Le scénario de 21 grammes semble aussi inepte qu'un téléfilm de Josée Dayan en première partie de soirée. Il conte l'histoire d'un homme dont le cœur est au bord du gouffre, de sa femme qui veut quand même un enfant de lui, malgré la mort certaine – mais il faudra l'inséminer car elle est stérile –, d'un ancien taulard qui est ressuscité dans la foi…
Je n'en dis pas plus. Navrant ? Chez beaucoup, sans aucun doute. Mais ceux qui connaissent Alejandro Gonzalez Inarittu pour avoir vu ses fascinantes Amours Chiennes auront raison de lui laisser le bénéfice du doute.
Car il faut le voir pour le croire. Amours chiennes disposait d'une narration à faire pâlir Altman, et cette puissance que seuls les premiers films possèdent. Il est intéressant de voir la différence entre Inarritu et Kassovitz qui font leur entrée simultanée dans le giron hollywoodien. D'un côté le Français nous sert une farce du samedi soir, efficace mais sans la moindre ambition, avec son Gothika plastifié. De l'autre le Mexicain prouve que son talent peut servir même le pire des scénarii hollywoodiens.
La distribution réunit tout ce qui se fait de mieux actuellement à Hollywood. Quel plaisir de retrouver la diaphane Naomi Watts affranchie de son étrangeté lynchienne, Benicio Del Toro, aussi physique que le jeune Brando ou Sean Penn, justement contenu dans son rôle impossible.
La photo, tour à tour obscure et lumineuse, offre au film un style, une patte, qui faisait déjà sortir Amours Chiennes de la masse.
21 grammes n'est pas drôle mais Albert est méchant non plus, c'est même très grave. Alors si vous en avez marre de pleurer sur le monde cruel toute la semaine, 21 grammes n'est peut-être pas fait pour vous. Allez voir Massacre à la tronçonneuse, maigre consolation contre ce monde – il vous évitera d'avoir à user vous-même du taille haie fraîchement acheté chez Castorama.
Si vous souhaitez profiter d'un auteur ambitieux, au talent dérangeant, d'une œuvre âpre, montée au scalpel, 21 grammes pèsera de tout son délicieux fardeau.