127 Heures par Julie Splack
Après le succès retentissant de Slumdog Millionnaire, Danny Boyle s'attelle à la réalisation d'un film biographique retraçant l'incroyable expérience d'Aron Ralston, un randonneur américain qui fut coincé pendant 6 jours au fond d'un canyon dans les gorges de l'Utah en mai 2003. A la base prévu pour être un documentaire, le réalisateur a su prouvé qu'il était capable de faire de 127 heures un film dramatique intense, qui parvient à captiver et faire vibrer son spectateur durant 1h30, malgré le huis clos quasi immobile dans lequel il l'entraîne. Un pari osé, mais réussit, que l'on doit à la réalisation dynamique et singulière de Boyle, qui ne nous laisse finalement que peu de répits, un comble vu la situation de son personnage central. Mais si on échappe à l'ennui, le style clipesque du réalisateur n'est malheureusement pas sans faire de tord à son récit. Split screens, musique pop, plans surprenants et autres effets gratuits donnent du rythme au long-métrage, certes, mais nuisent à l'émotion et à la compassion du spectateur à l'égard d'Aron. Le recours abusif aux hallucinations et aux flash-blacks n'arrange rien, car en plus de ne pas toujours être pertinents, ils donnent une désagréable impression de remplissage, comme si Boyle cherchait à tout prix à éviter l'ennui. Le film aurait pourtant gagné à être plus sobre, plus calme et posé, notamment pour aborder avec plus de finesse le cap de la réflexion d'Aron sur ses propres fautes, qui lui reviennent aujourd'hui violemment en pleine figure. Car si c'est bien cette maudite roche de 500 kilos qui a pris au piège son bras contre la paroi, c'est son égoïsme, son tempérament solitaire, voire asocial, qui a exclus tout espoir de voir les secours venir le chercher, puisqu'il n'a même pas pris la peine de dire à ses proches où il se rendait. Mais malgré mes réserves sur le style de Boyle qui, selon moi, dessert par moment le long-métrage, on retiendra les premières minutes de film, fun et rythmées, ainsi que de bonnes idées parsemées ici et là. Je pense notamment au corbeau, symbole ici de la liberté, qui passe chaque jours à la même heure au dessus d'Aron, la brève hallucination de celui-ci lorsqu'il aperçoit dans son canyon Scooby-doo à la lumière de son appareil photo, ainsi que l'usage répété, mais utile, de sa caméra personnelle. J'ai trouvé formidable la séquence, à la fois drôle et triste, où Aron parodie une émission télévisée, abordant avec ironie et humour noir son sort et sa part de responsabilité là-dedans. James Franco, pour qui l'année 2011 fut fructueuse, est réellement bluffant dans ce quasi one-man-show d'une heure et demi, un rôle éprouvant qui lui a valu sa première nomination aux oscars. Il dévoile un jeu très crédible, passant par tout les états d'esprits qu'a pu traverser le véritable Aron. D'abord habité par la rage de s'extirper du rocher qui le retient prisonnier, l'espoir laisse place peu à peu au fatalisme, à mesure où la soif, la faim et la fatigue malmène dangereusement son corps. Mais son courage, sa détermination à revoir ses proches, à ne pas mourir seul dans ce foutu canyon, sa fureur de vivre, mais surtout l'instinct de survie va l'amener à un acte difficilement acceptable pour le reste d'entre nous. Arrive alors la scène clef du film, formidable mais tétanisante, à la limite du supportable. Garde aux âmes sensibles! Impossible d'en sortir insensible, surtout qu'on est directement tenté de se poser la question: "Et moi, qu'aurai-je fais à sa place?". En conclusion, si Danny Boyle et son style hyperactif parviennent à rendre ce huit clos palpitant, c'est au détriment de l'émotion, et d'une véritable immersion dans ce qu'a pu être le calvaire d'Aron Ralston. Le plaisir était là, mais j'attendais autre chose.