Si ce film ne rafle pas tous les Oscars, c’est du vol.
Le scénario, d’abord. Une merveille de précision. Aucune information n’est inutile. Chacune d’elle sert à construire très précisément un processus collectif dans un village assez isolé du Missouri. Tout démarre d’une façon de forcer la réalité grâce aux trois panneaux publicitaires abandonnés. A leur pied, il y a sept mois, un double crime horrible s’est produit : un viol suivi d’un meurtre par immolation. Comme l’enquête n’avance pas depuis, la mère de la victime fait afficher un texte où elle interpelle la police locale. Jusque là, je ne dévoile rien puisque c’est la première scène. En revanche, je dois dire encore que le point de non-retour est atteint quand la mère se justifie d’avoir interpellé nommément le chef de la police. Elle répond : « je sais qu’il est un bon gars mais quelqu’un doit assumer. » C'est là que commence l'endossement des rôles. Ensuite, tout le reste du film est une mécanique où se construisent des positions qui s’éloignent de plus en plus de la réalité première. Un dialogue entre la mère et son ex-mari dit bien qu’ils ne feront pas revenir leur fille mais qu’il faut faire quelque chose. C’est toute la finesse du scénario de montrer que ces rôles se construisent à chaque fois à partir d’une vision de la réalité. Pour illustrer ce propos et puisque le feu est un des thèmes majeurs du film, c'est comme une façon d’alimenter le foyer avec un bois que les flammes vont consumer. Ce scénario illustre une réflexion sur l’état du débat publique dans nos sociétés où chacun se voit contraint à jouer un rôle et à y camper sans se réinterroger sur la réalité.
Les acteurs, ensuite. La performance de Frances McDormand (la mère) et Woody Harrelson (le shérif) est remarquable mais, comme ce sont de très grands acteurs, on n’est pas surpris. En revanche, le travail de Sam Rockwell (le flic) est époustouflant.
La réalisation, enfin. Elle est au service du propos, en particulier parce que chaque scène est filmée avec de nombreux plans. Ce qui donne une impression d’une mécanique assez vive, dont le rythme ne peut pas être arrêté. Mais, surtout, ce qui traduit la mécanique collective puisque cette façon de filmer suggère les points de vue sur la réalité. Franchement, allez le voir.

EricYoung
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le 8 févr. 2018

Critique lue 203 fois

Eric Young

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