Suite à l'attribution (plus que méritée...) du Golden Globes du meilleur second rôle à Sam Rockwell, une polémique imbécile a germé sur twitter : en gros c'est pas très Charlie de filer un prix à l'interprète d'un personnage présenté comme une ordure raciste. Cette mini shitstorm médiatique n'a (heureusement !) pas fait long feu et est révélatrice des névroses de notre époque mais aussi et surtout des immenses qualités d'écriture d'une oeuvre inclassable qui en dérangera peut-être certains et c'est tant mieux !
En effet, vous lirez un peu partout que 3 Billboards est " un pamphlet féministe", " un superbe portrait de femme rebelle" ou encore " un portrait au vitriol de l'Amérique sudiste"...Bref un tas de dithyrambes certes justifiées mais réductrices, un brin sentencieuses et ne rendant pas justice à la complexité du film.
Car le génial Martin McDonagh (tout comme son frangin John Michael) fait voler en éclat l'étiquette d’ersatz sympathique des frères Coen qu'on serait tenter de lui coller et à l'instar de son formidable Bon baisers de Bruges, entreprend de déjouer les attentes du spectateur.
Ainsi, le récit dynamite constamment les codes des nombreux genres qu'il convoque et offre une série de rebondissements et chausses trappes narratives qui témoignent d'un rejet absolu de toute forme de manichéisme !
Ce qu'il y a d'impressionnant dans 3 Billboards, ce n'est pas seulement ses nombreuses thématiques sous-jacentes (le racisme, les violences faites aux femmes,etc.), c'est l'humanité écrasante des situations mises en image et la finesse de la caractérisation de protagonistes qui ne sont jamais ce qu'on attend d'eux.
Drôle mais jamais potache, souvent cruel mais juste, 3 Billboards n'entreprend à aucun moment de juger ses personnages. En témoigne justement le traitement du flic campé par Sam Rockwell, (qui rappelle si besoin est qu'il est un des acteurs les plus sous-côtés d'Hollywood) symbole d'une Amérique profonde dont les démons sont abordés frontalement, mais qui s'avère au final bien plus qu'un salopard irrécupérable. Idem pour la mère endeuillée teigneuse incarnée par la fantastique Frances McDormand dont le script évite de faire une victime éplorée et un réceptacle pour l'empathie du spectateur.
Vous l'aurez compris, 3 Billboards est l'antithèse du métrage moralisateur auquel on aurait pu s'attendre et ça, ça fait un bien fou !
Transcendé par une mise en scène au cordeau qui installe une tension permanente et parfois étouffante, le dernier essai de Martin Mc Donagh est donc effectivement un putain de chef d'oeuvre mais pas forcément pour les raisons que vous entendrez. On préférera louer la profondeur bluffante du scénario et des personnages qui constituent de formidables terrains de jeu pour des acteurs tous sensationnels.
Le premier grand film de 2018 !