Pour la blague, j'aimerais presque dire que c'est du fargo 2.0, en vrai. Pour commencer l'année 2018, je n'ai pas voulu commencer avec du mauvais film, même du film de super- héros, aussi bon soit- il. Ou même un banal film français à critiquer vite fait.
On va s'attaquer au nouveau phénomène de cette rentrée, le fameux 3 billboards les panneaux de la vengeance, un titre si DTV et ringard qu'il mériterait de n'avoir aucune affiche dans les cinémas français (vous avez compris ? jeu de mots, et tout ^^).
3 billboards s'approche très vite de l'ambiance des films Coen, notamment très inspiré par Fargo, leur ultime chef d'oeuvre (enfin, ils en ont fait tellement...), mais leur plus inclassable. On retrouve évidemment les grands paysages, les petits villages américains et leurs ploucs, le tout dans une atmosphère de portrait de petits américains perdus dans de grands espaces.
Si l'hommage à Fargo est ultra présent, Martin McDonagh s'en sort très habilement car il détourne vite les codes du film Coen, en faisant de ce film non pas une simple redite satirique, mais plus un portrait au vitriol de l'Amérique profonde et de ses angoisses en 2017 et un pur drame social et psychologique où s'entrecroisent le destin d'une femme ultra forte, de flics un peu cons, et d'un shérif aussi intelligent que torturé.
Et c'est là où le film est le plus intéressant : au- delà de la tragédie et de la révolte de la mère qui est absolument hypocrite, violente et imbuvable avec tout le monde, mais qui se bat pour avoir la vérité, le film lorgne dans un portrait de personnages tournant rapidement au drame, même ceux que l'on prend pour les méchants, à savoir les flics, qui s'avèrent sans doute plus humain que l'héroine elle- même !
Le réalisateur s'en donne à coeur joie : filmant sobrement mais sublimement des silences comme des regards de tous ses acteurs, la mise en scène est très bien amené et est très belle, donnant de l'épaisseur de façon très forte à ses personnages, avec une direction d'acteurs irréprochable. C'est bien simple, Frances McDormand est tout simplement phénoménale dans son rôle fétiche de femme forte au fin fond de la cambrousse, mais elle le tient particulièrement bien, à la fois émouvante et incroyablement garce à la fois. La palme revient (selon moi) à Woody Harrelson, qui décidément depuis True Detective a une seconde partie de carrière très intéressante, est bouleversant (il a failli me faire chialer plusieurs fois), car on le voit rarement aussi complexe et tendu dans un rôle tragique, de même que Sam Rockwell, habitué des rôles un peu fou- fou (timbré ou kéké), est plus dans la retenue, campant un flic plutôt idiot mais très simple, dans le bon sens du terme, s'achetant une rédemption au fur et à mesure du film.
Si la musique n'est pas à la hauteur, c'est avant tout les paysages magnifiques et ces fameux panneaux superbement retranscrits, de même que le petit village est parfait pour le film, qui mettent en place une ambiance à la fois crespusculaire, remplie de noirceur, de désespoir, mais aussi de chaleur, d'humanisme, et de maladresse. Cette ambiance sert de cette simple histoire de vengeance pour broder un documentaire sur toute la ville et ses habitants normaux, mettant l'humain au centre de l'histoire.
Avec des dialogues savoureux et des mimiques des acteurs enrobé dans un scénario en béton, 3 billboards est vraiment la bonne surprise de la fin d'année, et peut prétendre au titre de plusieurs oscars. Etonnant bien plus ambigu et complexe que la plupart des films de 2017, j'espère revoir plus de films américains comme celui- là, ambitieux, dense, très émouvant, le tout avec une patte de McDonagh absolument délicieuse.


On a beau dire que c'est un Fargo 2.0, je trouve que c'est bien plus qu'une simple comédie noire, c'est un drame humaniste et complexe, et surtout BEAU. Une description des derniers bouts sauvages de l'Amérique profonde.
Contrairement à A ghost story (qui était bien) ou à Manchester by the Sea, les 2 drames qui furent à la mode il y a quelques temps, celui- là nous émerge dans un monde de losers et de ploucs réalistes, mais aussi de bonnes personnes qui dans le fond tentent de vivre comme ils peuvent.
LA perle de 2018 à ne pas en douter.

Mathieu_Renard
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Créée

le 18 févr. 2018

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Matt  Fox

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