
moyen pour découvrir ce délire riche, furieusement
anticonformiste, franchement drôle, politiquement
très incorrect, qui ne se prend jamais au sérieux, et
qui, avouons-le, vient satisfaire certaines pulsions
qu’on peut avoir en ouvrant son journal.
Ça ne sauvera peut être pas le monde, mais ça fait du
bien par où ça passe.
JB0182090426