Bluffant ! [Attention quelques spoils se cachent dans cette critique]

En lançant ce film dans mon lecteur, je m'attendais un bon petit film français comme on en fait beaucoup, tiré d'un fait divers, avec une jolie brochette d'acteurs.
En fait, A l'origine est un film très puissant, du point de vue de l'histoire d'une part, absolument ahurissante mais également par le profond message qui s'y dégage.

J'ai vu ce film comme un western moderne, ni plus ni moins. François Cluzet (épatant) n'est autre que ce Lonesome Cow-Boy qui débarque dans une ville paumée, où le désespoir use ses coudes au comptoir du PMU du coin. Sans passé, quasiment sans présent et c'est à se demander s'il a un avenir, ce personnage, immédiatement fascinant, va venir transformer malgré lui le quotidien de toute la commune.
Philippe Miller est un escroc, on l'apprend dès les premières secondes du film. Un type au culot bien rôdé qui usurpe des identités afin de se faire passer pour un chef de chantier venant passer commande pour des articles de travaux publics, pour ensuite les revendre pour son propre compte. Il semble vivoter ainsi, sans famille, ni attache.

Et puis, il tombe sur un chantier en friche dans un coin perdu du Nord, arrêté deux ans plus tôt par des militants écologistes qui voulaient protéger des scarabées. Régler comme une machine à magouilles, il se rend sur place pour réitérer son forfait de revente de matériel de travaux. Manque de bol, il tombe sur le village de 30% de chômeurs, complètement démoralisé depuis la fin du chantier. Avant que Miller n'ait pu ouvrir la bouche, le voilà propulsé au rang de faiseur de miracle, « l'homme qui va rouvrir le chantier », que ce soit auprès des anciens ouvriers, des fournisseurs malmenés et même de la Maire du village jouée par Emmanuelle Devos (juste, comme d'habitude).

La toute première partie du film est alors tout simplement effarante, incroyable au premier sens du terme. Si ce n'était pas un fait réel, je me serais demandé si les scénaristes n'avaient pas un peu abusé. En effet, en l'espace de quelques semaines, cet homme, dont on ne sait rien, va s'attirer la confiance folle d'une multitude de personnes, créant une fausse société, louant des camions, engins, pour un chantier sans queue ni tête ! D'abord on s'étonne qu'il puisse arriver à se faire faire imprimer des feuilles à en-tête avec un nom et un logo bidon puis tout va crescendo. Il va même jusqu'à avoir l'appui de la banque du village qui lui fournit des chéquiers !

Cette confiance est le point fort du film, elle est le cœur de l'émotion qui s'y dégage. Pour ma part, j'ai eu ma larmichette devant ces ouvriers de chantiers, bossant nuit et jour pour un homme qu'ils ne voient qu'à travers l'aveuglement de l'espoir. Ils font tout cela pour rien, pour construire une autoroute qui ne mène nulle part. C'est absolument bouleversant. C'est vraiment, pour moi, la beauté de ce film, celle de prendre un fait divers, qu'on aurait pu juger à raison de « dégueulasse », pour en dérouler un scénario cousu d'or charriant avec lui un flot d'émotions, d'interrogations, de doutes.

Bien évidemment, le personnage interprété par Cluzet est le pivot de tout le film, le moteur de ce grand chambardement. Sa construction est véritablement subtile car du personnage solitaire, d'abord fuyant par rapport à ce qu'il a engendré par ses mensonges qui le dépassent, il devient un homme qui aime, qui y croit, même si son projet n'a pas de sens. On pourrait presque parler de folie finalement. Mais sans que cela ne sombre dans le niais des films habituels sur la question : quiproquos, la vérité qui éclate, excuses, remise en question...
Non, ici tout sonne juste, on comprend la sincérité de cet homme qui va jusqu'à remettre en jeu l'argent qu'il a volé à ces pauvres gens pour arriver au bout du chantier ! Il se construit un bout de vie, qui ne conduit à rien mais lui permet, sans doute, de se sentir vivant, apprécié et respecté avant de retomber dans l'oubli.
Il est incroyable de voir comme l'habileté du scénario et du jeu de Cluzet permet au spectateur d'être touché par un homme qui « à l'origine » est un escroc ! On en veut presque au gens du village qui refusent de lui pardonner. Bien qu'on apprenne au final que cette énorme escroquerie a permis la véritable réouverture du chantier avec l'embauche de tous les ouvriers.

Alors, escroc ou héros ?
A vous de juger.

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le 6 déc. 2011

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Before-Sunrise

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