Du classique au moderne.

OK, je suis à chaud. Je suis allé voir ce film avec une amie, et durant notre débriefing, nous sommes passés d'un avis où certes ce film était bon, très bon même, au fait que de classique, ce film était moderne, voir post-moderne. En général, par classique, nous nous disons que ce film est totalement maîtrisé, du début à la fin, qu'un élément en mènera à un autre, et qu'à la fin, chaque information formera un tout. C'est vrai, 3 BillBoards est classique du fait que chaque scène a son utilité. Pas d'éléments inutiles, pas d'éléments de la quotidienneté, tant qu'elle ne sert pas à la compréhension du film, et de son histoire. Ce film n'est pas l'un de ces films qui réfléchit totalement son média, en laissant des scènes "à vides" où nous nous demandons pourquoi cette scène était ici, si sa longueur servait réellement le propos, où si son existence était primordiale à l'action principale, voir secondaire. En cela, 3 Billboards est classique. Mais s'il est moderne, c'est parce qu'en tant que spectateur, nous n'arrivons à prédire le film. Non, le film est maîtrisé, parce que son réalisateur maîtrise les codes du cinéma contemporain. Il sait que lorsque nous observons une scène, où des personnages se comporte d'une manière précise, avec une gestuelle assurée, nous nous attendons à un résultat établi. Où parce que quelqu'un nous a parlé de cela, ou parce que nous faisons un parallèle, nous nous attendons à un résultat. Mais il n'en est rien. Cela arrive, et cela n'arrive pas. A certains moments, nous pensons avoir compris comment le film allait se dérouler, mais non, il ne cesse de jouer avec nous, pauvre spectateur, victime de notre conditionnement cinématographique. La thématique du film nous place déjà dans l'obscurité. Avec son pitch original, nous ignorons où le film va nous mener. Nous avons nos théories, mais rien n'est certain. On nous présente des personnages, et nous ignorons s'ils seront importants ou non à l'action principal. La mère, personnage principal du film, le shérif, son assistant, le mari, le fils, le publicitaire, son assistante, la collègue. Qui aura une importance, et laquelle. A quel moment, tel ou tel pion sera t'il bougé sur le grand échiquier de l'action ? Et si, dans nos théories, et parce que nous voyons des scènes précises, nous pensons maîtriser le déroulement de l'histoire. Il n'en est rien. C'est en ça que nous avons affaire à des montagnes russes émotionnelles. C'est en ça que le film est moderne. Car nous ne savons sur quel pied danser. Le film est dramatique, le film est drôle, le film est violent. Parfois, il est les trois à la fois. Parfois, nous assistons à des scènes de vie quotidienne, et nous enchaînons sur des prises de vues extrêmement marquantes par leur violence, mais parce que c'est tel personnage, ou telle situation qui se présente, nous ne savons pas si nous devons en rire, ou en pleurer. Impossible de se détendre, nous sommes sans cesse en activité devant ce film, en activité émotionnelle. Et c'est ce qui fait la force de ce film. Qui fait qu'il est un film moderne.

Il y aurait pas mal d'autres choses à dire sur 3 Billboards. Sur la question religieuse, sur la question du chemin de croix, sur la question de la communauté de la bourgade américaine, sur la question du mal, et du bien, sur les choix, sur ce qu'au final, le réalisateur nous laisse entrevoir, mais ne nous raconte pas réellement. Trop de choses à dire. Et c'est ce qui fait que 3 Billboards est un bon film, car nous pouvons spéculer dessus. Spéculer sur son escalade.

Et aussi parce que sa bande-son est cool.