Au lendemain du 11 septembre 2001, le cinéma américain commença à poser un nouveau regard sur le monde, à imprégner ses productions d'un ton plus plus contestataire, plus paranoïaque, plus pessimiste, comme il l'avait fait pendant le Nouvel Hollywood. Une approche fort intéressante et passionnante qui gangréna même le blockbuster, donnant naissance à de puissantes productions comme le War of the Worlds de Spielberg, The Dark Knight ou bien encore Watchmen. Malheureusement, cela se transforma au fil des ans en cynisme pur et simple, le second degré préfabriqué prenant définitivement le pas sur l'émotion à l'état pure, comme si tout cela n'était qu'une gigantesque blague calibrée pour plaire au plus grand nombre.
C'est dans ce contexte de course effrénée à la surenchère que nait le nouveau né de Brad Bird, qui ira jusqu'à refuser la direction du giga / méga / ultra attendu Star Wars VII pour se concentrer sur ce projet anachronique mais qui lui tient à coeur. Une production coûteuse de plus pour Disney (près de 200 millions de dollars hors marketing), après les bides très médiatisés des pourtant géniaux John Carter et Lone Ranger, et que le studio condamnera à un relatif échec en lui refusant une véritable promotion en bonne et due forme.
Trouvant son origine dans la reproduction d'un monde futuriste imaginé par Walt Disney pour ses parcs d'attractions, Tomorrowland parvient miraculeusement à s'extirper de sa nature de simple publicité sur pellicule pour parcs à thèmes (gros clins d'oeil à l'appui), pour au contraire épouser parfaitement la vision utopiste du futur tel que se l'imaginaient les années 50 / 60, malheureusement mise à mal par les décennies à venir, marquées à la fois par les assassinats consécutifs de Martin Luther King et JFK, par la guerre du Vietnam, par la fin du rêve hippie, par l'affaire du Watergate, le SIDA, le terrorisme et j'en passe.
Amer, Tomorrowland l'est assurément, pointant du doigt l'incapacité de l'humanité à prendre son destin en main, à retrousser ses manches pour offrir un avenir meilleur à sa descendance, préférant se morfondre et se complaire dans une fatalité tout sauf productive. Mais à côté de cela, le film fait le choix d'un optimisme à toute épreuve, choisit de croire en un changement positif encore possible, encourage à s'émerveiller face à ce qui nous entoure et à chercher des solutions aux problèmes actuels.
Un message peut-être naïf et pas toujours très subtil mais cohérent et sincère, qui ne va pas sans se heurter à quelques problèmes d'écriture, à l'image d'un climax confus et décevant, ou de règles brillamment mises en place (l'interaction entre notre monde et celui de Tomorrowland est juste grandiose) pour être ensuite plus ou moins jetées aux orties. Un défaut (choix ?) étonnant, comme si le propos et la symbolique ne pouvait pas cohabiter harmonieusement avec une rigueur narrative.
Mais malgré cela, Tomorrowland reste un spectacle familial dans le sens le plus noble du terme, une aventure humaine et fantastique au charme rétro absolument délicieux, mise en scène avec une maîtrise incroyable par ce doux rêveur de Brad Bird. Prenant son temps pour poser ses enjeux et son univers, le film ne sacrifie jamais ses personnages à l'action, proposant au contraire des protagonistes terriblement attachants (mention particulière pour le trio Britt Robertson / George Clooney / Raffey Cassidy) et une poignée de séquences tout à la fois grisantes, spectaculaires et apte à émerveiller le plus blasé des spectateurs, les effets spéciaux étant de plus épatants.
Bien que maladroit et souffrant d'un sérieux manque de rigueur dans son écriture, Tomorrowland est un divertissement plus que recommandable, une très jolie fable sur l'importance de croire et d'espérer. Un blockbuster presque désuet mais précieux, dont la sincérité et l'optimisme font plaisir à voir en ces temps de cynisme ambiant.