Par une pertinente et fine analyse à travers un échantillon représentatif, il a été établi que le genre animalier des gallinacés s’accordait très bien avec différents genres culturels. Nous continuons le travail de recherche en l’étendant au Japon et à une de ses créations les plus emblématiques, le manga. La science avance.

Depuis 2020 le pays du soleil levant (important pour un coq) et maintenant notre bonne vieille Gaule peut découvrir un nouveau représentant du gallinacé dans la pop culture avec Rooster Fighter ou Coq de baston de Shu Sakuratani, dont il s'agit de la première oeuvre traduite en France.

Un titre sérieux dans son loufoque et qui vole dans les plumes de ceux qui voudraient en vouloir à Keiji. Ce dernier est bien plus qu’un coq, acariâtre, qui a le sens de la justice un peu bourru. Il est doté de facultés surhumaines, d’une agilité hors normes et d’une force remarquable pour une telle volaille. C’est un héros emplumé, même si l’héroïsme n’est pas sa vocation première.Le volatile recherche un monstre bien spécial, parmi les nombreux kijü, des monstres gigantesques nés des frustrations des humains, qui aurait tué sa sœur. Détestant ces créatures monstrueuses, il n’en fait qu’une bouchée, par son agilité, sa ténacité et surtout son super-pouvoir, un cri dévastateur baptisé le « cocori-K.-O. ».

Ces affrontements sont le bien plus souvent prometteurs, mais bien vite achevés, notamment grâce à ce cri destructeur. C’est presque dommage quand on voit avec quel soin l’artiste arrive à bien rendre la vitesse de son personnage ou la grandeur pervertie de ceux qui furent autrefois des humains. Mais à la manière d’un One Punch Man, les kijûs ne feront pas long feu devant ce super coq.

Si l’auteur n’appuie pas vraiment sur l’action dans ces pages, (à tort ou à raison), il se sert de ses longs chapitres (une quarantaine de pages) pour développer son univers par petites touches. S’il ne s’agit pas vraiment de recréer une cosmogonie ou d’aller dans les détails du pourquoi du comment des kijüs ou des capacités de Keiji, cela permet plutôt de rencontrer de nouveaux personnages, qui offriront des contrepoints intéressants au caractère presque monolithique du coq, pour quelques pages plus mélancoliques voire plus dramatiques.

Dès le deuxième tome, deux nouveaux représentants gallinacés vont s’ajouter à sa compagnie. Piyoko la petite poussine de son état, élevée par un Yakuza et en admiration juvénile devant Keiji. Pas plus haut qu'une pomme, mais elle veut déjà se faire remarquer, elle est la contrepartie choupi et comique du groupe. Elizabeth, ancienne conquête du coq est devenue une poule guerrière technophile au charisme certain, qui se bat avec un bâton électrique. Elle a la tête et le bec sur les épaules, et n'est pas prête à laisser Keiji faire n'importe quoi. Entre les trois, il y a parfois des étincelles, pour une équipe un peu bringuebalante mais malgré tout assez réussie grâce à leurs différentes personnalités, Keiji restant au centre. Le titre ne manque pas d’humour, n’hésitant pas à faire parfois trop mais sans jamais tomber dans la farce. Il a le sérieux de ses idées, mais le manga joue avec une évidente auto-dérision, qui retombe parfois sur Keiji, évidente tête de mule qui lui joue parfois des tours ou qui a parfois des coups de chauds devant certaines belles poules, perdant sa fière contenance.

On devine bien que le manga se construit tome par tome, et qu’au delà de la blague, bien réalisée, le titre peut difficilement s’appuyer sur une architecture déjà construite et prévue pour durer, hormis cette histoire de vengeance passe-partout en arrière-fonds. Mais cela fonctionne malgré tout, grâce à la générosité de ses personnages, de son ton mi-sérieux mi-farfelu et surtout un excellent dessin. Le trait est massif et en impose, mais il peut être vif et relevé, Shu Sakuratani arrive complètement à donner corps à son univers. Il offre à ses personnages animaux quelques traits humains mais bien intégrés, à l’image du regard noir de Keiji et de son poitrail musclé, mais aussi de la poule Elizabeth qui a une classe folle, se battant avec son arme qu’elle tient d’une seule patte. C'était un véritable défi de donner une personnalité visuelle à ces volailles, aisément réussi.

Sur les trois tomes actuellement parus (la série devait s'arrêter là, elle a été prolongée suite à son succès) Coq de baston se révèle donc une délicieuse surprise, une petite blague qui ne sait pas vraiment où elle va mais reste malgré tout bien assurée sur ses petites pattes. Un plaisir coupable, peut-être, mais avec une originalité certaine grâce à son hauteur de poules et ses nombreuses qualités.

SimplySmackkk
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le 18 oct. 2022

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